Le métier d'ébéniste se meurt, avez-vous dit? L'histoire de Claire Racine, 52 ans, Myriam Hénault, 32 ans, et François Lalonde, 47 ans nous montre le contraire. Respectivement traductrice, infirmière auxiliaire et biochimiste, nos trois ébénistes en herbe ont choisi une nouvelle occupation qui leur ressemble plus.

Ils sont inscrits au DEP en ébénisterie au Centre de formation professionnelle Léonard-de-Vinci de l'arrondissement Saint-Laurent. Le cours se fait en moyenne en 18 mois. L'école accueille des jeunes à partir de 17 ans. Et l'an dernier , l'étudiant le plus âgé, 73 ans, a terminé sa formation après une carrière comme cadre supérieur à Hydro-Québec.

 

Myriam voudrait travailler dans le domaine architectural, Claire comme artisan et François, quant à lui, prend ça un jour à la fois. Myriam a travaillé comme infirmière en CHSLD pendant deux ans, mais les conditions de travail étaient trop pénibles avec des horaires abracadabrants. Elle avait besoin d'une vie moins stressante en dehors du milieu institutionnel. Alors, pour payer son cours d'ébéniste, elle travaille la fin de semaine comme intervenante en santé mentale dans une résidence communautaire. «Au moins j'ai des horaires fixes. Il en faut du courage pour recommencer, surtout dans un milieu d'hommes.»

«Quelque chose qui me correspond»

François a fait son bac et sa maîtrise en biochimie et il a travaillé au doctorat à l'Institut Armand-Frappier. Parce que c'était bien vu dans sa famille, il a fait des études universitaires. «Mais ça ne me ressemblait pas du tout. Enfin, ici, je fais quelque chose qui me convient.» Pour Claire, fille de menuisier-ébéniste, la vocation est venue très tôt, mais fut contrecarrée par la volonté paternelle. «Il ne voulait pas me montrer comment faire. Il trouvait que ce n'était pas une bonne idée pour une fille. Aujourd'hui, il trouve ça bizarre, mais je lui parle des techniques et des essences de bois et il aime ça.»

Ces exemples ne sont pas uniques, loin de là. Éric Rivard, directeur adjoint du centre, souligne de plus que les débouchés sont plus variés qu'avant, notamment dans le domaine du design: «En ébénisterie architecturale, dans les boutiques et les centres commerciaux qui sont de plus en plus design. Il se fait beaucoup de mélange de bois, métal et verre.» Il y a aussi les décors de théâtre, d'opéra, de télévision et le mobilier haut de gamme. On fait aussi dans l'ébénisterie d'aviation! «D'anciens étudiants travaillent sur l'intérieur de l'aéronef Global Express de Bombardier, le mobilier intégré, les meubles laqués, le placage, tout ce que les gens peuvent demander de luxueux», poursuit M. Rivard.

Tout ça sans compter les avenues plus traditionnelles comme l'ébénisterie industrielle, les voiliers, les roulottes, la finition et la restauration des meubles. Selon lui, il y a également une revalorisation du bois dans l'industrie de la construction. On transforme mieux, on récupère davantage et on utilise de plus en plus des vernis à base d'eau et sans plomb. Et même, l'ébénisterie gagne en popularité, au point où le centre doit concevoir de nouveaux cours pour répondre aux besoins du grand public. À compter de l'automne, six nouveaux cours sont prévus à l'horaire, dont le cours Bricoleur 101, qui risque de faire le plein d'étudiants assez rapidement..»