Aux passionnées de mode, on ne présente pas Christian Lacroix. Pour les autres, disons que ce couturier, né dans le sud de la France, a débuté chez Hermès en 1978, a bouleversé les normes établies de la haute couture du temps où il était le directeur artistique de Jean Patou, puis a fondé sa propre maison en 1987. Nul mieux que lui ne sait mélanger les imprimés et les couleurs, les cultures et les époques.

Aux passionnées de mode, on ne présente pas Christian Lacroix. Pour les autres, disons que ce couturier, né dans le sud de la France, a débuté chez Hermès en 1978, a bouleversé les normes établies de la haute couture du temps où il était le directeur artistique de Jean Patou, puis a fondé sa propre maison en 1987. Nul mieux que lui ne sait mélanger les imprimés et les couleurs, les cultures et les époques.

Malgré ses succès sur les podiums, Christian Lacroix rêvait depuis toujours de décorer un hôtel, afin de «composer des ambiances en volumes et non plus seulement sur le papier ou à travers des collections de mode». C'est chose faite avec le Petit Moulin, un hôtel intime dans une rue calme, hors de l'agitation touristique mais à proximité des splendides demeures construites au XVIIe siècle pour les grands seigneurs et les courtisans.

Aujourd'hui haut-lieu de la communauté gaie, des galeries d'art contemporain, des bars et des boutiques branchés, le quartier conserve néanmoins des commerces traditionnels concentrés autour du marché des Blancs-Manteaux, des échoppes d'artisans au fond des cours pavées, des petites vielles à cabas qui se rendent aux marchés ouverts.

Le Petit Moulin se compose de deux immeubles anciens - dont une boulangerie où Victor Hugo, paraît-il, venait chercher son pain - qui ont été reliés et réagencés, avec comme résultat des perspectives biscornues, des couloirs labyrinthe, des coins et des recoins remplis d'ombre. «Dès le départ, explique Christian Lacroix, j'ai été séduit par le côté Vieux Paris que le cabinet d'architecte Bastie a respecté tout en veillant à l'aspect fonctionnel des choses. Le lieu se prêtait à la création d'un univers bigarré, représentant les différents styles décoratifs qu'a connu le Marais au cours de son histoire, du boudoir façon Madame de Sévigné jusqu'au design le plus actuel». L'hôtel est aussi à l'image de la griffe Lacroix, un patchwork éblouissant d'étoffes chamarrées, de velours et de brocard, de motifs graphiques, de fleurs et de rayures, de collages assemblés en fresque, de couleurs et de textures.

La façade a conservé ses boiseries noires rehaussées d'or et l'enseigne de la boulangerie qui a donné son nom à l'hôtel. Le comptoir derrière lequel officie le personnel de la réception date lui aussi des années 1900. De l'accueil, qui fait très Belle Époque avec son plafond décoré de moulages en plâtre vert amande et ses tentures en taffetas bouillonné couleur bordeaux, on passe dans un petit salon cossu et feutré aux murs laqués aubergine.

Le bar attenant est traité comme un bistrot de quartier, alliant comptoir en zinc et sièges vintage. L'un des murs est entièrement recouvert d'un collage où le génie de Lacroix pour les associations insolites donne toute sa mesure. On dirait la page d'un scrap-book géant. Un bel escalier en bois XVIIe siècle, mis en valeur par le crépi blanc des murs et allégé par l'humour d'une moquette à pois, mène aux chambres.

Extrêmement différentes les unes des autres, chacune représente un art de vivre le Haut-Marais. Il y a la Rustique tendue de toile de Jouy, la Baroque et sa tête de lit en bois ouvragé et doré, la Rococo chargée de pilastres, de moulures et de corniches, la Couture et ses grands croquis de mode, la Surréaliste, la Kitsch, la Pop, la Zen... «Chacune raconte l'amorce d'une histoire, à compléter par les voyageurs eux-mêmes», explique Christian Lacroix.

Les couleurs se déclinent du vieil or au vert fluo, les papiers peints jouent entre le panoramique, le trompe-l'oeil, le médaillon désuet, le dessin abstrait, la géométrie à la scandinave et la reproduction historique. Ici des poutres, là du béton, cuir ou toile brute, miroir vénitien et tommettes campagnardes, commode Louis XV ou chaises en plexi. Ces éléments disparates auraient pu générer la plus terrible des confusions.

Le couturier-designer réussit le miracle d'harmoniser le tout, en utilisant, de pièce en pièce, un fil conducteur sous la forme des luminaires toujours modernes peu importe le parti-pris de la chambre, des fauteuils invariablement gainés de couleurs très vives, une légère touche années 60. Encore là, cela n'aurait pas suffit. Il fallait du génie. Certains seront éblouis, d'autres scandalisés. La même réaction en fait qu'a connu le monde de la mode lorsque Christian Lacroix a présenté ses premières collections.

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