La toile de Jouy fait partie de ces étoffes jamais à la mode, mais toujours en demande. «Comme le pied-de-poule», illustre Nancy Poliquin, propriétaire d'une boutique de tissus à Québec.

La toile de Jouy fait partie de ces étoffes jamais à la mode, mais toujours en demande. «Comme le pied-de-poule», illustre Nancy Poliquin, propriétaire d'une boutique de tissus à Québec.

La fabrication de la toile de Jouy a débuté vers 1760, dans la commune de Jouy-en-Josas, en France. En 1783, Louis XVI avait octroyé à l'entreprise qui la produisait le titre de Manufacture royale. Napoléon y a un jour mis les pieds. Et son propriétaire, Christophe-Philippe Oberkampf, a été décoré de la légion d'honneur. Bref, en mille neuf cent tranquille, la toile de Jouy était une étoffe tendance, auréolée d'une réputation bâtie par les grands de ce monde.

La designer d'intérieur Bianca Mercier, des Créations Réka, observe que ses clients l'utilisent «en accent» aujourd'hui, sur des coussins, par exemple, sur des bandes de papier peint ou sur des objets décoratifs, tels des vases ou des chandeliers. «Il faut savoir doser, recommande-t-elle, car la toile de Jouy propose des motifs très chargés.»

Ces motifs, ce sont des scènes bucoliques - des gens qui dansent, des enfants qui jouent, des adultes qui promènent leurs chiens - et des compositions pleines de personnages, qui racontent des histoires tirées de faits divers, de romans, d'opéras à la mode, de légendes mythologiques. George Washington et Benjamin Franklin y étaient souvent représentés.

Le fond de la toile est généralement blanc cassé ou crème. Au début, les artisans la déposaient dans les champs pour qu'elle blanchisse au soleil. Les motifs imprimés, eux, se déclinent maintenant en plusieurs couleurs, mais à l'époque, ils étaient soit rouges, soit aubergine.

«Ça demeure très classique, ça n'a pas beaucoup évolué», résume Nancy Poliquin, de Poliquin Décor. «La toile de Jouy ne se prête pas vraiment aux décors contemporains, ajoute Bianca Mercier. Elle convient mieux aux intérieurs très classiques et très chics.»

Cela dit, un étudiant de Hong Kong, Chi-Man Pun, a dessiné sur de la toile de Jouy, des vignettes actuelles dans lesquelles il raconte l'histoire de sa ville. Il répondait ainsi à un concours lancé par 70 maisons françaises de prestige, désireuses de promouvoir la créativité, l'histoire et l'artisanat. Non seulement le jeune homme a-t-il remporté le concours, mais il a vu son étoffe intégrer la collection de la maison Pierre Frey, qui se spécialise en tissus et en ameublement de luxe (www.pierrefrey.com).

Pollueur de rivière

Nous voilà bien loin de ce Bavarois de 21 ans, Christophe- Philippe Oberkampf qui, en 1760, est devenu «l'un des premiers pollueurs» de la rivière Bièvre en installant sa manufacture sur l'une de ses berges.

Ses ouvriers, en effet, lavaient la toile écrue dans ses eaux. Ils appliquaient ensuite sur le tissu, des planches de bois gravées et enduites de teintures. Après l'impression, la toile était gratifiée d'un «bain de bouse de vache ayant la propriété de décomposer et de fixer les mordants sur la fibre».

Dix ans plus tard, les planches de bois ont été remplacées par des plaques de cuir flexibles, ce qui a permis de les disposer sur des tambours cylindriques et d'augmenter la production en la mécanisant.

L'expression «toile de Jouy» n'est pas la marque déposée du produit fabriqué à Jouy-en-Josas (actuellement dans les Yvelines, en France). Même à l'époque d'Oberkampf, d'autres manufactures fabriquaient des tissus identiques. L'expression est devenue un nom générique pour une étoffe parfaite pour les tentures, les housses de couette, les recouvrements de meubles, les papiers peints et les accessoires décoratifs.