Alain Prévost, le propriétaire, aurait eu un million de prétextes pour mettre une croix sur son projet de restauration. «Au début, il se décourageait aux trois mois», raconte Lison Pelletier, sa conjointe.

Alain Prévost, le propriétaire, aurait eu un million de prétextes pour mettre une croix sur son projet de restauration. «Au début, il se décourageait aux trois mois», raconte Lison Pelletier, sa conjointe.

La chambre des maîtres. Au-dessus du lit, la petite fenêtre jadis bouchée par une pierre.

Dans le livre de bord de ses rénovations, l'énumération des travaux est ponctuée d'une liste de malheurs: invasion de perce-oreilles, de fourmis, de mulots, de mouches et de maringouins; pénurie d'eau chaude; «il fait froid»; «je quitte ma blonde»; «j'ai un cancer (...) je suis hors combat». Ouche! Eh oui! il a tenu le coup. En partie grâce à Lison, qui est entrée dans sa vie en 2000 et qui lui a donné, en juin, une petite fille prénommée Florence.

Le petit lit de jour de Florence, dans le salon.

Mais voilà que cette enfant pose au couple un nouveau défi: «rendre sécuritaire cette maison hors normes». Les nouveaux parents ont encore quelques mois devant eux pour installer des garde-corps sur la mezzanine, dans l'escalier de pin, de bouleau, d'orme et de merisier, ainsi que sur la passerelle en treillis métallique qui surplombe la cuisine et qu'on traverse d'un pas rapide en retenant son souffle.

Le point de vue est pourtant singulier, puisque la cuisine, en bas, a des atours modernes: hotte et électroménagers en inox, comptoirs de granit, de merisier et d'inox, armoires vitrées, cuisinière au gaz. «Après avoir passé des hivers à 50 degrés dans l'ancienne cuisine, on méritait bien une cuisine de ce genre», écrit Alain Prévost.

Mais pour le reste, le proprio a tenu à respecter l'âme de sa maison, «la plus vieille de Neuville», bâtie en 1742 et agrandie quatre fois au fil des 300 dernières années. «Elle est un des rares témoins des maisons de campagne d'esprit français de petite dimension», note-t-il.

La salle de bains à l'étage révèle une douche originale avec ses parois de bois et de verre, sa porcelaine et sa pâte de verre.

Plombier, ébéniste, forgeron, électricien, ce prof d'entrepreneurship a exercé 36 métiers pour mener à bien son projet. Il a fabriqué ses volets, ses portes et ses 18 fenêtres. Il a aménagé un atelier où il a forgé sur l'enclume les poignées de porte, les crémones et tous les éléments de quincaillerie. Il a planté sur sa terre des milliers de feuillus qui remplaceront ceux dont il s'est servi pour ses armoires, ses planchers, ses clôtures. Il a récupéré des belles planches dans les couvents et les vieilles granges.

De la mezzanine, vue sur la salle à manger où on retrouve un vieux poêle et un foyer d'époque.

La salle à manger est d'un beau beige orangé, une couleur inspirée du manoir Mauvide-Genest, à Saint-Jean de l'île d'Orléans. La chambre de Florence, à l'étage, a la douceur de la maison du peintre Monet, au coeur des jardins de Giverny, en France. Au salon, un feu brûle dans la cheminée. Il tient au chaud le bébé qui babille dans son petit lit de jour.

Samedi dernier, l'association des Amis et propriétaires des maisons anciennes du Québec a remis à Alain Prévost le prix Thérèse Romer, à l'occasion de son congrès annuel qui se tenait à Saint-Antoine-de-Tilly. Ce prix reconnaît sa contribution à la conservation d'une maison ancienne. Le lauréat est d'autant plus fier qu'il n'a reçu aucune subvention gouvernementale.

Émilie Bordeleau, l'héroïne du roman d'Arlette Cousture, ne serait pas dépaysée dans cette maison si minutieusement reconstituée. Antoine, l'aïeul, n'en reviendrait pas, lui qui vivait avec sa famille nombreuse dans l'espace réduit du salon, alors subdivisé en plusieurs pièces.