Que voilà un artiste singulier! Fraîchement retraité du siège social de l'Université du Québec, ce graphiste de métier s'est établi dans un des ateliers du Roulement à billes, rue de Sainte-Hélène, pour y pratiquer la gravure à temps plein, un art qu'il maîtrise depuis des lunes. Il a, pour y arriver, vendu sa maison de Sillery l'an dernier et aménagé, attenant à son atelier, un espace de vie aussi singulier que lui.

Que voilà un artiste singulier! Fraîchement retraité du siège social de l'Université du Québec, ce graphiste de métier s'est établi dans un des ateliers du Roulement à billes, rue de Sainte-Hélène, pour y pratiquer la gravure à temps plein, un art qu'il maîtrise depuis des lunes. Il a, pour y arriver, vendu sa maison de Sillery l'an dernier et aménagé, attenant à son atelier, un espace de vie aussi singulier que lui.

L'escalier de merisier se divise en deux et conduit à la mezzanine.

On pénètre chez lui, comme on entre dans une cour privée. Aussitôt la porte franchie, quelques pas japonais jetés sur des pierres de rivière nous guident vers les marches. En haut, se trouve l'atelier, pareil à un jardin, avec le mur extérieur de la maison, tout au fond, paré de trois fenêtres, de deux portes cintrées et de carrés de béton flexible (bet-flex) en forme d'écailles de poisson. Des gravures sèchent sur la corde à linge. Des graminées sont suspendues au-dessus d'un vélo. L'île aux Grues? Notre-Dame-du-Portage? Non, Saint-Roch, tout simplement...

«Un jour, je me ferai une galerie ici», annonce Jacques Lacasse. En attendant, il a suspendu quelques-unes de ses toiles, et il a acheté une sculpture de béton, oeuvre de Florent Cousineau, précédent propriétaire des lieux. «Chaque artiste qui passe aux ateliers du Roulement à billes devrait y laisser une trace», décrète le graveur de 55 ans. Car cet endroit, selon lui, c'est un peu notre «bateau-lavoir», cette maison jadis transformée en ateliers d'artistes, dans le quartier Montmartre, à Paris, où ont gravité Braque, Modigliani et Picasso, qui y a peint les Demoiselles d'Avignon.

«La maison dans la maison» de Jacques Lacasse se cache derrière les deux portes aux carreaux de verre givré. «J'ai la chance de venir travailler en pyjama et en chaussettes», badine-t-il en nous invitant cérémonieusement dans son appartement. Un mur de brique lui insuffle cachet et chaleur. Le plafond de béton préserve son caractère industriel. Les rangements camouflés dans chaque recoin lui confirment son statut de logis.

Carte blanche

La chambre, en mezzanine

Le sculpteur Florent Cousineau et l'architecte Thomas Carrier ont eu «carte blanche» pour transformer en cocon domestique cette coquille de béton de 13 pieds et demi de hauteur. Ils ont eu l'audace d'y aménager une mezzanine pour la chambre et le petit bureau, grâce à un «plancher sandwich» très mince, fait de deux couches de contre-plaqué enserrant des madriers. Cet été, le proprio aura «la tête dans les étoiles», puisque son lit sera surmonté d'un dôme de verre.

Au rez-de-chaussée, la cuisine et le salon ont bénéficié tout l'hiver de la chaleur d'un poêle à bois en fonte. Oui, un poêle à bois, «avec quatre étages de cheminée», qui ne nuisent ni aux autres copropriétaires, ni à l'espace sur le toit. Les bûches étaient cordées «dans la cour», sous les graminées.

Il a fallu des trésors d'imagination pour concevoir l'escalier de merisier. La chambre et le bureau, en effet, sont séparés par une poutre de béton qui bannit toute circulation entre l'une et l'autre. À mi-chemin, l'escalier se sépare donc en deux branches. «En termes de récupération d'espace, on ne pouvait faire plus», analyse Florent Cousineau.

L'ami Jacques peut prendre ses aises dans son immense atelier, où il accumule les esquisses qu'il dessine «de façon compulsive» et qu'il classe dans des cahiers empilés dans un mur d'armoires. Il n'a pas de presse, il se sert de l'équipement vendu chez Engramme. Ça lui laisse plus de place pour créer et pour recevoir les passants qui ne manquent pas de ralentir sur le pas de sa porte.

«La maison dans la maison» de Jacques Lacasse fera l'objet d'un reportage, en juillet, à l'émission Visite libre, présentée à ARTV.