Lise, 32 ans, en a fait du chemin avant d'ouvrir son atelier à Saint-François, le 20 juillet 2003. Après des études en design de présentation visuelle au Cégep Sainte-Foy, quelques années à tâter la vente de meubles et un retour à l'école au Centre de formation professionnelle de Neufchâtel - pour obtenir un diplôme en rembourrage artisanal - la jeune femme n'en avait pas assez.

Lise, 32 ans, en a fait du chemin avant d'ouvrir son atelier à Saint-François, le 20 juillet 2003. Après des études en design de présentation visuelle au Cégep Sainte-Foy, quelques années à tâter la vente de meubles et un retour à l'école au Centre de formation professionnelle de Neufchâtel - pour obtenir un diplôme en rembourrage artisanal - la jeune femme n'en avait pas assez.

«Ici, après un an et demi de cours, j'avais atteint le plus haut niveau dans mon domaine. En comparaison, en France, pour devenir tapissier-décorateur (rembourreur), on étudie cinq ans pour l'équivalent d'un bac ou bien on fait l'École des compagnons qui dure plusieurs années», explique Lise.

Il faut utiliser des matériaux 100 % naturels, comme à l'époque.

Pour retaper fauteuils et canapés d'autrefois selon les règles de l'art, elle est donc allée chercher un savoir-faire sur la terre de ses ancêtres. Avec en mains des lettres d'appui de Parcs Canada (organe responsable de la restauration des meubles du gouvernement), et de quelques musées du Québec, elle décroche une bourse du Conseil des métiers d'art pour un stage de six mois à Yquelon, en Normandie.

«Jean Roulance, mon maître, m'a tout appris.» Et à écouter Lise parler de son métier, il devait sans doute avoir à ses côtés une élève attentive et motivée. D'ailleurs, à la fin de son séjour, il lui a offert les outils avec lesquels elle avait travaillé. Un privilège qui émeut encore la jeune rembourreuse.

Lise est ensuite repartie quatre autres mois en France, à Bordeaux cette-fois grâce à Emploi-Québec et à l'Office franco-québécois pour la jeunesse où elle a perfectionné son art auprès de Didier Duprat.

Durant ses passages sur le Vieux Continent, elle a visité maints musées de meubles afin d'observer tissus, coutures, épaisseur des coussins, finition.

La méthode

La méthode ramenée ici consiste à défaire et à reconstituer les huit étapes de rembourrage en utilisant des matériaux 100 % naturels, comme à l'époque. «Si on retire au meuble ses entrailles et qu'on vient mettre des matériaux neufs synthétiques, on dévalorise l'histoire, on dénature son cachet», insiste la jeune femme.

Devant un «grand blessé», Lise défait d'abord toute la bourrure et regarde «ce qui est encore en santé». Quand tout est à refaire, elle tresse d'abord des sangles de jute fixées avec de petits clous appelés «semences». Elle recouvre ensuite le tressage d'une toile forte. Puis elle dispose le crin végétal, qui constitue la première épaisseur moelleuse. Avec une toile d'embourre qu'elle surpique avec une grosse aiguille courbée (un carrelet), elle s'assure que tout est tendu également. Puis elle dépose le crin fait de poils de cheval ou de porc. Reste à ajouter une toile blanche, du feutre de coton et le tissu d'apparat, cousu avec minutie. La finition, c'est d'ailleurs la partie du travail qu'elle préfère.

Le grand défi, explique Lise, consiste à fabriquer deux meubles identiques, avec la même épaisseur et la même densité.

C'est donc avec tout ce savoir en poche qu'elle est revenue au pays. Elle a rapidement fait une étude de marché puis a ouvert chez elle un atelier, à Saint-François, près de Berthier-sur-Mer, où elle est née. Sa clientèle, «des gens plus âgés, scolarisés, souvent membres de l'Association des propriétaires de maisons anciennes du Québec», se trouve beaucoup en Montérégie, en Estrie et à Montréal.

Lise se fait un plaisir de se rendre chez eux, de visiter leurs belles maisons et de rapporter les meubles qu'elle met entre deux et trois semaines à restaurer. La structure du meuble a parfois besoin d'être solidifiée. «Quand je n'y arrive pas, je fais appel à un ébéniste du coin.» Lise conserve toujours la patine d'origine du bois, mais si celle-ci est écaillée, elle fait du «maquillage» pour la rendre comme neuve.

Il coûte 400 $ et plus pour faire restaurer un fauteuil dans son atelier (sans compter les frais de tissu). Un fauteuil de 100 ou 200 ans, s'entend. Elle a même déjà retapé des chaises datant de l'époque de Louis XIII. La jeune femme ne touche pas vraiment aux meubles contemporains. Il s'agit souvent de structures en bois mou beaucoup moins durables, souligne-t-elle.

Depuis un an, un apprenti l'aide dans sa tâche et elle reçoit à l'occasion des stagiaires français. Lise, qui a toujours su aller chercher les bonnes ressources pour l'assister, est aussi épaulée par un rembourreur de Stoneham très connu des antiquaires, Yvon Gaulin.

Peu nombreux à avoir cette spécialité, les affaires vont bien. Du côté des meubles du gouvernement, les contrats ne pleuvent pas, à cause des nombreuses compressions. «Mais je suis sur le banc, comme au hockey. J'attends mon tour», indique Lise confiante.

______________________

Sur Internet: www.johannegaumond.com/liselessard