C'est à la fois une maison et un gagne-pain, le passé et le présent, le Québec et l'Angleterre. Clément St-Laurent et sa conjointe, Nathalie Deraspe, ont restauré les anciens appartements de l'épicier Jean-Alfred Moisan, rue Saint-Jean, à Québec. Soigneusement rénovée «à l'ancienne», la résidence, qui est aussi un gîte, nous transporte à la fin du XIXe siècle, dans un décor opulent inspiré de l'époque victorienne.

C'est à la fois une maison et un gagne-pain, le passé et le présent, le Québec et l'Angleterre. Clément St-Laurent et sa conjointe, Nathalie Deraspe, ont restauré les anciens appartements de l'épicier Jean-Alfred Moisan, rue Saint-Jean, à Québec. Soigneusement rénovée «à l'ancienne», la résidence, qui est aussi un gîte, nous transporte à la fin du XIXe siècle, dans un décor opulent inspiré de l'époque victorienne.

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 Dorures, dentelles, tapisseries opulentes et meubles à profusion. Clément St-Laurent et sa conjointe Nathalie Deraspe ont longuement étudié le style anglais d'inspiration victorienne avant de l'appliquer à leur demeure. Un travail colossal qui nous transporte aujourd'hui dans une toute autre époque. Bienvenue chez Jean-Alfred Moisan.

 Clément St-Laurent et Nathalie Deraspe ont fait le saut dans le commerce de détail en 1999 en achetant l'immeuble qui contient l'épicerie fine J.A. Moisan. Le couple a emménagé dans les anciens appartements de l'épicier, au 695, rue Saint-Jean, à Québec, juste au-dessus du commerce.

 Le duo a dès lors consacré ses soirées et fins de semaine à la restauration de sa «nouvelle» résidence, construite en 1848 : les deuxième et troisième étages du bâtiment. Répartis sur quatre ans, les travaux de rénovation se sont déroulés en deux temps : deux ans de recherches et deux ans de rénovations. «On voulait relater une page d'histoire du XIXe siècle, quand Moisan y a élevé sa famille de 1885 à 1927», explique M. St-Laurent.

 Les luminaires, papiers peints, tissus et rideaux ont nécessité de longues heures de recherche assidue et de consultations spécialisées. Il faut dire que M. Moisan s'était lui-même inspiré du style de l'ancien propriétaire, le capitaine John Dick, chef du port de Québec à la retraite. Le nez plongé dans les livres d'histoire, les proprios étaient bien décidés à ne négliger aucun élément.

 Époque victorienne

 Tout en haut de l'étroit escalier qui mène à la résidence, le hall d'entrée, la pièce la plus importante de l'époque, accueille les visiteurs. «On recevait les gens dans le hall. On axait sur les boiseries. On voulait refléter le style de la maison en limitant l'accès au salon aux étrangers», raconte M. St-Laurent.

 Du coup, le visiteur est transporté dans un autre siècle. La reine Victoria, qui a régné de 1837 à 1901, a inspiré de nombreux designers et propriétaires de l'époque. Fleurs, rayures et carreaux ; la texture s'impose sur toutes les surfaces, en excès calculé.

 Sur cette trame veloutée se côtoient de nombreux meubles de bois sombre tout en courbes. De petites tasses de thé posées sur la traverse d'une chambranle se laissent admirer tels des bibelots.

 «Dans le style anglais, il y a beaucoup de meubles. On décore beaucoup avec les chaises», remarque M. St-Laurent. En plus des antiquités qu'ils ont accumulées au fil du temps, les propriétaires ont eu recours à beaucoup de reproductions de mobilier pour meubler leur logis.

 Les voluptueuses boiseries ont été taillées comme celles d'origine, avec des couteaux faits sur mesure. C'est l'atelier d'ébénisterie Tenons-nous de Neuville qui s'est chargé de dupliquer plinthes, chambranles et autres moulures. «Le truc pour réussir, de la décoration c'est le temps. Il faut qu'il y ait une vie !» appuie M. St-Laurent.

 Atmosphère feutrée

 De larges portes françaises limitent l'entrée au salon. Une fois les battants franchis, l'oeil capte de nouveaux détails qu'il n'avait pu saisir au premier abord. Submergé par l'abondance d'accessoires, le visiteur pourrait contempler une pièce pendant des heures sans parvenir à tout détailler.

 Les tapisseries fleuries et fruitières, les imposants luminaires mordorés et les sièges rembourrés créent une atmosphère feutrée. Pour reproduire le plus fidèlement le style et retracer la tapisserie de l'époque, les proprios ont fait tremper l'épaisse couche de papiers peints qui garnissait les murs pour en détacher chaque couche.

 En continuant la promenade, la petite bibliothèque se démarque. Le seul plancher d'origine s'y trouve. En merisier, il fait la fierté de son restaurateur. Le foyer d'origine de ce «salon d'hommes» a été transformé pour fonctionner au gaz, question de sécurité. «C'est cette pièce qui représente le plus l'époque, avec les couleurs, le plancher et le plafond à caissons», se targue M. St-Laurent avec raison.

 Sur les murs aux couleurs dramatiques, des miroirs massifs voisinent les photographies d'époque.

 «D'après moi, les tapisseries foncées c'était pour cacher certains défauts du charbon qu'on utilisait pour chauffer, relate le passionné d'histoire. Il y avait beaucoup de manutention.»

 Restaurer et recréer

 «Le style anglais est très renfermé, note M. St-Laurent. On voit moins de ce style-là dans le résidentiel. On voit plus de contemporain marié avec des antiquités ou, sinon, on veut en faire des musées. Chez des particuliers, il n'y en a pas beaucoup.»

 Les résidants s'étaient fait un point d'honneur de respecter le «style du patrimoine» malgré les réfections extensives qu'ils planifiaient. Claude Doiron, qui a déjà habité la maison, a aidé aux recherches. L'architecte Claude Fugère a par la suite oeuvré sur les plans en cherchant à incorporer le décor.

 Aux plafonds, des gorges ont été reproduites avec les matériaux d'aujourd'hui, beaucoup moins dispendieux. La salle à manger a dû être réduite pour construire une salle de bains, le foyer ayant été récupéré pour créer une niche dans la douche.

 La cuisine aussi a été réaménagée au goût et avec les fonctionnalité du jour. Petite, elle devait être fonctionnelle. «Je ne sais pas pourquoi, aujourd'hui, tout le monde se retrouve dans la cuisine !»

 Les armoires de merisier ont été peintes d'une onctueuse teinte de crème. Une hotte de cuivre, qui servait préalablement à la préparation du smoked meat à l'épicerie, reluit au-dessus du poêle, qui, pour sa part, n'a rien d'ancien.

 Pour recréer le solarium et la terrasse qu'un ex-propriétaire avait transformés en entrepôt, M. St-Laurent s'est fié à des photographies du début du XXe siècle ainsi qu'à d'autres, des années 1950 et 1960. Vert et rouge, la terrasse reflète le style de la façade. Il se remarque aux colonettes et aux corniches. Le solarium, qui sert de salle de séjour aux résidants, est encadré de fenêtres guillotines par lesquelles fuse la lumière.

 D'après le proprio, la seule chose qui ne rend pas justice au décor sont les planchers en pin, pourtant un matériau fort prisé des Anglais. «J'ai hâte qu'ils vieillissent pour les sabler et leur donner la couleur d'antan ! évoque-t-il, agacé par les détails. Rebâtir, ce n'est pas de la restauration. On n'est pas capable de faire du vieux avec du neuf !»

 J.A. Moisan a son auberge

 Chez Clément St-Laurent et Nathalie Deraspe, en haut de l'escalier d'origine du hall d'entrée, se trouvent des chambres aménagées pour accueillir les visiteurs de passage. Après avoir remodelé leur chez-soi (au-dessus de l'épicerie fine de la rue Saint-Jean), les propriétaires ont remarqué qu'il y avait trop d'espace inoccupé. Ainsi est née l'Auberge J.A. Moisan, en fonction depuis mai.

 Amélia, Antonia, Albertine et Ludovine. Chacune des quatre chambres d'inspiration victorienne du gîte ont été baptisées aux prénoms des femmes de la famille Moisan. Elles ont toutes leur propre personnalité. Les couvre-lits et leur panoplie de coussins s'agencent aux couleurs crémeuses des murs. Des cadres antiques recueillis par les hôtes ponctuent le décor et toutes les unités disposent d'un coin lecture, avec chaises rembourrées et petite table ronde.

 Puisque chaque chambre s'est vue réduite par l'ajout d'une salle de bains, les meubles de rangement ont été incorporés aux murs. Dans le toit en pente qui s'incline au-dessus des douillettes, des baies logent d'assez larges fenêtres. Lorsque la lumière se fait plus rare, des lustres scintillants permettent d'illuminer les chambres.

 En rénovation, le grenier sera éventuellement transformé en une autre unité. Elle n'a pas encore été nommée. Peut-être sera-t-il au tour de la première femme de M. Moisan, Laetitia, d'hériter d'un petit coin de son ancienne demeure...

 Info : www.jamoisan.com