On le sait, les abeilles à miel, partout dans le monde, font face à de multiples menaces: parasites, épidémies, pesticides, changements climatiques... La préoccupation pour le sort des abeilles, ajoutée à la vogue de l'«agriculture urbaine», a sans doute contribué à la popularité croissante de l'apiculture comme passe-temps, outil d'éducation et, évidemment, source de miel.

En 2012, selon le site Agriculture urbaine Montréal, on dénombrait environ 165 ruches dans la métropole, dont les deux tiers se trouvaient en zone périurbaine. En 2017, ce nombre s'élève à 671 (y compris quelque 150 qui sont la propriété d'apiculteurs professionnels), et la plupart de ces ruches bourdonnent en pleine ville, à travers toits, terrains vagues, cours d'école, jardins publics ou privés, balcons et ruelles.

En tout, elles donneraient chaque année quelque trois tonnes d'un miel que le site d'Agriculture urbaine Montréal qualifie d'exceptionnel. On y trouve des traces de quelque 25 espèces de végétaux (framboisier, cerisier de Pennsylvanie, pommier, trèfle, tilleul, vesce jargeau, vigne vierge, millepertuis, linaire...), et aucun pesticide puisque l'usage de tels produits est sévèrement réglementé en ville.

Il semble donc que la ville soit un paradis pour les abeilles à miel et, partant, pour les apiculteurs amateurs. La société Alvéole, créée en 2012 par trois jeunes apiculteurs, fait d'ailleurs la promotion de l'apiculture urbaine auprès des entreprises, des écoles et même des particuliers. Jusqu'ici, 50 écoles, 80 entreprises et 190 particuliers «hébergent» des ruches d'Alvéole.

«Nous voyons l'apiculture comme une façon de conscientiser les gens sur la fragilité de notre environnement et sur ce que nous pouvons faire pour le protéger, explique Étienne Lapierre, l'un des fondateurs d'Alvéole. Les abeilles sont des insectes fascinants qui se prêtent bien à cette prise de conscience. Et ça marche! Nous recevons chaque semaine des dizaines d'appels de gens qui, sans nécessairement vouloir devenir apiculteurs, souhaitent planter des fleurs pour aider les abeilles. Nous estimons que c'est un grand pas en avant puisque ce qui est bon pour les abeilles est bon pour tous les insectes pollinisateurs.»

Une concurrence déloyale?

Alors qu'Alvéole soutient qu'il n'y a pas de limites au nombre d'abeilles que peut accueillir la ville, la coopérative Miel Montréal se montre plus prudente. «Il y a une centaine d'espèces d'abeilles indigènes à Montréal, qui sont tout aussi importantes pour la pollinisation et pour le maintien de la biodiversité urbaine que les abeilles à miel», dit Laura Charpentier, coordonnatrice générale de Miel Montréal. 

«Les abeilles indigènes sont plus sensibles à la concurrence des autres espèces et à la perte d'habitat. Par exemple, une abeille indigène ne butine que dans un rayon de 500 m autour de son nid, alors que les abeilles mellifères peuvent couvrir un rayon de 5 km autour de la ruche. De plus, en ville, les ressources en nectar et en pollen sont forcément limitées, et nous croyons que l'implantation de ruches doit se faire de manière graduelle, ordonnée et bien encadrée, de façon à assurer la survie de toutes les espèces.»

C'est pourquoi Miel Montréal offre des séances d'information aux citadins désireux de se lancer dans l'apiculture. «Généralement, dit Laura Charpentier, les gens qui assistent à ces séances se rendent compte de tout ce que ça demande comme travail, comme précautions, et ils choisissent de participer à un rucher collectif plutôt que de se lancer seuls.»

Tout comme Alvéole, Miel Montréal estime que l'apiculture urbaine doit servir à sensibiliser les citoyens à la sauvegarde de la biodiversité. «L'apiculture urbaine ne vise donc pas à "sauver les abeilles" d'un déclin à l'échelle mondiale par l'installation de ruches en ville ni à répondre à la demande en miel», dit la coopérative dans sa Charte de l'apiculture urbaine, publiée le 1er mai dernier. 

Les deux organismes s'accordent au moins sur une chose: l'importance de créer des jardins mellifères, histoire de fournir des habitats et des ressources alimentaires à tous les insectes pollinisateurs - abeilles à miel comprises, bien sûr. Miel Montréal en a réalisé plusieurs, qui sont du plus bel effet... et parfaits pour les jardiniers paresseux! On peut en voir notamment au Palais des congrès, au campus Outremont, à l'Université de Montréal, à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau et à la TOHU.

Photo Olivier PontBriand, Archives La Presse

Il semble que la ville soit un paradis pour les abeilles à miel et, partant, pour les apiculteurs amateurs.

Les avantages d'un jardin mellifère

> Permet l'implantation d'une végétation vivace qui se régénère toute seule 

> Réduit les îlots de chaleur

> Requiert moins d'entretien et d'eau qu'un potager ou une pelouse 

> Absorbe les eaux de ruissellement 

> Embellit la ville... et la vie!

Quelles espèces choisir?

Miel Montréal suggère de privilégier des plantes indigènes aux cycles de floraison variés, riches en pollen et en nectar.

Photo Patrick Sanfaçon, Archives La Presse

Il semble que la ville soit un paradis pour les abeilles à miel et, partant, pour les apiculteurs amateurs.