Repaire de tout ce que la Révolution tranquille comptait de penseurs, de beaux parleurs ou de petits faiseurs, on dit que l'endroit débordait d'oeuvres d'art accrochées un peu partout au milieu d'un décor de coureur des bois (raquettes en babiche, pièges à ours et autres roues de charrette). Il a fermé en 1987, dans l'indifférence générale de ceux qui n'y avaient pas leurs habitudes.

Repaire de tout ce que la Révolution tranquille comptait de penseurs, de beaux parleurs ou de petits faiseurs, on dit que l'endroit débordait d'oeuvres d'art accrochées un peu partout au milieu d'un décor de coureur des bois (raquettes en babiche, pièges à ours et autres roues de charrette). Il a fermé en 1987, dans l'indifférence générale de ceux qui n'y avaient pas leurs habitudes.

L'édifice s'est lentement dégradé, et on l'a cru voué à la démolition. C'était compter sans Frank Valiante, ingénieur civil de son état, fils de carreleur italien et amoureux de belles choses.

C'est ici, dans l'ancien Gobelet, que Frank Valiante retape et revend de belles pièces de notre patrimoine.

Baptisé Spazio («Espace» en italien), son magasin tire profit des hauts plafonds aux poutres apparentes de l'ancien Gobelet, qui doit être bien content de cette nouvelle vie. Il abrite maintenant les plus belles pièces de notre patrimoine architectural, que Frank sauve de l'oubli ou de la démolition pour les retaper et les revendre. C'est ainsi que des vitraux, des portes, des colonnes de véranda, des manteaux de cheminée, des lustres, des armoires de sacristie et un tas d'autres merveilles s'accumulent dans l'ancienne taverne, sans parler d'un arsenal de quincaillerie de laiton, de bronze, de cuivre ou de fonte à rendre malade n'importe quel collectionneur un peu compulsif.

Frank s'approvisionne principalement dans les encans. «Je trouve toujours quelque chose. C'est comme une maladie!» dit-il en riant. Il l'a attrapée lorsque, en 1997, il a acheté à Westmount une maison qui avait «besoin d'amour», comme disent les agents immobiliers. Ce fils d'artisan n'a rien voulu laisser au hasard et s'est mis à restaurer lui-même sa maison. Huit ans plus tard, il la restaure toujours. «Ma femme est un peu tannée», dit-il avec un sourire contrit. On la comprend un peu...

Mais cette passion est contagieuse, et si sa femme ne l'a pas attrapée, c'est qu'elle est immunisée. Il suffit de mettre les pieds dans ce vaste local pour tomber amoureux de quelque chose. Et pour éprouver quand même un petit pincement à la pensée de toutes ces maisons dépouillées de leurs beautés, de toutes ces oeuvres privées de leur écrin. «Oui, moi aussi, ça me fait toujours de la peine de voir ça, acquiesce Frank. Mais je me dis qu'au moins elles ne meurent pas.»

Vivantes. C'est bien ainsi que l'on sent ces pièces magnifiques. Vivantes, ces portes de chêne aux vitraux signés Nincheri. Vivante, cette monumentale armoire de sacristie à trois pans, qu'il a fallu démonter pour la transporter («veeeery carefully»). Et que dire de cette antique baignoire de zinc à rebord de bois, dénichée quelque part dans les environs de Saint-Donat? Qu'on aimerait lui donner une seconde vie dans une courette échevelée, pour y prendre le frais en écoutant gazouiller les oiseaux!

En tout cas, la seconde vie que connaîtront ces admirables fenêtres cintrées, qui garnissaient autrefois une église, ne manque pas d'ironie: le spa Ofuro, de Morin Heights, les a achetées pour les intégrer à son agrandissement. Autres temps, autres cultes...

Évidemment, il n'y a ici rien de gratuit. Ni même de bon marché: nous ne sommes pas chez le premier brocanteur venu. Tout est soigneusement retapé, bichonné, classé, entreposé; cela se paie. Et puis Frank connaît son inventaire par coeur (ou devrions-nous dire avec le coeur?). Il semble impossible de ne pas trouver chez lui ce qu'on cherche - et même ce qu'on ne cherche pas!

Il y a en outre chez Spazio des curiosités pas forcément architecturales pour lesquelles Frank a craqué. Lors de notre visite, il nous a montré un horodateur datant de 1917 en parfait état de marche, un bijou d'ingéniosité fabriqué par l'International Business Machines (mieux connue aujourd'hui sous le nom d'IBM), qu'il a revendu à un musée américain. On a aussi pu voir un ravissant lutrin articulé, un chevalet portatif fort astucieux, plusieurs très anciens (et minuscules) bancs d'école et une grande quantité de glacières de bois - dont l'une, en acajou, vient d'Argentine.

Car Frank veut élargir son champ d'action. Outre le Québec, les États-Unis et l'Argentine, il a aussi des objets provenant de Belgique et de France. Et il part sous peu pour l'Italie. «Je vais sûrement rapporter beaucoup de très belles choses très anciennes», dit-il d'un air rêveur.

Il rentre le 11 juillet. Avis aux intéressés...

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SPAZIO,

8405, boulevard Saint-Laurent

Tél.: (514) 384-4343

Internet: www.spazio.ca