Tandis qu’il bricole et restaure en solo ses premiers luminaires dans un petit local de la rue Beaubien, Samuel Lambert rêve en silence de New York, où il visualise un studio et une enseigne à son nom. Dix ans plus tard, avec 50 employés à bord, Lambert & Fils met le cap sur la Grosse Pomme et se pose dans Tribeca, au cœur de la Mecque du design.

Le 11 mars dernier, Samuel Lambert signait son bail pour un local de 20 000 pi2 au rez-de-chaussée de l’élégant Schepp Building. Deux heures plus tard, CNN annonçait un confinement. « J’ai braillé pendant une heure dans ma chambre d’hôtel », confie le fondateur de l’entreprise qui a dû se retrousser les manches pour mieux rebondir.

PHOTO CHRIS MOTTALINI, FOURNIE PAR LAMBERT & FILS

Le magasin offre un écrin aux créations pures et raffinées de Lambert & Fils.

Malgré des temps en mal de lumière et un contexte difficile, Lambert & Fils concrétise son ambitieux projet et s’offre, pour ses 10 ans, un pied-à-terre à Manhattan, au 51, rue Hudson, coin Duane. L’élégante galerie new-yorkaise devient la seule incarnation publique de la marque qui poursuit la conception et la création de ses luminaires de luxe à Montréal, dans l’atelier outremontais.

  • Vue de l’intérieur du loca.

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    Vue de l’intérieur du loca.

  • Les locaux de Lambert & Fils à Manhattan sont au 51, 
rue Hudson, coin Duane.

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    Les locaux de Lambert & Fils à Manhattan sont au 51, 
rue Hudson, coin Duane.

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Installée au rez-de-chaussée du Schepp Building, un édifice à l’élégance typique des bâtiments new-yorkais du XIXsiècle, la boutique se fond à son environnement branché.

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Jusqu’à maintenant, la galerie organise des visites virtuelles en 3D qui suscitent un bel intérêt.

L’endroit, ouvert au début de décembre, offre un écrin aux créations pures et raffinées de Lambert & Fils. Jusqu’à maintenant, la galerie organise des visites virtuelles en 3D qui suscitent un bel intérêt. La collection Atelier, lancée pour l’occasion, revisite certaines gammes qui ont fait le succès de la marque, comme Laurent, Parc ou Beaubien. Signé par Samuel Lambert, l’espace évoluera en fonction des collaborations avec d’autres marques, souligne son designer. « On brassera régulièrement les cartes. »

Lambert & Fils lance Atelier, une collection présentée dans sa galerie new-yorkaise qui souligne 10 ans de création et revisite ses modèles signature. « L’espace a tellement de personnalité que je ne voulais pas ajouter une autre couche trop personnelle. Ici, ce sont les objets qui parlent », soutient Samuel Lambert. L’endroit se veut un lieu d’accueil pour d’autres marques : une façon d’habiller l’espace et d’ajouter du dynamisme. Il héberge les tapis d’une entreprise milanaise et les miroirs de la boutique new-yorkaise Bauer.

Un parcours éclairé

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Les luminaires Lambert & Fils sont vendus partout dans le monde.

Ce saut en terre new-yorkaise peut sembler étonnant pour qui n’est pas au fait du déploiement de la marque. Il étonne moins les professionnels du design que l’entreprise rejoint principalement. Les luminaires Lambert & Fils sont vendus partout dans le monde et ont trouvé preneur dans des résidences de luxe, des espaces publics et des commerces, notamment le Four Seasons et Google. Certains modèles, comme Atomium et Dot, sont maintenant copiés par d’autres fabricants en Asie.

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Les luminaires Lambert & Fils sont vendus partout dans le monde et ont trouvé preneur dans des résidences de luxe.

Au fil des années, l’entreprise a fait parler d’elle dans des publications prestigieuses comme Elle France et Wallpaper. Sa présence originale dans certains évènements nichés, comme la Semaine du design de New York ou la Biennale intérieure de Belgique, n’est pas étrangère à son rayonnement international. À la Foire du design de Milan, le café éphémère érigé pour accueillir ses lampes est vite devenu l’un des lieux courus du moment.

Se positionner dans Tribeca est un « rêve coupable », décrit Samuel Lambert, mais aussi une décision stratégique pour s’affirmer plus fermement sur le marché du haut de gamme. La galerie sera aussi un laboratoire de création pour prendre le pouls de la clientèle et de ce qui la branche.

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L’élégante galerie new-yorkaise devient la seule incarnation publique de la marque.

On se met un peu sur la corde raide pour se mesurer aux plus grands.

Samuel Lambert

Le prix moyen d’un luminaire de Lambert & Fils est de 2000 $. Certains modèles sont vendus 15 000 $. Chez la concurrence, ce prix peut monter à 100 000 $. « Ça semble prétentieux d’y avoir un showroom, mais sans cette ville, Lambert & Fils n’existerait pas. New York a des moyens que Montréal n’a pas. Chaque lampe vendue là-bas est un emploi conservé ici et une possibilité de continuer à créer », tient-il à souligner.

Le succès d’un patenteux

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Samuel Lambert a été formé en cinéma, puis en arts plastiques où il a développé son intérêt pour le « fait main ».

Formé en cinéma, puis en arts plastiques où il a développé son intérêt pour le « fait main », Samuel Lambert a un parcours de touche-à-tout. Dans une autre vie, il a été propriétaire du café-bar Laïka, puis d’une boîte de postproduction, avant de ressentir un vide professionnel à 39 ans. « Je n’étais pas vraiment heureux à faire plus de gestion que de création. Je me suis retrouvé à l’ONF, isolé dans mon cubicule. Quand je suis devenu père, ma femme m’a botté le derrière et m’a dit : “Il va falloir que cet enfant ait un père heureux.” »

Le « patenteux », comme il se qualifie lui-même, a donc démarré son petit atelier d’où il pouvait bricoler ses lampes et faire du détournement d’objets. L’aventure l’a conduit là où il est aujourd’hui, après une enjambée vertigineuse qui provoque encore chez lui un certain étonnement.

« Je n’avais pas vraiment de plan de match au départ. Mon seul but était d’être heureux dans ma job. Je crois que c’est cette joie qui s’est communiquée dans mes objets », dit-il avec une simplicité qui tranche avec le milieu ostentatoire dans lequel il évolue. S’il ne les créait pas lui-même, il n’aurait pas les moyens d’acheter ses propres créations, se plaît-il à dire.

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Le magasin héberge les tapis d’une entreprise milanaise et les miroirs de la boutique new-yorkaise Bauer.

J’aime la charge émotive qui vient avec le fait de créer un objet. Décorer un penthouse à New York, ça passe bien dans une conversation, mais ça ne rend pas nécessairement heureux. Voyager me rend heureux. Et chaque chose qui sécurise l’entreprise aussi.

Samuel Lambert

De voir, à travers les mosaïques de réunions sur Zoom, le nombre de familles que Lambert & Fils contribue maintenant à nourrir, est à la fois une joie et une fascination pour lui. « L’un de mes grands malheurs, c’est que mon entreprise porte mon nom. À la base, je pensais être tout seul dans mon commerce comme un cordonnier. Mais finalement, j’ai une équipe extraordinaire et du bon monde autour de moi, et c’est ensemble qu’on fait avancer ce bateau. »

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