Tel un cocon, une pièce sans fenêtre est un refuge. Propice à l'intimité ou à une ambiance feutrée, elle réussira à plaire si elle est aménagée de façon sécuritaire et confortable.

Tel un cocon, une pièce sans fenêtre est un refuge. Propice à l'intimité ou à une ambiance feutrée, elle réussira à plaire si elle est aménagée de façon sécuritaire et confortable.

D'abord, il faut savoir que la souplesse du Code de construction provincial permet d'aménager des pièces sans fenêtre dans les résidences. Pour autant que les objectifs de ventilation et de sécurité soient atteints. «Par exemple, une cuisine peut n'avoir aucune ouverture vers l'extérieur, pourvu qu'elle soit dotée d'une hotte pour ventiler la pièce. C'est le même principe pour une salle de bains», soutient Marjolaine Veillette, porte-parole de la Régie du bâtiment.

André Gagné, directeur des services techniques à l'Association des constructeurs d'habitation du Québec (APCHQ), soutient toutefois que chaque chambre doit être dotée d'au moins une fenêtre, question que ses occupants soient en sécurité. «Si le feu est pris dans le corridor au beau milieu de la nuit, il faut une sortie de secours», explique-t-il.

Mais encore là, le nouveau Code de construction, qui entrera en vigueur sous peu, laisse l'industrie faire preuve de bon sens et d'innovation, en ne prescrivant pas de grandeur minimale. La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) recommande quant à elle de prévoir une fenêtre qui mesure environ 10 % de la superficie du plancher de la pièce, si on veut obtenir un éclairage naturel agréable.

À la Ville de Québec, le règlement sur les normes de construction stipule que des fenêtres sont obligatoires dans les chambres, les salles à manger et les salons. «Elles ne sont pas obligatoires dans les sous-sols, si ceux-ci ne sont pas aménagés», soutient François Moisan, porte-parole de la Ville.

Mais il n'y a pas à craindre pour l'application de ces règles, car l'industrie se discipline elle-même, selon M. Gagné. «De toute façon, personne n'achèterait de maison neuve avec des fenêtres de six pouces de haut!» lance M. Gagné.

Vrai. Sauf que la plupart du temps, il n'est pas possible ou souhaitable de mettre des fenêtres partout. «Ce qu'il faut atteindre, c'est une juste proportion de vitrage. On ne veut pas de bunkers, mais on ne veut pas non plus construire de maisons-verrières, qui dépensent énormément d'énergie», soutient André Bourassa, président de l'Ordre des architectes.

Alors, si le but d'une pièce sans fenêtre est d'en faire un espace feutré (bar, cinéma maison), on peut choisir des couleurs foncées et des meubles imposants. Si c'est un bureau, mieux vaut opter pour des couleurs claires et ne pas surcharger la pièce. «On peut aussi y installer un tableau pour donner de la perspective», soutient M. Bourassa.

Problème de luminosité

Bien avant leurs fonctions de sécurité et de ventilation, les fenêtres sont aimées parce qu'elles laissent filtrer la lumière du jour. Et si on n'a pas assez de luminosité, en raison de fenêtres trop petites ou pas assez nombreuses? Il faut faire preuve d'imagination.

C'est ce qu'a fait Nathalie Simard, maquilleuse artistique vivant dans un loft des Ateliers du coin, conçus par l'artiste Florent Cousineau il y a 10 ans. «Moi, ça me prend de la lumière... c'est vital», dit-elle.

Mais comme son logement de la rue Narcisse-Belleau, dans le quartier Saint-Roch, n'est pourvu de fenêtres que sur sa façade, il est à moitié dans l'ombre, peu importe l'heure de la journée.

Pour faire le plein de soleil, Mme Simard a donc aménagé un petit coin café près de la fenêtre du deuxième étage et une passerelle tout ce qu'il y a de plus légère et transparente, pour se rendre à cette mezzanine.

«J'ai aussi installé des boules disco parce que, quand le soleil entre dans la fenêtre à 9h du matin, les petits miroirs reflètent de la lumière un peu partout dans le loft», explique-t-elle.

M. Cousineau soutient qu'il n'était pas facile de donner de la luminosité à l'édifice, qui a servi autrefois d'écurie pour les calèches du Vieux-Québec. Il a tout de même installé des puits de lumière au deuxième. Mme Simard projette de modifier le sien pour qu'il laisse entrer encore plus de lumière.

Wendy Pollard, conseillère à la SCHL, conseille à ceux qui veulent maximiser l'apport en lumière naturelle d'une fenêtre de vérifier qu'elle soit bien nettoyée et d'enlever les moustiquaires en hiver, afin de réduire au maximum l'ombrage.

«Il est aussi possible de profiter de l'éclairage naturel d'une autre pièce en perçant une ouverture dans le haut d'un mur mitoyen. Par exemple, on peut prêter un peu de luminosité du salon à la salle de bains en procédant ainsi», explique-t-elle.

Pour ceux qui se sentent d'attaque pour des travaux plus costauds, il est toujours possible d'agrandir une fenêtre, préférablement par le bas, soutient Mme Pollard. Il y a ainsi moins de chances que l'on ait à refaire le support et les enfants peuvent aussi profiter plus facilement de la vue.

La vie dans un «bunker»

 Patrick (nom d'emprunt) a habité un an dans un appartement du centre-ville de Québec où la lumière du jour ne se pointait jamais le bout du nez. «Au début, tu ne t'en rends pas trop compte, mais après un certain temps, tu as l'impression de vivre dans un cachot», dit-il. Le logement n'était pas trop dispendieux et comme il l'avait visité en soirée, il n'avait pas vraiment remarqué le manque de fenestration.

 Le logis n'avait que deux ouvertures vers l'extérieur : la porte-fenêtre du salon, condamnée parce qu'un nouvel immeuble s'était bâti juste à côté, et la fenêtre de sa chambre - qui mesurait moins d'un mètre carré - qui donnait, elle aussi, sur un mur de brique.

 «Tu ne peux pas vivre là-dedans. En tout cas, moi, je m'arrangeais pour être là le moins souvent possible. Je crois que le manque de lumière a joué beaucoup sur mon cerveau... sur mon humeur», raconte-t-il.

 Le seul avantage du logement que ses amis surnommaient le «bunker»? Patrick pouvait dormir jusqu'à 14h sans problème. Pour mieux vivre dans son appartement, il l'a peint en jaune et beige pâle, question de réfléchir le peu de lumière qui y entrait, et il a installé des lampes à profusion. «Si j'étais resté là plus longtemps, je pense que j'aurais acheté un aquarium, pour mettre plus de vie. Ou j'aurais fait poser des miroirs», lance-t-il.

 

Photothèque Le Soleil

La couleur beige donne de la luminosité à ce sous-sol.