Dans la cuisine, le salon, la chambre et, pourquoi pas, la salle de bains. L'architecte Jacques White a même déjà connu un homme qui laissait traîner un beau livre sur sa table à café et qui en tournait une page chaque jour.

Dans la cuisine, le salon, la chambre et, pourquoi pas, la salle de bains. L'architecte Jacques White a même déjà connu un homme qui laissait traîner un beau livre sur sa table à café et qui en tournait une page chaque jour.

En cette époque un peu bizarre où des maisons de plus en plus grosses logent des familles de plus en plus petites, les «pièces spécialisées» sont dans l'air du temps. Les couples ont leur salle d'exercices, les enfants, leur cinéma maison. Mais curieusement, les architectes ont rarement le mandat d'organiser une bibliothèque dans une résidence.

«Il n'est pas nécessaire d'avoir toute une pièce pour ses livres», fait observer Gilles Rocheleau, responsable de la formation pratique à l'École d'architecture de l'Université Laval. Une alcôve peut faire l'affaire, tout comme un palier dans l'escalier ou un recoin dans un espace de circulation.

Avant de sortir vos matériaux et vos outils, posez-vous quelques questions. Combien de livres possédez-vous? Quel est votre budget? Lirez-vous dans votre bibliothèque ou n'y ferez-vous que ranger vos volumes?

Une atmosphère

«Le vrai point de départ, c'est la relation qu'on entretient avec les livres», soutient Jacques White, professeur à l'École d'architecture. Il y a des gens qui ne lisent pas. Pour eux, les bouquins sont purement décoratifs. En revanche, certaines personnes en possèdent des milliers: des beaux, des rares, des romans, des ouvrages de référence, des biographies, des dictionnaires, des encyclopédies, des essais.

C'est le cas de Guy Lussier et de Brigitte Therrien qui désiraient chacun un endroit pour ranger leurs livres. Le premier lit dans sa bibliothèque. «Il me fallait un lieu avec une atmosphère, explique M. Lussier. Je ne voulais pas de bruit extérieur, ni de distraction.

Pour moi, c'était plus important que d'avoir de la lumière naturelle.»

Brigitte Therrien, elle, ne lit pas dans sa bibliothèque. Mais il allait de soi que sa «belle pièce de travail» servirait de rangement pour ses bouquins. Avec ses cinq rayons d'étagères qui vont du plancher au plafond, elle a obtenu ce qu'elle voulait: «le plus de logement possible». Tant de «logement», en fait, qu'elle a besoin d'une échelle pour accéder aux tablettes du haut. Le designer Dennis Plante a en outre réussi à intégrer un classeur et une grande table de travail.

Quelques règles

La bibliothèque domestique est la «reproduction à petite échelle» d'une grande bibliothèque, résume Gilles Rocheleau. Son aménagement est soumis à quelques règles. Ainsi, les livres sont allergiques à l'humidité et au soleil direct. Les sous-sols ne leur conviennent pas. Le verre énergétique avec une pellicule contre les ultraviolets est idéal pour les protéger du soleil.

Les livres, c'est lourd. Rappelez-vous votre dernier déménagement! Une étagère trop chargée pourrait «fatiguer» votre plancher, prévient Jacques White. Adossée à un mur, elle pourrait entraîner de la condensation, voire de la moisissure. Une bonne aération s'impose.

Et pour le lecteur, il importe que sa bibliothèque soit située dans un endroit tranquille, loin de la télé et de la salle de jeux.

Philippe Sauvageau, directeur de la bibliothèque de l'Assemblée nationale, possède entre 5000 et 6000 livres. Pas surprenant, quand on sait que l'homme fut directeur de l'Institut canadien, de la Bibliothèque nationale du Québec, du réseau de bibliothèques de l'Université du Québec à Montréal, responsable de la construction de la bibliothèque Gabrielle-Roy. C'est par souci de protéger la structure de sa maison de trois niveaux qu'il a installé sa bibliothèque au premier niveau, contre trois murs de son bureau.

Les étagères de type IKEA ne l'attiraient guère. Il a préféré récupérer des portes de chêne massif qu'il a découpées en tablettes de 12 pouces de largeur. Il les a ensuite insérées dans des madriers sur lesquels il avait façonné des encoches à hauteur irrégulière, de façon à éviter la monotonie. Dans cette pièce éclairée par une seule fenêtre, il lit et travaille sous la lumière artificielle. Philippe Sauvageau a classé ses bouquins par catégorie. Mais il n'a pas poussé la minutie jusqu'à les inventorier un par un.

Ses livres de cuisine sont rangés dans un gros vaisselier, dans sa salle à manger. Et des collections de livres de poche se trouvent dans l'une des chambres d'amis, comme une offrande, une invitation à la lecture.

Jacques White tourne ses tablettes de bord à fréquence régulière pour éviter qu'elles se déforment au centre. «Je m'assure qu'elles soient belles des deux côtés quand je les achète», souligne-t-il. Gilles Rocheleau suggère de «charger le bas du meuble» et de le fermer, si possible, pour le soustraire à la poussière. Enfin, pouvez-vous imaginer association plus naturelle que le bois et les livres? Pour Jacques White, elle va de soi.

L'architecte va jusqu'à affirmer que la bibliothèque est «l'un des éléments déterminants de la maison». Le livre en révèle autant sur son propriétaire que les vêtements. Mais alors qu'il exhibe ses bouquins dans la maison, il cache ses fringues dans des placards. L'humain est pétri de paradoxes.

Alors, que vous rangiez vos livres sur une tablette qui fait le tour de la pièce à faible distance du plafond; que vous ménagiez un coin pour vos magazines dans la salle de bains; que vos livres de recettes accumulent le gras sur une étagère près de la cuisinière. Dites-vous que vos livres sont des petites parties de votre tête que vous semez un peu partout dans la maison.