Sur la rue Sainte-Ursule de Québec se trouve une maison vénérable qui, comme un grand cru, s'est bonifiée avec le temps. La demeure bicentenaire a été rénovée au goût d'aujourd'hui, dans le respect du style d'autrefois. Mais il a fallu s'armer de beaucoup de patience et user de doigté pour que l'on puisse apprécier aujourd'hui toute sa personnalité.

Sur la rue Sainte-Ursule de Québec se trouve une maison vénérable qui, comme un grand cru, s'est bonifiée avec le temps. La demeure bicentenaire a été rénovée au goût d'aujourd'hui, dans le respect du style d'autrefois. Mais il a fallu s'armer de beaucoup de patience et user de doigté pour que l'on puisse apprécier aujourd'hui toute sa personnalité.

André Marier est copropriétaire de la résidence avec son gendre Claude Payer. Économiste de formation, M. Marier a joué un rôle de premier plan dans la nationalisation des compagnies privées d'électricité et dans la mise en place de la Caisse de dépôt et de placement pendant la Révolution tranquille.

 Séduit par la façade et l'intéressant toit à pavillon de la propriété il y a une trentaine d'années, André Marier a été le sixième acheteur à en prendre possession depuis 1807.

 Après avoir été habitée par des médecins et des commerçants, dont Hector Marcou, un des fondateurs de la compagnie devenue Holt Renfrew, la spacieuse résidence abrite aujourd'hui trois générations.

Grand amateur d'histoire, M. Marier a tout de suite vu le potentiel de la propriété, avantageusement localisée dans le Vieux-Québec. «Apparemment, plusieurs architectes et avocats se sont découragés devant l'ampleur des travaux à faire», raconte son gendre. Sauf M. Marier, qui a décidé d'en faire une résidence de grande qualité.

Minutieux, le nouveau propriétaire a rénové la demeure dans les règles de l'art. Mise en valeur d'éléments d'origine, réaménagement de pièces pour favoriser la convivialité, triple vitrage des fenêtres... l'entreprise de longue haleine s'est avérée fort bien réussie. En 1988, M. Marier reçoit un prix de la Commission d'urbanisme et de conservation de Québec pour la restauration de la façade de la maison.

Dans la petite cour avant et dans la cuisine d'été, André Marier a recréé un sol avec du calcaire de Château-Richer. Si ce n'avait été de son propre aveu, on aurait pensé qu'il avait soigneusement dénudé le plancher et le bas des murs pour mettre la pierre d'origine en valeur. En résulte une petite pièce lumineuse qui accueille aussi bien les combats de chevaliers de son petit-fils que les réunions impromptues entre amis.

Jardin secret

La demeure recèle de plus un trésor bien gardé : un jardin privé unique qui jouxte le domaine des Ursulines de Québec. «Les Ursulines sont très strictes. On doit entretenir le mur des deux côtés», spécifie M. Marier. À 75 ans, l'homme prend lui-même toujours soin de son jardin. Muguet, pervenche et lilas prennent place près d'un chêne et d'un prunier qui donne quelques paniers de fruits par année.

De la cour arrière, on voit les appartements de fonction du premier ministre, en haut de l'édifice Price. «M. Landry nous voyait dans le jardin, a-t-il déjà dit!», raconte M. Payer qui connaît l'homme politique pour avoir travaillé avec lui sous René Lévesque.

Annexée à la demeure, une écurie, à l'épais plancher en épinette, a été réorientée en salle de jeu. Le deuxième étage n'étant pas aménagé, M. Marier indique toutefois qu'il aurait bien aimé transformer cet ancien grenier à foin en atelier d'artiste.

Re-générations

Avec sa femme, M. Marier habite une partie du deuxième et le dernier étage de la spacieuse demeure. Sa fille, son gendre et deux de leurs enfants occupent un autre appartement situé au rez-de-chaussée. Le fils aîné du couple «squatte» quant à lui le demi-sous-sol de la propriété alors qu'un autre logement est également en location.

L'escalier de noyer noir d'origine qui rampe voluptueusement jusqu'au second palier continue dans les appartements de M. Marier. Dans la salle commune, on trouve le seul foyer fonctionnel de la résidence, les autres étant faits pour recevoir du charbon. Tout en sobriété, le couple a opté pour un sofa Maralunga et des chaises en cuir pour meubler la pièce centrale.

Mais c'est véritablement dans la chambre à coucher que l'on peut sentir l'âme de la maison, les poutres d'origine y transperçant le plafond. Sur le petit balcon, accessible du bureau de M. Marier, on peut voir, par beau temps, le fleuve et le pont de l'île d'Orléans. «On peut aussi voir les soeurs se promener dans le jardin!», ajoute-t-il.

Restaurateur d'oeuvres d'art, M. Payer et sa conjointe n'ont pas cherché à ornementer leur appartement et ont opté pour des nuances douces.

«Nous sommes sensibles au sens des choses. L'idée est de faire en sorte que la maison exprime ce qu'elle a à dire. On la respecte, on a ôté les éléments incohérents», explique le résidant. Avec ses rosaces d'origine et les caissons que l'on retrouve toujours dans la cuisine, le plafond a été mis en valeur tout comme les grilles en fonte de fer légèrement dorées ravivées par M. Payer.

Relevé d'une légère touche italienne, l'appartement dégage une apaisante fraîcheur. Comme quoi il est possible, même après 200 ans, de rajeunir en vieillissant.

Info : www.cyrillegirard.com

 

Photo: Sotheby's

Le salon de l'appartement d'un des copropriétaires, Claude Payer, et de sa femme, avec vue sur la chambre par la porte coulissante.