Si vous avez le goût d'avoir La Joconde sur un des murs de votre salon ou d'admirer pendant des mois les coqs du peintre québécois Jean-Philippe Dallaire, c'est un voeu tout à fait réalisable grâce à l'artothèque de la bibliothèque Gabrielle-Roy, qui, chaque année, effectue 2000 prêts d'oeuvres d'art.

C'est un service original et unique si l'on excepte celui de la Grande Bibliothèque de Montréal. Ainsi, les abonnés du réseau des bibliothèques de la ville de Québec, moyennant 3,50 $, peuvent repartir avec une oeuvre (estampes et reproductions) de leur choix renouvelable deux fois.

«Or, la majorité des gens qui nous visitent ont des idées de décoration en tête. Ils savent sur quel mur ça va aller», explique en entrevue le bibliothécaire Éric Therrien, qui est responsable de la collection d'oeuvres d'art à Gabrielle-Roy. «Y en a même qui tombent amoureux d'une toile et qui nous demandent de l'acheter à l'expiration du prêt. Malheureusement, la réponse est non. Au mieux, on pourra les diriger vers l'artiste s'il est Québécois ou les inviter à renouveler le prêt.»

L'inauguration d'un tel service, il y a 28 ans, était des plus avant-gardistes. On raconte que l'idée a été empruntée à nos cousins français, qui faisaient déjà ce type de prêt dans certaines bibliothèques. «Mais l'intention de départ des initiateurs du projet était de démocratiser l'art, de le rendre accessible à un maximum de personnes, et ça l'est encore aujourd'hui», avance Éric Therrien. On peut même ajouter que c'est un outil d'éducation, «parce que derrière chaque toile, il y a une biographie de l'artiste ainsi que sa démarche artistique». Ce qui donne de surcroît une certaine visibilité aux peintres de la relève.

PLUS DE 1000 PEINTURES

Dans le catalogue, 1200 oeuvres sont répertoriées, dont la moitié sont visibles sur le Net. On y trouve surtout des lithographies, des sérigraphies, des gravures, des eaux-fortes et des reproductions de peintres d'ici et d'ailleurs, indique encore M. Therrien. Parmi les Québécois, René Richard, Arthur Desmarteaux, Luce Pelletier, Christine Rolland, Jacques Hamel, Jean-Philippe Dallaire, Iacurto, pour ne nommer que ceux-là. Du côté des célébrités : Gauguin, Toulouse-Lautrec, Van Gogh, Picasso, Léonard de Vinci et plusieurs autres. Toutes les oeuvres en location sont encadrées.

RENOUVELLEMENT

«Le renouvellement et la sélection des oeuvres québécoises [50 % de la collection] se font tous les deux ans par appel d'offres, précise M. Therrien. De plus, chaque automne, nous montons une exposition au rez-de-chaussée de la bibliothèque pour présenter les nouvelles acquisitions. Les habitués sont fidèles au rendez-vous et disent avoir hâte que l'on mette les oeuvres en circulation.» Et, phénomène relativement nouveau, les parents viennent avec les enfants choisir des peintures. Au moment de notre passage, Chantal St-Laurent, Sébastien Ouellet et leur fils Louis-Philippe tournaient un carrousel de panneaux remplis de tableaux de tous les styles et courants. Chantal nous a indiqué que le prêt de toiles lui permet de changer de décor à peu de frais. «C'est sûr que je choisis en fonction de ma décoration», dit-elle. À ses yeux, c'est une façon amusante d'initier les enfants à la peinture et de leur donner le goût du beau. Et ça marche, puisque Louis-Philippe avait déniché une illustration de Tintin qu'il était prêt à emporter.

VASTE CHOIX SUR LE NET

Parce que le choix d'une oeuvre d'art est complexe, parce que le coût parfois élevé d'une toile fait hésiter l'acheteur, la galerie Loulee Arts, une boutique virtuelle de Montréal, propose des peintures en location. C'est un concept unique, déclare au téléphone l'initiateur du projet, Hervé Garcia. À ma connaissance, il n'existe pas de formule semblable au Québec.

Lui-même peintre, Hervé Garcia a choisi de démocratiser l'art en offrant la possibilité aux entreprises, aux institutions, aux commerces, aux particuliers de s'offrir pendant quelques mois un peintre ou une toile qu'ils admirent. C'est pourquoi il a mis en ligne des centaines d'oeuvres de peintres québécois dont certains sont connus, d'autres en pleine ascension. Son catalogue virtuel (www.louleearts.com) contient plus de 700 toiles d'une valeur pouvant varier de 500 $ à 3000 $. «Le coût d'une location au mois représente de 3 à 4 % du prix de l'oeuvre, précise M. Garcia. Mais au bout de six mois, le client qui souhaite acquérir une toile en particulier peut se prévaloir d'un système de crédit-bail.»

APPRIVOISER UNE PEINTURE

La formule de location permet aussi d'apprivoiser une peinture, de voir si c'est vraiment ce qui convient au décor. «Ainsi dans les entreprises, les hôtels, les restaurants, nous travaillons de concert avec des designers d'intérieur parce que le hall d'entrée d'une compagnie reflète son image de marque, d'où l'importance d'être bien au fait de l'histoire de l'institution et de ses produits avant d'intégrer une toile au décor.»

Pour mieux faire connaître les artistes du Québec et augmenter leur visibilité, la galerie Loulee Arts organise également des expositions itinérantes à Montréal et dans les villes environnantes.

lfournier@lesoleil.com

Photo: archives La Presse

La Joconde