C'est un oiseau unique, farfelu, les ailes collées au corps, drôle ou triste, la vie en attente, le bec en l'air, quelquefois attendrissant, parfois aussi snob, anthropomorphique, ressemblant à s'y méprendre à certains humains, drapés dans leur dignité caricaturale.

C'est un oiseau unique, farfelu, les ailes collées au corps, drôle ou triste, la vie en attente, le bec en l'air, quelquefois attendrissant, parfois aussi snob, anthropomorphique, ressemblant à s'y méprendre à certains humains, drapés dans leur dignité caricaturale.

Une bûche d'érable, de bouleau, de cerisier, un rondin, un travail de castor laissé en plan, tout est pour l'artisan Michel Boire matière à laisser aller sa scie au bout de sa main, sans pour autant savoir où elle ira. «Je fais danser ma scie à ruban», explique-t-il. Il dégrossit la pièce de bois. Des morceaux tombent. Il les conserve car les pièces s'imbriquent et servent de nid à l'oiseau, d'écrin pour ceux qui se le procureront. Seuls un oiseau avorté par un bois cassé et les copeaux récupérés servent à alimenter le feu du poêle.

L'oiseau qui naît a la forme des secrets de l'arbre: des veines, un noeud, avec lesquels l'artisan compose, au rythme de sa main, de son imaginaire. «L'oiseau peut se contorsionner face à la présence d'un noeud», dit-il, en se levant pour imiter le geste. «C'est un mouvement, une attitude, poursuit-il, un grand, un gros, un petit, oiseau ou homme? Je le regarde et je cherche l'équilibre, sans nécessairement le nommer.»

Il le peaufine avec tendresse, prenant soin, avec la meule, de l'adoucir au toucher, avant de teindre son corps avec science.

Un nouveau réveil

Ce n'est jamais la même chose qui émerge de cette gangue de bois, puisque le matériau est organique. La tête de l'oiseau peut être penchée, hirsute, l'oeil ironique, le torse bombé, les plumes échevelées. Il ne peut y avoir d'indifférence ni de routine pour l'artisan, car il est toujours lui-même en attente, surpris, le plus souvent ému de ce que sa démarche a généré. «C'est voir au-delà de l'écorce», dit-il comme un chercheur d'or qui sépare du sable de la rivière, le précieux métal. L'homme est étonné de tout ce qu'il portait d'oiseaux en lui: il en a mis au monde plus de 600 jusqu'à maintenant.

Michel Boire a rénové des maisons, cuisines, salles de bains, pendant plus de 25 ans. Très habile, précieux pour ses clients, il a été très en demande, comme tous ces ouvriers-artisans-hommes-à-tout-faire que l'on s'arrache à prix d'or. Il y a 30 ans, il a été potier. Même si Montréal est son lieu de naissance, qu'il y a travaillé, il a ressenti il y a un an «une déception de mes années de ville, de vouloir plaire, de faire des compromis». Il dit en riant qu'il a profité de «l'année du coq», pour prendre son envol et donner libre cours à sa «folie». Créer. Bâtir à 53 ans un autre avenir.

Il est allé vivre à Mandeville, un village de Lanaudière. D'une vie confortable et agitée en ville, il est passé à un certain inconfort et à une relative solitude dans cette campagne où il a construit sa maison, son atelier.

Au dernier Salon des métiers d'art, son tout premier pour lui, sa démarche a suscité de l'attention. Il avait précédemment osé un vernissage privé afin de «tester» ses oiseaux. «Aimez-vous ça?» Le succès a été immédiat. Maintenant il consacre une dizaine d'heures à son travail en atelier et est chaque jour ravi de cette bulle créatrice, rassuré, heureux. Parfois il en sort pour fabriquer des mouches à pêche «magiques», une autre de ses passions, parfois ses promenades au bois font naître d'autres idées. À venir.

«J'ai voulu la liberté, dit-il. Et le meilleur symbole de cette liberté, c'est l'oiseau.»