L'agronome urbaine Lili Michaud est une pionnière. Depuis 20 ans qu'elle incite les gens à intégrer tomates, courges, fines herbes à leurs plates-bandes ou jardinières. Dans la cour, en façade, sur le toit, aux murs, sur le balcon du 15e...

«Il faut exploiter toutes les possibilités.» Chez elle, dans Limoilou, les pousses sortent de terre. En retrait, une petite serre toute simple accueille ses «bébés», semés avec amour. Dans son parterre, des cuillères plantées et numérotées à la peinture rouge lui permettent d'identifier ses vivaces (nous sommes dans les trois chiffres). Vive la biodiversité!

S'il est beaucoup question d'agriculture urbaine ces dernières années, un vaste domaine qui comprend aussi l'apiculture et les poulaillers urbains, elle se concentre sur l'«aménagement comestible». Pas le petit potager carré caché dans le fond de la cour, mais un heureux mariage de plantes ornementales et comestibles un peu partout.

Sa spécialité: les plantes légumières, les fines herbes, les petits fruits, les arbres et arbustes fruitiers et les fleurs comestibles. À ce dernier chapitre, Lili Michaud préfère par-dessus tout les hémérocalles, qui ont «un petit goût sucré, parfumé, mais délicat». Ses plants sont rarement pleins de fleurs, puisqu'elle les mange (nature) au fur et à mesure. Autrement, elle souligne que la monarde a un goût plus épicé et suggère de l'apprêter en beurres. Quant à la pensée... elle ne goûte pas grand-chose finalement, dit-elle en riant.

Lili Michaud, conférencière et auteure, a une importante banque de photos pour démontrer que les plantes comestibles ne sont pas que bonnes à manger. Belles, variées, colorées, hautes, basses, rampantes, il faut aussi profiter de leurs propriétés ornementales.

Elle pense à la courge d'hiver, qu'elle aime faire grimper. Pourquoi ne pas faire un écran de maïs? Ou une bordure de betterave à feuille rouge? Avec la bette à carde, la betterave à feuille rouge est souvent utilisée dans les aménagements municipaux, remarque Lili Michaud.

L'agronome aime l'allure du chou kale, qui a en plus de nombreuses propriétés santé. La Maison Chevalier dans le Vieux-Québec a sa bordure de kale rouge, souligne-t-elle. Le jardin Jeanne-d'Arc a aussi de beaux aménagements comestibles, mettant en vedette le persil notamment.

Saviez-vous que l'asperge est une vivace? En la laissant pousser, sa tige droite devient un feuillage fin et ramifié. D'autres photos suggèrent de planter des fines herbes à travers les dalles. «Elles poussent bien dans des conditions sèches et arides.» Une haie de framboisiers, des fraisiers en couvre-sol, un tipi recouvert de haricots, ce ne sont pas les idées qui manquent.

Les bons compléments

Une des grandes clés pour réussir un aménagement comestible est de choisir les «bons compléments», les bons voisins pour côtoyer les plantes comestibles sur le terrain, indique Lili Michaud. Il faut opter pour des végétaux rustiques et peu affectés par les insectes ravageurs. L'agronome explique: «Si on a une plante ornementale toujours affectée par les ravageurs et la maladie, on va être tenté de la traiter. Mais on ne veut pas utiliser de produits toxiques à côté de nos tomates.» Par exemple, on évite le lis, assailli par le criocère du lis.

Pour la spécialiste, la culture de plantes comestibles se conjugue avec une pratique écologique. Pas d'engrais chimiques, pas de pesticides. Mais oui au compost et à la récupération de l'eau de pluie.

Du côté des bons compagnons ornementaux, elle suggère d'opter pour des plantes qui attirent les insectes pollinisateurs, comme les échinacées ou les rudbeckies (important si on veut des pommes et des courges, dont les fleurs doivent être pollinisées).

Il peut être judicieux d'aménager les coins d'ombre avec des vivaces, des couvre-sol d'ombre, étant donné que les plantes comestibles poussent plutôt en plein soleil ou à la mi-ombre (laitue, épinard, chou).

Quant aux arbres et aux arbustes, Lili Michaud croit qu'il est bien d'en avoir pour structurer le paysage. «Mais l'erreur que les gens font souvent, ils ne pensent pas à la dimension à maturité, ni à l'ombre projetée ou aux racines. Il faut toujours bien s'informer avant d'acheter.»

Petite remarque sur les arbres fruitiers, encore là, il faut prendre le temps de bien choisir. Par exemple, le pommier est très vulnérable aux insectes et aux maladies. Pas de Macintosh, tranche l'agronome.

Autrement, elle n'est pas de ceux qui bannissent le gazon, même si elle préfère limiter son étendue au profit des plantes comestibles. Selon elle, la pelouse a son utilité, permet de délimiter l'aménagement et de circuler. «Elles sont rares les plantes sur lesquelles on peut marcher sans les endommager.»

Culture en pots

La spécialiste préconise la culture en pleine terre quand c'est possible, «c'est plus facile». Mais elle encourage aussi celle en pots. Pour les fines herbes, les tomates, les aubergines, les poivrons, les piments et «à la rigueur les concombres et les courges, pourvu qu'ils ne manquent pas d'eau».

Pour ce faire, elle privilégie les contenants à réserve d'eau, d'une bonne dimension, vendus dans les jardineries. Une section inférieure pour le réservoir, une autre supérieure pour recevoir plante et terreau et un système qui permet de fournir l'eau au besoin sans imbiber.

Dans ses conférences sur les plantes comestibles, Lili Michaud défile plus d'une centaine de pages d'information et de conseils. Dans son livre Mon potager santé, fraîchement réédité aux éditions Multimondes, elle parle de tout, des exercices d'étirement à faire avant, pendant, et après les travaux, au calendrier de semis, jusqu'à la récolte et à la conservation des légumes.

Avoir chez soi un aménagement comestible demande du temps et de la patience, mais donne beaucoup en retour, estime Lili Michaud. Il permet de consommer des aliments frais, sains et économiques. En ce qui la concerne, elle a déjà commencé à récolter des échalotes. Les épinards et les laitues s'en viennent. Et elle peut dire que de la mi-juillet à la mi-septembre, elle n'a besoin que d'aller chercher pain, poisson et viande.

Autre avantage d'un aménagement comestible: protéger l'environnement en réduisant l'émission de gaz à effet de serre. «Les aliments voyagent en moyenne 2500 km. Ce qui n'est pas le cas de la laitue cueillie dans le jardin.» Réduction aussi de l'emballage.

Puis ultimement, croit l'agronome, cultiver ses propres aliments permet de prendre conscience de leur valeur, de comprendre le travail et l'énergie mis derrière. Surtout, ne vous plaignez pas devant elle du prix des fruits et des légumes à l'épicerie.

Photo Jean-Marie Villeneuve, Le Soleil

Lili Michaud incite les gens à pratiquer l'agronomie urbaine depuis une vingtaine d'années déjà.