Se procurer un meuble de seconde main est une bonne façon de réduire, de réutiliser et de recycler, bref, de faire les trois « R » d’un coup. La Presse a demandé à la blogueuse et entrepreneure Vanessa Sicotte de jouer les guides lors d’un safari vieilleries. Conseils et trouvailles d’une pro.

Prête pour la chasse

Il faut être bien équipé pour partir à la chasse aux objets à réanimer. Vanessa Sicotte, mordue de déco derrière le blogue Damask & Dentelle et l’émission Sauvez les meubles !, ne part jamais sans trois accessoires : un aimant (pour départager les différents alliages), un ruban à mesurer et une lampe de poche. Prenez aussi un antihistaminique si, comme elle, la poussière vous monte facilement au nez.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Des tonnes de meubles et d’objets divers s’entassent dans les allées d’ARTE, vaste magasin de réemploi situé dans Griffintown.

Conseil numéro un : il ne faut pas avoir trop d’attentes lorsqu’on va au marché aux puces ou dans un magasin de réemploi. « Parfois, la chasse est bonne, parfois moins », dit Vanessa Sicotte au moment de passer la porte d’ARTE, dans Griffintown. C’est La Presse qui a choisi l’endroit, mais elle connaît bien ce vaste espace où meubles et objets divers s’entassent jusqu’au plafond. Qui est très haut.

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Vanessa Sicotte ne part jamais à la chasse sans une lampe de poche (pour inspecter les meubles), un aimant (pour départager les différents alliages) et un ruban à mesurer. 

Vanessa Sicotte a affiné son œil avec une mère qui aimait chiner et exercé son tournemain avec un beau-père « ébéniste de week-end ». Elle a appris à rafistoler et à rafraîchir des meubles comme ça : sur le tas. « Ça s’apprend, dit-elle. Et si on fait des erreurs, il faut se rappeler que c’est juste de la peinture. Il n’y a rien d’irréversible. »

Le test de la fesse

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Les goûts se discutent. Mais laquelle de ces chaises a le plus de personnalité au premier coup d’œil ?

Osons le cliché : elle a l’œil du tigre. Il ne lui faut pas cinq minutes pour repérer un objet digne d’intérêt : une chaise en bambou, qui patientait sur la tablette supérieure d’une gigantesque étagère. L’instant d’après, elle grimpe déjà dedans, pour se hisser vers sa trouvaille…

Pendant qu’on s’inquiète de son équilibre précaire, elle imagine la chaise de bambou repeinte en blanc au pistolet (« pas au pinceau, ça fait trop de coulisses ») et avec un nouveau coussin. « Compte tenu de ce que ça va coûter pour la refaire, je ne la paierais pas plus que 15 $ ou 20 $ », précise-t-elle. Mais avant tout, il faut vérifier la qualité de l’assise.

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Tête de lit ? Pièce à poser directement au mur ? Vanessa Sicotte imagine facilement plusieurs usages pour ce panneau de bois de grange. Un bon nettoyage et il est prêt, sans même une touche de vernis. 

« On fait le test de la fesse, lance-t-elle en s’asseyant. Du bambou comme ça, ça peut se refaire, mais si l’assise est compromise, ça ne vaut pas la peine. » Cette chaise-là est solide et a franchement plus de caractère qu’une autre dénichée dans la même rangée, une imitation de chaise rétro fabriquée en série d’un vert douteux.

Pas de flafla

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Les meubles trop ostentatoires comme ce divan Louis XIV n’ont pas la cote au Québec. On préfère en général les lignes épurées.

« Il faut connaître notre histoire pour connaître nos meubles », expose Vanessa Sicotte, tout en scrutant les étagères. Elle explique ainsi que si on plaçait les meubles du salon le long des murs, au Québec, c’est qu’on avait besoin de place pour danser dans le temps des Fêtes. Elle souligne aussi que, peu importe la tendance, la majorité des Québécois aiment le mobilier aux lignes épurées. « Pas de flafla », résume-t-elle.

Tiens, voilà justement un exemple de ce qui plaît peu ici : un ostentatoire divan XVIIe ou XVIIIe siècle. « Ça ne sert à rien de lui enlever sa personnalité, tranche l’experte. Soit on l’aime comme ça, soit on passe son tour. » Un peu plus loin, elle en vise un autre : un sofa trois places à grosses fleurs bleues qui doit avoir plus de 50 ans. Son regard brille.

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« Ce serait dommage de le recouvrir de gris, dit Vanessa Sicotte devant ce vieux sofa. Il perdrait sa joie de vivre. » 

« Il devait appartenir à une grand-mère qui mettait un plastique dessus », dit-elle en l’analysant. Il est un peu abîmé dans le bas, « probablement par des chats ». Vanessa Sicotte en aime le détail. « Un bon nettoyage et, dans le bon décor, je le laisserais comme ça, assure-t-elle. Il a un aspect super le fun. Ce serait dommage de le recouvrir de gris, il perdrait sa joie de vivre. »

Une option économique ?

Se procurer un meuble d’occasion est une façon de réduire son empreinte écologique. Mais est-ce économique ? « Sur les deux plans, c’est bon », juge Vanessa Sicotte. Une commode bien faite, bien négociée et repeinte sera toujours moins chère que l’équivalent neuf en grande surface, selon elle. Et si le style n’est pas tout à fait à notre goût ? « Une fois repeinte en blanc ou en gris clair, assure-t-elle, il y a bien des choses qu’on pardonne ! »

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L’œil de Vanessa Sicotte a tout de suite été attiré par ce coffre inusité, au revêtement en faux croco.

Le calcul n’est pas toujours aussi simple : rembourrer un canapé, ce n’est pas donné. « Tu fais travailler un artisan local, tu choisis tes propres matériaux et tu vas étirer ton meuble pour les 15 à 20 prochaines années, fait cependant valoir l’experte. Tu n’économises pas de sous, mais tu t’offres un capital à long terme. Ton canapé cheap, tu vas devoir le changer dans quatre ans parce qu’il sera brisé. »

Savoir reconnaître les aubaines vient avec l’habitude. Ce qu’il faut développer, c’est son œil. Porter attention à ce qui sort de l’ordinaire. Comme cette malle au fini faux crocodile qui détonne parmi plusieurs autres, bleues, qu’on a tous vues dans la cave de nos grands-parents. « Ça me parle bien plus que l’autre dont j’ai vu des milliers d’exemplaires », précise-t-elle. Le secret, au fond, c’est ça : dénicher l’objet qui a de la personnalité et lui trouver une place, dans le bon environnement.

Bon pour l’âme

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La devanture de ce meuble art nouveau est très abîmée. Il a de l’étoffe, par contre, et mériterait une nouvelle vie, selon Vanessa Sicotte.

« La tendance du moment est au décor dépareillé, relève Vanessa Sicotte. Ça nous ramène à nos racines. Nos grands-parents n’achetaient pas des ensembles. On récupérait la commode de matante ou le meuble de mononcle, qu’on se passait de génération en génération. Le décor grandissait au fil de nos vies plutôt que d’être acheté d’un coup et planté dans une pièce. »

Et mettre un peu de temps et d’énergie pour rafraîchir un objet a quelque chose de zen, selon elle. « Ça développe un retour au travail manuel, chose qu’on a un peu perdue avec l’ordinateur. C’est très thérapeutique, affirme-t-elle, et en plus, on s’approprie son décor. »

Consultez le blogue de Damask & Dentelle : https://damasketdentelle.com/