Le village de Saint-Léonard, au nord de Portneuf, en connaît un bout sur le lin, puisque depuis 1976, il en fait le thème d'un festival annuel. Les gens de là-bas ont même converti l'ancienne caserne de pompiers en musée, en 1998, qu'ils ont baptisé la Caserne du lin. Voilà de quoi déconcerter les Français qui s'y sont pointés à l'occasion de la Biennale internationale du lin! Pour eux, la caserne, c'est l'armée!

Le village de Saint-Léonard, au nord de Portneuf, en connaît un bout sur le lin, puisque depuis 1976, il en fait le thème d'un festival annuel. Les gens de là-bas ont même converti l'ancienne caserne de pompiers en musée, en 1998, qu'ils ont baptisé la Caserne du lin. Voilà de quoi déconcerter les Français qui s'y sont pointés à l'occasion de la Biennale internationale du lin! Pour eux, la caserne, c'est l'armée!

Le musée a déménagé dans la vieille école primaire, en mars 2000, mais il a conservé son appellation de Caserne du lin. Le nom d'usine lui conviendrait aussi. Car à l'étage, des tisserands s'activent à leurs métiers pour confectionner des vêtements et du linge de maison.

Gilles Girard, président de la Biennale, cultive comme de raison la passion du lin. Il ne lui trouve que des vertus. Ce textile ne garde ni les odeurs ni l'humidité, et il a des propriétés antitaches. Les bavoirs, les tabliers, les nappes, les napperons, les chemins de table et les linges à vaisselle se rient de la purée de carotte, du vin rouge et des betteraves. Les lavettes de lin (si! si!) et les serviettes de bain peuvent sécher sur leurs crochets, sans irriter les narines.

Les tisserands de la Caserne ont aussi actualisé le concept d'essuie-mains. Le leur, en plus d'être sobre, très absorbant et fort beau, prend la forme d'un rouleau grâce à deux bandes de velcro. Enroulé autour de la poignée d'un four en inox, il a un look d'enfer, qui illustre avec goût le mariage du contemporain et du traditionnel.

Il paraît que huit millénaires avant Jésus-Christ, les gens étaient vêtus de lin de pied en cap. Gilles Girard raconte que c'est l'intendant Talon qui a implanté le lin textile en Nouvelle-France. Jusqu'au milieu du XXe siècle, chaque fermier québécois en cultivait un lopin. Mais après la Seconde Guerre mondiale, sont arrivés le coton et les fibres synthétiques, qui ont signé l'arrêt de mort du lin textile.

Les Portneuvois rêvent de ramener chez eux le lin oléagineux (pour son huile et ses graines) et de voir de nouveau leurs champs envahis par ses jolies fleurs bleues. Les fleurs jaunes des champs de canola sont déjà du plus bel effet. Imaginez la courtepointe provençale sur le sol de leur belle campagne!

Récolte de l'art

D'ici là, il faudra compter sur la ténacité des gens de Saint-Léonard et sur les artisans qui ont fait leur, la maxime de la Caserne: «Qui sème le lin récolte de l'art.» La Biennale internationale du lin de Portneuf réunit des artistes du Québec, de la France, de la Belgique et de la Finlande qui ont créé des oeuvres, fixes ou en mouvement, autour du lin. Parmi eux, Chantale Simard et Giorgia Volpe.

Dans la tour sud de l'église Saint-Joseph de Deschambault, la première a créé une oeuvre émouvante, qu'elle a baptisée Rédemption. Ses 500 météorites de papier et d'étoupe de lin passent de l'ombre à la lumière dans la cage d'escalier, telles «des âmes qui font LE grand voyage», a expliqué l'artiste originaire de Matane et diplômée de la Maison des métiers d'art de Québec. L'éclairage au blacklight accentue l'effet dramatique.

Dans la sacristie des soeurs, l'artiste multidisciplinaire d'origine brésilienne Giorgia Volpe a recouvert de draps blancs tous les meubles de la pièce. «Comme quand on quitte une maison», a-t-elle expliqué. Tous les vendredis et samedis de juillet, entre 10 h et 16 h, elle invite la communauté «à réveiller l'espace avec leurs histoires», en brodant sur le coton et le lin leurs dessins et leurs textes.

«Pour habiter l'œuvre», elle prendra place au centre d'une table en forme d'anneau illuminée par en-dessous. «Nous allons construire la mémoire collective, se réjouit-elle. On envahira même les fenêtres.» Il restera de ce travail collectif une installation qui témoignera non pas du talent des brodeurs, mais de leur mémoire.