(Milan) La planète design se donne rendez-vous tous les printemps à Milan pour le Salone del Mobile, la plus grande foire aux meubles du monde. L’occasion de voir de quoi auront l’air les adresses de grand luxe dans quelques mois, et nos maisons dans cinq ou dix ans. Au menu cette année : beaucoup de classiques revisités, des lignes plus courbes, un brin d’intelligence artificielle, le tout avec, pour certains, un appétit pour le… maximalisme !

La boule de cristal

Avec des dizaines de milliers de meubles présentés dans un espace grand comme 11 fois le Salon du livre de Montréal par 2300 exposants (pour 400 000 visiteurs), il est difficile d’établir avec certitude les tendances qui imprimeront leur marque sur l’industrie.

Pour une partie de la presse spécialisée, cette présentation de la foire a marqué un recul supplémentaire des angles droits du mobilier Mid-Century, qui cèdent progressivement leur place à des meubles plus contemporains, tout en courbes, et qui n’adhèrent plus à une liste de règles strictes. Les couleurs très pâles sont en outre mises de l’avant, notamment pour de grands sofas à l’air confortable et invitant.

D’autres soulignent le retour en force du « maximalisme » (l’inverse du minimalisme), qui autorise les décors très (sur)chargés et très colorés. Rien pour plaire à Marie Kondo. Le fabricant suisse Vitra, qui commercialise en Europe l’omniprésente chaise Eames DSW, voit ainsi un salon où s’entassent les meubles aux couleurs tapageuses, ou encore un bureau à aire ouverte avec une grande table commune où cohabitent papeterie et jouets. Les chics maisons italiennes Molteni, Poliform et B&B Italia semblent pour leur part résister à la tentation.

Parmi les autres tendances largement détectées par les limiers du design : l’entrée en masse des maisons de couture dans le champ du mobilier et de la décoration d’intérieur. Louis Vuitton, COS, Armani, Gucci, Dior et Fendi ont ainsi tous fait leur apparition au Salone del Mobile ou dans les activités périphériques.

Des innovations

PHOTO FOURNIE PAR KARTELL

La maison italienne Kartell, à qui l’on doit plusieurs objets cultes, a présenté à Milan la première chaise dessinée par intelligence artificielle (IA), un projet commun avec le designer Philippe Starck.

Coup de génie ou coup de pub ? La maison italienne Kartell, à qui l’on doit plusieurs objets cultes, a présenté à Milan la première chaise dessinée par intelligence artificielle (IA), un projet commun avec le designer Philippe Starck, qui a décidé des données de base, et l’entreprise de logiciels Autodesk. « Saurais-tu comment faire reposer notre corps en utilisant le moins de matériaux possible ? » aurait demandé M. Starck à l’IA, selon Kartell. 

Toujours au chapitre de l’innovation, Magis a présenté un sofa démontable en quelques secondes, dont le textile ne tient que par des élastiques faciles à enlever, dessiné par Stefan Diez. Un « canapé modulaire à la ligne dépouillée, enrichie de détails raffinés avec à la base une structure réalisée en polypropylène recyclé et recyclable », explique l’entreprise. Campeggi a fait fort, elle aussi, en offrant de transformer votre salon en « petit stade domestique », avec un canapé-lit qui peut aussi se transformer en tribunes.

Le Bauhaus a 100 ans

PHOTO FOURNIE PAR KNOLL

L’américaine Knoll propose une édition anniversaire de la chaise Barcelona (ici «en vert Bauhaus») de Mies van der Rohe.

Le centenaire de la fondation du Bauhaus, peut-être le mouvement artistique le plus influent du XXe siècle, a été célébré à Milan, plusieurs entreprises rééditant ou réinterprétant des produits liés à l’école allemande. L’américaine Knoll a fait les choses en grand, avec des éditions anniversaires des chaises Barcelona (notamment « en vert Bauhaus », explique Julia Zampolin, de Knoll) et MR de Mies van der Rohe. TECTA, un fabricant allemand qui possède les droits sur un grand nombre de meubles conçus au Bauhaus, joue son va-tout en inaugurant sa collection Bauhaus/Nowhaus : « De jeunes designers ont décidé de revisiter les classiques en les recouvrant de nouveaux tissus ou de nouvelles couleurs », affirme Martin Gockert, de l’entreprise. Une chaise de Walter Gropius, le fondateur de l’école, est ainsi réinventée, tout comme le classique fauteuil D4 de Marcel Brauer.

Le grand classique italien

PHOTO FOURNIE PAR ALESSI

La maison italienne Alessi a confié au grand architecte David Chipperfield le soin de dessiner la moka.

Parmi tous les objets du quotidien sur lesquels se sont penchés les designers, peu ont suscité autant de réinventions que la moka, la machine à café italienne à poser sur le rond de la cuisinière, inventée en 1931. Cette année ne fait pas exception : la maison italienne Alessi a confié au grand architecte David Chipperfield le soin de dessiner la sienne, qui est passée de 8 à 11 facettes et a gagné une poignée plus courte pour l’éloigner de la chaleur. L’entreprise Bialetti, fondée par l’inventeur de l’objet, exploitait tout un magasin au Salone pour montrer ses nouvelles machines plus colorées. Il s’agit d’un effort pour sauver l’entreprise : attaquée par la montée des chaînes de cafés et des machines à capsule, Bialetti connaît des difficultés financières majeures.

Design vert

PHOTO FOURNIE PAR KARTELL

Kartell, spécialisée dans les objets de plastique, a inauguré un bioplastique avec une réinterprétation d’un classique : le rangement Componibili, conçu par Anna Castelli Ferrieri en 1960.

Tendance incontournable depuis quelques années : les fabricants de meubles et les designers industriels se creusent la tête pour trouver de nouvelles façons de convaincre leurs clients qu’ils se soucient de l’environnement. La suédoise Offecct a ainsi adopté une gamme de couleurs, du bleu au rouge, inspirée par les graphiques qui montrent le réchauffement de la planète. L’entreprise a aussi lancé un système d’absorption du bruit fabriqué avec les fins des rouleaux de textiles utilisés pour le reste de sa collection. Kartell, spécialisée dans les objets de plastique, a inauguré un bioplastique avec une réinterprétation d’un classique : le rangement Componibili, conçu par Anna Castelli Ferrieri en 1960.

Quotidien connecté

PHOTO FOURNIE PAR IKEA

IKEA a présenté une simple étagère et une simple lampe de table, qui dissimulent toutes deux un haut-parleur Bluetooth.

La présence de la technologie dans nos maisons a aussi retenu l’attention au Salone del Mobile. Plus près des moyens de la grande majorité des gens que la plupart des exposants, le mastodonte du meuble IKEA a ainsi profité de la foire pour dévoiler deux nouveaux produits qui intègrent la technologie au quotidien, conçu en collaboration avec le fabricant d’enceintes sonores Sonos. Il s’agit d’une simple étagère et d’une simple lampe de table, qui dissimulent toutes deux un haut-parleur Bluetooth. « Nous partions de l’idée que nous voulions contester l’esthétique traditionnelle des produits technologiques », a affirmé la designer Iina Vuorivirta, qui a travaillé sur cette ligne intitulée Symfonisk. La lampe s'inspire notamment d’un foyer : elle produit à la fois de la lumière chaleureuse et du son.