Les propriétaires d’un duplex dans Ahuntsic peuvent se vanter d’avoir un parquet original. Ils sont en effet les tout premiers à avoir installé un parquet de frêne urbain dans leur maison. Suivant de près l’évolution des activités du Centre de valorisation du bois urbain, ils ont attendu que l’organisme soit prêt à vendre ses produits avant d’entreprendre leurs travaux.

« L’aspect de la réutilisation du bois nous plaisait, à ma conjointe et moi, explique Pierre Louis Tremblay. Dans notre quartier, beaucoup de frênes ont été abattus au cours des dernières années. Cela a changé le paysage de notre rue. On leur fait un petit clin d’œil en les retrouvant chez nous. »

Il a installé le parquet de grade « Authentique » et de couleur noisette avec son frère. « Cela a été facile à faire même si c’est surtout lui qui a fait le travail, avoue-t-il en riant. La maison a 80 ans et le plancher de merisier était rendu mince. On a choisi une teinte un peu plus foncée. La maison a un air plus moderne. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Patrick Piché se démène depuis quatre ans pour donner une valeur ajoutée aux frênes urbains, décimés par l’agrile. Il se trouve dans le parc Michel-Chartrand, à Longueuil, à côté d’un frêne qui dépérit. Au cours des prochains mois, l’arbre sera abattu. Son bois sera récupéré et transformé en plancher.

Patrick Piché, qui a mis sur pied le Centre de valorisation du bois urbain, en 2016, pour mettre fin à un gaspillage de ressources qui l’ahurissait, est touché par la confiance que démontrent les premiers clients. « C’est fabuleux de voir que des gens croient en ce qu’on fait, révèle-t-il. C’est une grosse décision qu’ils prennent. Ils sont heureux de nous soutenir. »

Les commandes commencent en effet à entrer, pour donner une deuxième vie aux frênes décimés par l’agrile. Les produits, faits à partir d’arbres coupés à Montréal et dans l’agglomération de Longueuil, seront installés sur le sol, mais aussi sur des murs, indique le président de l’entreprise d’économie sociale, qui se décrit comme un éternel optimiste, voulant le bien collectif.

« Quand je vois un problème, je me demande comment je peux aider », explique-t-il.

Je me rendais compte qu’il ne se faisait à peu près rien avec les frênes attaqués par l’agrile. Les arbres étaient abattus puis coupés en morceaux pour être déchiquetés, servaient de bois de chauffage ou étaient carrément enfouis. Sauf que le frêne urbain est un bois extraordinaire, très dur, qui ressemble beaucoup au chêne. Il possède beaucoup de propriétés pour faire du plancher.

Patrick Piché, fondateur du Centre de valorisation du bois urbain

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le frêne urbain a beaucoup de nœuds, parce qu’il a tendance à faire des branches. Cela donne du caractère au parquet.

Il a mis à profit son expérience en développement économique. Alors qu’il voyait à la croissance d’entreprises d’économie sociale (des organismes à but non lucratif et des coopératives avec un volet marchand), il a eu l’idée d’adopter ce type de modèle pour donner de la valeur aux frênes. Le centre, qui coordonne la production de plancher de bois franc traditionnel et d’ingénierie, s’est par ailleurs donné pour mission de planter des arbres grâce aux surplus réalisés.

« J’aime le bois, précise le père de trois enfants. Je suis un ébéniste amateur à mes heures. Les arbres urbains ont un rôle important dans la qualité de vie des citadins. Ils purifient l’air, ils agrémentent le paysage, ils empêchent les îlots de chaleur. L’idée était de faire quelque chose avec les arbres qui nous ont abrités pendant tant d’années. »

Enfin prêts

Les villes de Longueuil (la première à s’être engagée dans l’aventure), Belœil, Saint-Lambert et Boucherville ont signé une entente d’approvisionnement avec l’entreprise d’économie sociale, tout comme le service des grands parcs de la Ville de Montréal (qui comprend entre autres le parc du Mont-Royal, le parc-nature de l’Île-de-la-Visitation, le parc-nature du Bois-de-l’Île-Bizard, etc.).

« On commence à avoir du bois, souligne fièrement Patrick Piché. On est rendus à la phase de mise en marché, avec plusieurs dizaines de milliers de pieds carrés de plancher disponibles. »

On a suffisamment de bois pour couvrir quelques terrains de football !

Patrick Piché, fondateur du Centre de valorisation du bois urbain

Le produit est fabriqué entièrement au Québec, par des spécialistes dans leur domaine respectif. La scierie, le séchoir, la moulurière sont tous industriels, ainsi que la finition, qui est personnalisée (avec un choix de différentes couleurs, largeurs et finis).

« On profite du savoir-faire de personnes compétentes pour donner une valeur ajoutée à de la matière qui n’en avait presque pas, précise M. Piché. Une bûche de bois, qui valait 0,25 $, se vend de 4,55 $ le pied carré à 6,10 $ le pied carré, sous forme de parquet préverni conventionnel, en bois franc. Le coût du plancher d’ingénierie est plus élevé. Nos prix sont très compétitifs. On travaille avec des fournisseurs qui prennent chacun leur petite part. C’est normal. De notre côté, on veut être capable de financer notre mission, qui est de retourner des arbres dans la communauté. »

Aucun compromis n’est effectué pendant la production. « L’agrile reste en surface, entre l’aubier et l’écorce, précise-t-il. L’écorce et les autres parties non utilisables sont déchiquetées et broyées selon des spécifications précises. Il n’y a aucun trou dans les produits. Le frêne urbain a par contre beaucoup de nœuds, parce qu’il a tendance à faire des branches. Cela donne du caractère au plancher, mais il y a des gens qui aiment moins cela. »

Le Centre de valorisation du bois urbain, qui a remporté le premier prix national dans la catégorie Économie sociale, du Défi OSEntreprendre 2019, a mis en ligne un catalogue détaillé. Une salle d’exposition devrait être aménagée au cours des prochains mois.

> Consultez le site web du Centre de valorisation du bois urbain