Aujourd'hui encore, sa fabrication demeure la chasse gardée d'artisans talentueux et minutieux, parfois affublés du surnom de chirurgiens de l'ébénisterie. Coup d'oeil sur une oeuvre d'art qu'on piétine tous les jours.

Aujourd'hui encore, sa fabrication demeure la chasse gardée d'artisans talentueux et minutieux, parfois affublés du surnom de chirurgiens de l'ébénisterie. Coup d'oeil sur une oeuvre d'art qu'on piétine tous les jours.

Pour la rampe, aussi appelée main courante, il faut construire un moule ayant la courbure nécessaire. On y installe le bois à plier, on le mouille et on le maintient en place avec des étaux et des pinces. En séchant, le bois prendra la courbe désirée.

Stephen Pouliot, propriétaire de Pouliot Métal à L'Ange-Gardien, représente la quatrième génération de sa famille à se spécialiser dans le fer ornemental, aussi appelé fer forgé. L'art de bâtir un escalier à partir du métal, il l'a appris sur le tas dès l'âge de 12 ans, grâce à des conseils légués de père en fils depuis des décennies. «Je ne vois pas ce que je fais comme un travail, c'est de l'artisanat parce qu'on fait de la création tout le temps», dit-il.

«Construire des escaliers, ce n'est pas tout le monde qui peut faire ça. Je connais des gens qui ont étudié des domaines connexes et qui se sont plantés carrément en essayant. D'ordinaire, si tu n'as pas d'habileté manuelle, d'imagination et la capacité de visualiser un projet avant de le débuter, touche même pas à ça !», poursuit M. Pouliot.

Cette fierté de faire quelque chose d'unique semble être partagée par plusieurs fabricants d'escaliers. C'est le cas de Marco Grenier, de l'usine Escaliers Gilles Grenier à Saint-Elzéar, en Beauce. Il travaille également pour l'entreprise familiale, fondée par son père en 1977.

«L'ébénisterie est un art en soi. Faire des escaliers en est une spécialité. Surtout si on veut faire un produit qui se distingue, il ne faut pas se limiter. On doit être ouvert à tous les projets. Tout ce que nous faisons est fait sur mesure pour le client. Il n'y a pas deux escaliers pareils. On ne travaille jamais avec les mêmes morceaux», explique-t-il.

Escalier en trois marches

Pour fabriquer un somptueux escalier sur mesure et au goût du client, il faut compter trois étapes bien simples, mais qui demandent beaucoup de travail.

1- Prendre les mesures. Une fois qu'on a convenu avec le client du modèle d'escalier le mieux adapté au style de la résidence, il faut mesurer l'espace disponible. La tâche peut être simple dans un endroit ordinaire et droit. Par contre, les choses se corsent lorsqu'on parle de murs arrondis ou d'escaliers cintrés, en colimaçon, en S ou à plusieurs paliers.

Pour un escalier cintré, M. Pouliot utilise la bonne vieille méthode : un ruban à mesurer, un niveau et une calculatrice. Les représentants d'Escaliers Gilles Grenier ont quant à eux recours à un appareil qui mesure précisément le rayon de courbure et autres dimensions à l'aide d'un faisceau laser. Ensuite, les dessinateurs de la compagnie préparent un modèle informatique du projet.

2- Fabriquer les pièces. «Nous avons tout en stock. Tout est prêt d'avance : marches, barreaux, poteaux, rampe, etc.», précise M. Grenier. Pour les marches, il reste aux ébénistes à arrondir les coins et les couper en angle, si nécessaire. Pour les barreaux, les travailleurs utilisent un tour à bois, une machine qui fait tourner rapidement la pièce de bois. À l'aide d'un ciseau bien affûté, ils enlèvent du matériau jusqu'à ce que le barreau obtienne sa forme.

Pour la rampe, aussi appelée main courante, il faut construire un moule ayant la courbure nécessaire. On y installe le bois à plier, on le mouille et on le maintient en place avec des étaux et des pinces. En séchant, le bois prendra la courbe désirée. Par la suite, les morceaux sont teints et vernis séparément, au goût des acheteurs.

Pour le fer forgé, M. Pouliot a recours à une technique simple : le pliage. «Le fer est une matière plus flexible qu'on le pense. On utilise une plieuse, appelée bender, et on crochit la barre de fer. On lui donne la forme qu'on veut», dit-il.

3- Installer l'escalier. C'est à la résidence que l'escalier est monté. À ce stade-ci, il suffit d'assembler les pièces avec minutie. Du début à la fin, l'opération aura duré de trois jours à un mois, selon la complexité du projet et le carnet de commandes du fabricant.

Tendances

Les escaliers changent d'aspect au gré des modes. Pour le bois, la teinture a la cote. «Particulièrement les couleurs unies et foncées faites sur mesure. On fait de moins en moins d'escaliers pâles, blancs ou couleur bois», dit Marco Grenier.

À la manière des électroménagers il y a quelques années, l'inox gagne aussi du terrain dans l'univers des escaliers. Des limons (noyau d'un escalier qui tient les marches et la balustrade) jusqu'aux barreaux, il est possible de monter à l'étage en empruntant des pièces au fini métallique.

D'après Stephen Pouliot, le fer reprend sa place dans le coeur des consommateurs, après avoir été boudé pendant quelques années. «Ça revient parce que les gens veulent être différents du voisin. Alors ils veulent un escalier avec des barreaux personnalisés. Les motifs de fleurs sont de gros vendeurs», mentionne-t-il.

Total de la facture pour un escalier de rêve qui rappelle ceux des grandes salles de bal? Tout dépend. Un escalier ordinaire de bonne qualité coûtera environ 2000 $. Toutefois, les goûts et les portefeuilles de certains consommateurs semblent sans borne. Ainsi, M. Grenier assure avoir déjà réalisé des contrats de plus de 150 000 $ !