Désuet, le vintage ? Parfois peut-être, mais aussi terriblement tendance et même d’avant-garde, comme le montre le loft montréalais de Laura Azzalini et d’Andrew Pitchko, chercheurs de trésors rétros pour la boutique en ligne Reixue. Visite et échange à contre-courant des modes.

Dans la cuisine de Laura Azzalini et d’Andrew Pitchko, on trouve une chaise en haut d’une armoire. Logique chez ce jeune couple passionné de design. « Cette chaise d’Enzo Mari est pour nous une grande source d’inspiration et l’incarnation d’un design accessible », explique Laura. Grâce à un plan, quelques planches et des clous, elle est effectivement à la portée de tous.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Une armoire de la cuisine sert de piédestal à une chaise en pin fabriquée par Laura sur la base d’un plan du modèle Sedia imaginé en 1974 par le designer Enzo Mari, et produite un temps par la marque finlandaise Artek.

Dans un coin du loft, le bureau de Reixue (prononcez « Re-issue ») attire l’œil avec ses couleurs et ses formes singulières. La table composée d’une vitre à la tranche orange et de tréteaux conçue par Laura rappelle celle d’Ana Kraš, une jeune designer new-yorkaise qui enflamme le milieu de la déco. Une table d’appoint violette en forme de palette de peintre à côté de celle-ci accentue l’avant-gardisme du lieu. Ici, rien n’est vraiment hors de prix. Les grandes pointures du design talonnent les illustres inconnus avec harmonie.

En deux ans, Reixue a imprimé sa marque dans la jungle de ceux qu’on appelle les « pickers » grâce à un art pointu de la mise en scène sur Instagram, ainsi qu’à des ventes d’entrepôt saisonnières. « Reixue fait référence au recyclage, un peu comme une réédition de meubles et d’objets de décoration », explique Laura, une designer d’origine italienne.

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Coin bureau de Reixue avec un plan de travail créé par Laura, une table basse d’origine canadienne, une chaise spaghetti et un siège en chrome et cuir Buffalo.

Le couple, qui vend presque exclusivement en ligne, expédie aujourd’hui ses trouvailles partout au Canada. Ventes de succession, aux enchères, débarras… il ratisse tous les endroits susceptibles de lui amener des objets intéressants sans se spécialiser dans une époque ou un style.

Forme première des choses

« Si les designs italien, scandinave, japonais et canadien nous influencent incontestablement, notre sélection est plutôt guidée par les formes et matériaux, dit Laura. En vivant à Montréal, c’est excitant de pouvoir plonger dans l’histoire des designs québécois et canadien, qui gagnent à être (re)découverts. »

Et le teck, si populaire dans les boutiques vintage ? Le couple passe son tour. « C’est important de bousculer un peu les normes et d’aller à la découverte de styles, de formes, de matériaux et de designers méconnus », fait remarquer Laura.

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Devant la cloison de la chambre, tabouret à bascule dessiné par Laura, chaises Buffalo et chaise de bar Paper Clip de Kinetics, populaire dans les années 70.

Chez ces Bonnie and Clyde du vintage, les objets semblent dialoguer. En plus d’œuvrer à la logistique du projet, Andrew, qui travaille en parallèle pour une entreprise de kayaks, aide Laura à faire tourner les meubles dans le loft du Mile End où ils vivent depuis quatre ans. Cette mise en scène, diffusée ensuite sur Instagram, donne vie aux marchandises.

Nous racontons une histoire et proposons des associations inattendues comme celle du tabouret Mezzadro d’Achille Castiglioni et d’une table basse canadienne. C’est intéressant de voir comment ces meubles issus de cultures différentes peuvent se compléter.

Laura Azzalini

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Le salon mêle objets vintage, dont un canapé québécois Montauk, et créations maison comme une longue banquette en pin et une bibliothèque en béton, bois et métal. Modulaire, elle pourra être adaptée au fil des déménagements du couple.

Pas du tout casanier, le couple aime vivre dans un espace hybride mêlant vies privée et professionnelle, et où les choses vont et viennent. Ce fonctionnement, très proche de celui des boutiques-appartements populaires depuis quelques années, permet aux clients potentiels de se faire une idée plus précise des biens offerts à la vente. « Aucun de nous n’est attaché aux objets, c’est donc très facile de les voir disparaître », assure Laura.

Au-delà de leur intérêt esthétique pour les choses venues du passé, Laura et Andrew voient également dans l’achat d’objets vintage un acte citoyen. « Lorsque l’on pense à la crise climatique à laquelle doit faire face notre société, le seconde main et le fait main sont des façons plus rationnelles de meubler une maison. En outre, si l’objet a survécu au temps, cela signifie qu’il est solide et unique », souligne la designer dont l’un des premiers gestes en arrivant dans le loft a été de construire une banquette avec des planches de pin le long d’une fenêtre pour pouvoir s’asseoir avec son amoureux en attendant mieux.

Consultez le site de Reixue (en anglais) : https://www.reixue.com/