Dans cette maison de banlieue, chaque objet fait naître une anecdote de voyage. La plus truculente concerne des cache-sexe et un «cache-raie» que monsieur a ramenés du Cameroun. Dans le cadre où ils sont exposés telles de jolies parures, il s'en trouve un qu'une femme pygmée n'a pas hésité à enlever, pour l'offrir aussi sec à ce Canadien si gentil.

Dans cette maison de banlieue, chaque objet fait naître une anecdote de voyage. La plus truculente concerne des cache-sexe et un «cache-raie» que monsieur a ramenés du Cameroun. Dans le cadre où ils sont exposés telles de jolies parures, il s'en trouve un qu'une femme pygmée n'a pas hésité à enlever, pour l'offrir aussi sec à ce Canadien si gentil.

Conversation garantie! Deux cache-sexe et un «cache-raie» du Cameroun.

Ils ont vécu quatre ans au Cameroun et quatre autres au Maroc. Monsieur était «dans l'enseignement». Ils y ont emmené leurs quatre enfants, dont l'aînée avait 16 ans à leur arrivée en Afrique. «Elle a été immédiatement admise à l'université, raconte son père. Elle était la seule Blanche et la seule fille dans un groupe de 81 garçons. Elle a trouvé ça très dur.»

La mère de notre hôte, en revanche, a fait la bamboula quand elle a rendu visite à la famille, au Cameroun, dans les années 1970. À l'époque, l'espérance de vie des Camerounais était de 32 ans. Ils ont été stupéfaits de voir cette femme de 74 ans danser avec les membres d'une chefferie. «Le chef l'a nommée mère de la tribu, relate l'homme. Et il lui a donné une défense d'éléphant.»

Informé de cet exploit, un ami camerounais lui en a offert une seconde. «On avait le droit, dans ce temps-là», précise-t-il. Il va sans dire que cette paire d'objets en ivoire fait aujourd'hui partie des trésors de la maison.

Le plus épatant se trouve dans la chambre. L'artisan sculpteur camerounais Étienne Zéphac a fabriqué pour le couple un assortiment de meubles en bubenga, un bois de la même famille que l'acajou. Il n'y a pas un centimètre de ce mobilier qui n'a pas été ciselé par les mains habiles de ce sculpteur.

Les délicats détails du lit, souvenir ensommeillé de plusieurs semaines au Cameroun.

Zéphac a mis neuf mois pour graver dans le bois des scènes de la vie quotidienne de son pays. Cette commode, ce lit, ces tables de chevet, ce tabouret, cette chaise et ce pupitre sont des oeuvres d'art qui n'ont qu'une réplique dans le monde, achetée par d'autres Canadiens.

Par deux fois, monsieur et madame ont rapporté au Québec «tout leur ménage» d'Afrique. Par deux fois, ils ont conservé le conteneur qui renfermait leurs meubles et leurs souvenirs. Monsieur s'en est servi pour construire ses deux cabanons.

La petite chaise du Bénin, elle, a fait le trajet dans la soute à bagages d'un avion. «Elle est arrivée intacte, sans boîte, avec une petite étiquette, relate-t-il. C'était le meilleur moyen pour ne pas qu'elle se brise.»

Des sculptures dans l'os de la Côte d'Ivoire et du Sénégal.

Qui peut dire ce que recèle une maison de banlieue anonyme? Ces gens l'ont construite de leurs mains au début de leur mariage, il y a plus de 50 ans. Ils l'ont agrandie, rénovée, peuplée d'enfants, désertée au fil de 70 voyages (dont un périple de 22 nuits à la belle étoile dans le Sahara) et de plusieurs séjours prolongés à l'étranger. Mais ils y sont toujours revenus.

«Quand on a voyagé, on a des antennes, confie l'homme. On regarde les nouvelles à la télé, on voit des Arabes et des musulmans, et on se dit: on a connu ça.»

Aujourd'hui, ils font voyager les autres avec leurs récits inspirés par les photos, les masques, les statuettes, les bibelots, les meubles, les lances du Rwanda et les lampes qu'ils collectionnent pour le plaisir de se souvenir et de partager.