Manger mieux et savourer des légumes vraiment frais n'est pas si compliqué, constate un nombre grandissant de jardiniers amateurs, qui prennent plaisir à mettre les mains dans la terre et à planifier leurs futures récoltes. Pour le bien de tous.

Martin Desmarais habite à distance de marche du marché Jean-Talon. Il pourrait s'en contenter pour savourer une grande variété d'aliments frais. Mais sa volonté de mieux comprendre d'où vient la nourriture et d'être plus conscient de ce qu'il met dans son assiette et dans celles des membres de sa famille l'amène à explorer de nouvelles avenues.

Tout a commencé lorsque, ayant soif de lumière, il a décidé de jardiner sur le toit de son triplex, dans Rosemont-La Petite-Patrie, au printemps 2013. Il s'est attelé à la tâche avec sa conjointe, Geneviève Malo. Les 12 bacs du début sont passés à 18, puis à 40, placés à des endroits stratégiques pour ne pas affecter la structure du toit.

Des poules pondeuses ont fait leur apparition dans la cour, procurant à la maisonnée une quinzaine d'oeufs par semaine. Puis pour continuer de cultiver des légumes et des fines herbes l'automne venu, Martin Desmarais s'est lancé dans l'aquaponie dans son sous-sol. Résultat: l'élevage de tilapias dans un immense récipient, relié à un système hydroponique, permet aux conjoints et à leurs enfants respectifs d'avoir du chou frisé, de la laitue et autres légumes frais à portée de main en hiver.

«Les petits gestes que je pose ont un grand impact parce qu'ils sont porteurs de changement», estime le jardinier amateur, qui voit avec plaisir ses enfants montrer les diverses installations à leurs amis. Faisant volontiers partager son expérience, il apprend à son tour de ceux avec qui il échange.

Par plaisir

Toujours, le plaisir demeure au coeur de sa démarche. Le plaisir d'aller chercher des oeufs frais et de cueillir ce qui pousse dans le jardin. Le plaisir d'expérimenter et de découvrir à quel point les pois mange-tout et les haricots, cultivés en aquaponie, sont savoureux. Le plaisir, à l'arrivée du beau temps, d'aller sur le toit, de profiter de la lumière et de la belle vue sur les environs. Le plaisir, aussi, d'essayer de nouveaux semis. Cet été, il tentera sa chance en plantant des graines de radis melon, concombre citron, oignon patate, haricot nain Dutch Princess et laitue Gotte jaune d'or.

Travaillant de longues heures en tant que preneur de son pour des productions cinématographiques, il aime prendre le temps d'arroser les plantes sur le toit. Il n'est pas question d'avoir un système d'irrigation automatique.

«Le processus de désherber, de vérifier les plants et d'arroser est aussi important que le but final. C'est toujours en train d'évoluer, ce qui est le fun

Cette année, il aura plusieurs variétés de tomates (Carbon, Green Zebra, Black Plum, Canabec Super, Gajo de Melon, Ildi, Gold Nugget). En suivant le plan qu'il a élaboré, il plantera aussi dans des pots : des pommes de kangourou (pour faire de la confiture), des choux de Bruxelles, bok choy, zucchinis jaunes, haricots jaunes, rapini, concombres libanais, choux-fleurs, betteraves, piments forts, poivrons, patates, oignons, carottes, cerises de terre, ciboulette et basilic napolitain.

Ce qu'il plantera à l'extérieur ne devra toutefois pas entrer en compétition avec ce qui poussera dans le sous-sol. C'est pourquoi il n'y aura que du vert à l'intérieur, dont du chou frisé. «On remettra autre chose en octobre, précise-t-il. Il faut se simplifier la vie.»

Qui sait où sa quête d'autonomie, qui s'inscrit dans une démarche verte et sociale, le mènera? Des lapins angoras, dont il a déjà commencé à tondre le long pelage, se sont récemment ajoutés dans un coin de sa remise. Le soleil est aussi mis à contribution au moyen de panneaux photovoltaïques installés sur le toit en 2014, qui produisent environ 15 % de l'électricité requise par la maisonnée.

Le goût de jardiner

«Il y a un engouement pour l'agriculture urbaine, constate Johann Girault, directeur général de l'organisme Les Urbainculteurs, fondé à Québec en 2009 afin de verdir la ville. Beaucoup de gens, qui n'ont jamais mis les mains dans la terre, ont le goût de jardiner.»

Au plaisir de cultiver soi-même s'ajoute le plaisir de goûter sa propre récolte et de la partager avec ses voisins, fait-il remarquer.

«On voit plusieurs baby-boomers se remettre au jardinage, mais le mouvement de l'agriculture urbaine est aussi porté par les jeunes, dit-il. Toutes les couches de la société sont en train d'être "contaminées", à mesure que l'on prend conscience des enjeux globaux sur la planète. Cela n'a pas de sens de faire voyager les aliments sur des milliers de kilomètres.»

Il y a un retour vers l'autonomie alimentaire, constate-t-il. «Plusieurs veulent reprendre le contrôle sur une partie essentielle de leur vie», conclut M. Girault.

Photo André Pichette, La Presse

Une oasis adjacente à la maison

Depuis plus de 30 ans, à Ayer's Cliff, Luc Muyldermans et sa famille se délectent de légumes frais qui poussent sur leur terrain, peu importe la saison. Visite de leur serre, attenante à leur maison, qui gagne en notoriété.

Une serre non chauffée

La serre, mesurant 14 pieds sur 32 pieds, est bordée d'immenses fenêtres à un angle de 45 degrés, afin que le soleil pénètre jusqu'au fond. La chauffer aurait entraîné un énorme gaspillage d'énergie. Luc Muyldermans et sa famille s'adaptent donc au climat, ne mangeant pas de légumes de la mi-décembre à la fin de janvier, lorsqu'il y a moins de lumière et que les plantes sont en dormance. L'hiver, des bouteilles emplies d'eau, qui absorbent la chaleur et la rejettent la nuit tombée, sont déposées entre les plantes, ce qui contribue à élever la température de 20 à 25 degrés par rapport à l'extérieur. Le contraste est alors frappant!

Des légumes toute l'année

Le printemps, Luc Muyldermans met en terre dans la serre des plants qui ont besoin de chaleur: des tomates, des aubergines, des piments, des concombres, des poivrons. Des végétaux qui ont poussé tout l'hiver sont encore sur place : épinards, chou frisé (kale), diverses variétés de laitues, céleri, cerfeuil, basilic, persil, etc. Les bulbes de carottes, panais et betteraves seront de leur côté replantés à l'extérieur. Au fond, devant les fenêtres, grimpent des vignes provenant de chez les parents de l'architecte, cultivateurs de vignes de serre en Belgique. Les géraniums? Ils sont là pour leur beauté.

Transmettre son expertise

Francis Gendron et Frédéric Wiper, cofondateurs de Solution Era, ont demandé à Luc Muyldermans de transmettre ses connaissances dans la formation en ligne «Serre d'abondance et autonomie alimentaire». Leur but? Promouvoir la construction de maisons visant l'autosuffisance, avec un impact minime sur l'environnement. Le duo a eu recours au sociofinancement pour réaliser la formation. Il a récolté 67 500 $, ayant soulevé l'intérêt de 510 personnes. «Les problèmes sont immenses, il faut des solutions gigantesques», croient les deux jeunes trentenaires, qui comptent construire à l'automne, près de Sutton, une première maison selon la rigoureuse certification Living Building Challenge. Celle-ci comportera évidemment une serre!

Photo André Pichette, La Presse

La serre de Luc Muyldermans, non chauffée, est attenante à la maison. À un coût d'environ 30 000 $, une famille de 4 mangeant de la nourriture locale et bio rembourserait le prêt en environ 7 ans, estime-t-on.

Trucs et astuces

Larry Hodgson, aussi connu sous le nom de Jardinier paresseux, transmet sa passion pour l'horticulture depuis plus de 20 ans. Lors de ses conférences, de plus en plus de jeunes se mêlent aux têtes grises et s'intéressent au jardinage urbain, constate-t-il avec plaisir. Voici quelques conseils de base pour ceux qui désirent s'y mettre, autant sur leur balcon que dans un coin de leur cour.

Sur un balcon

Il faut avoir du soleil pour avoir du succès, souligne M. Hodgson. Il recommande d'utiliser de grands pots. En ayant plus de terreau, il n'est pas nécessaire d'arroser aussi souvent, et les plantes s'en porteront mieux. Les résultats seront supérieurs. Il conseille des bacs d'un minimum de 30 cm de profondeur et 30 cm de largeur. Mais il préfère 45 cm de profondeur et 45 cm de largeur. La production peut aussi se faire en trois dimensions, à la faveur de treillis ou de cordes sur lesquels grimperont des plantes. Intégrer quelques fleurs attirera par ailleurs des abeilles, ce qui favorisera la pollinisation.

Dans la terre

S'il s'agit d'une première expérience, il faut relever la qualité du sol avec de la bonne terre à potager, indique l'expert. C'est bien d'ajouter un engrais à dégagement lent, qui fournira des minéraux tout l'été, même dans des potagers existants. Il effectue du «compagnonnage logique», en mettant à l'arrière les plantes hautes, qui projettent de l'ombre. Il plante aussi toujours des fleurs voyantes (zinnia, tagète) pour attirer les insectes pollinisateurs. Il essaie par ailleurs de faire une rotation et de ne pas mettre les mêmes végétaux au même endroit chaque année.

Des légumes préférés

Larry Hodgson a abandonné les plantes trop frileuses. Ses légumes préférés? La tomate, le poivron, la courgette et la laitue romaine, plus facile à cultiver que la laitue en feuilles, qui attire les limaces et mûrit très vite. En ce qui concerne les tomates, il se limite à deux variétés par année: une dont les fruits sont assez grands pour mettre dans les sandwichs et des tomates cerises, qu'il mange comme des bonbons.

Protéger la récolte

Il est presque impossible de prévenir l'apparition d'insectes nuisibles, fait remarquer le spécialiste. Il faut plutôt réagir lorsqu'on voit quelque chose d'anormal. Très souvent, il faut enlever physiquement la créature (comme une chenille). Pas besoin de mettre de l'insecticide. Un jet d'eau assez fort suffit pour déloger des pucerons. Dans le cas des animaux indésirables, c'est plus compliqué. La méthode la plus chère et la plus efficace consiste à installer un arroseur avec détecteur de mouvements. Dès que la bête s'approche, elle se fait arroser. On risque toutefois d'oublier l'engin et de se faire arroser à son tour...

Compagnonnage et calendrier

Certaines plantes vont mieux ensemble que d'autres, attirent ou éloignent les insectes. Certaines périodes, par ailleurs, sont plus propices pour planter divers légumes.

http://agriculturemontreal.com/compagnonnage

http://lesbeauxjardins.com/jardinons/potager/apcompagnon.htm

https://jardinierparesseux.com/2016/06/03/compagnonnage-vegetal-mythe-ou-realite/

http://espacepourlavie.ca/calendrier-de-semis-de-legumes

Photo Sarah Mongeau-Birkett, Archives La Presse

De plus en plus de jeunes se mêlent aux têtes grises et s'intéressent au jardinage urbain.