Il voulait apporter une parcelle de chez lui lorsqu'il a ouvert son commerce Afrik'ArtDéco l'automne dernier. L'Ivoirien Jean-Marc Bini s'est alors donné comme mandat d'offrir autre chose que des clichés, question de laisser les décors québécois s'éclater à l'africaine.

Il voulait apporter une parcelle de chez lui lorsqu'il a ouvert son commerce Afrik'ArtDéco l'automne dernier. L'Ivoirien Jean-Marc Bini s'est alors donné comme mandat d'offrir autre chose que des clichés, question de laisser les décors québécois s'éclater à l'africaine.

L'endroit est chargé, le propriétaire de la boutique du chemin Sainte-Foy est à l'étroit. C'est que les pièces qu'il a en magasin sont imposantes et massives : on a affaire à du solide. «Au départ, l'idée était de me procurer et de vendre des pièces qu'on retrouve ici, explique Jean-Marc Bini. Mais après un mois à regarder ce qu'on vendait, j'ai réalisé qu'il fallait absolument faire venir de l'Afrique.» Les objets qui ornent sa boutique viennent donc de la Côte-d'Ivoire, du Togo, du Niger, de l'Afrique de l'Ouest. Et ils n'ont pas la simplicité ou le commun de la fameuse girafe qu'on trouve dans tous les magasins ramasse-tout. La girafe, le lion, la biche ou l'éléphant, les quatre symboles de l'Afrique, sont là, mais sculptés sur le pan du bar, de la table ou du coffre à jouets. Même sur le dossier de la chaise.

«Le coussin ne fait pas partie de notre culture, on n'a pas ça sur nos chaises, alors on fabrique des meubles qui doivent être confortables. Les chaises doivent épouser la forme du corps.» Résultat : la chaise de bois sculptée n'a rien à voir avec l'inhospitalier banc d'église. Elle est étonnamment confortable.

Enfin, la plupart des pièces qui ornent l'endroit sont donc faites de bois franc, d'un arbre de la famille des irokos et sont polis ou vernis avec de la cire et du diluant. «Les irokos sont de très gros arbres qui poussent surtout en Afrique de l'Ouest, entre autres en Côte d'Ivoire. Les artisans se servent de ce que les exploitants laissent derrière eux. Des branches, des bouts de tronc morts ou non utilisés.»

Le bois vient aussi du Bénin, du Togo; le bronze pour les plus petits objets, du Burkina Faso, le cuir sur coffre à bijoux, du Niger. «J'ai aussi des peintures sur textile où on a utilisé la technique de batik. C'est simple : on trempe le tissus dans la teinture en recouvrant ce qu'on ne doit pas colorer de cire. Ce sont les veuves du Rwanda qui fabriquent les créations murales.»

Pour dénicher ses oeuvres, M. Bini fait appel à une cinquantaine d'ouvriers qui manient le ciseau à bois ou à cuir. Et il choisit les meilleurs, précise-t-il, ceux qui sont experts dans leur matériau. «Ils sont très travaillants. Par exemple, un bar prend seulement trois semaines à faire parce qu'ils savent ce qu'ils font.»

S'il vend le mobilier à des ménages québécois, dans son pays natal, ce n'était pas tout à fait le cas. Les créations de l'artisan, soutient-il, sont achetées par les collectionneurs. Pour se meubler, les gens «font comme tout le monde, ils vont chez Ikea», lance-t-il en riant.

À petites doses

Incorporer un meuble ou un mobilier africain au complet dans son intérieur n'est pas chose simple, surtout si ce dernier est moderne et design. Avec le temps, M. Bini a donc dû se faire conseiller en décoration, «les gens ne sachant pas trop comment intégrer une grosse chaise» à leur cuisine.

Conseil du marchand : «Je suggère de mettre la chaise à l'entrée, pour s'y asseoir quand on met les bottes. Le bar, c'est pour le sous-sol.»

Fait de feuilles de palmier, le paravent beige foncé est peut-être l'élément le plus intéressant, celui qui amène cette touche d'exotisme à une pièce trop québécoise. Et qui réussit à se fondre dans un décor autant contemporain qu'éclaté.

Enfin, le conseiller en décoration africaine n'est pas encore rendu à déménager l'Afrique de l'Ouest au complet dans une résidence, mais, un élément à la fois, il gagne les foyers. «Mon rêve? s'étonne M. Bini de la question, c'est de décorer des pièces de A à Z, comme une suite africaine dans un hôtel ou un restaurant!»

En attendant de créer un univers ivoirien dans les chambres de luxe, M. Bini sera d'EXPO habitat Québec du 20 au 24 février à la demande de l'organisation. Comme il communique avec les artisans par webcam lorsqu'il passe ses commandes, M. Bini devrait y montrer un ouvrier à l'oeuvre. «En plus de ça, je vais monter un bar avec un toit de hutte, appelée paillote, décrit-il avec la fébrilité d'un enfant. Ça va être surprenant pour le visiteur.»

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Afrik'ArtDéco, 1199, chemin Sainte-Foy, Québec 418-688-9433

 

Photo Jocelyn Bernier, Le Soleil

Souvent achetées individuellement, les chaises sont placées dans des endroits où on peut les mettre en valeur: dans l'entrée ou près du lit. Ici, elles sont posées sur un tapis de peau de biche.