Quel rapport existe-t-il entre le sabot de la vierge jaune, le croton, la langue de belle-mère, la glycine, la vigne vierge, l'hortensia, le ricin et le magnifique lis de calla? Eh bien, ce sont toutes des plantes...toxiques, du moins à divers degrés.

Pourtant, l'étiquette d'identification ne vous apprendra rien sur leur degré de toxicité. D'autant plus que la grande majorité de ces espèces, notamment les plantes d'intérieur, sont vendues justement sans aucune indication.

J'ai encore à l'esprit ce récent courriel d'un lecteur qui venait d'apprendre avec consternation que son plantureux laurier-rose, acheté l'été dernier, pouvait être mortel si on grignotait ses feuilles. On ne lui avait jamais dit que sa plante pouvait être dangereuse, une mise en garde pourtant bien utile quand on a de jeunes enfants. Toutes les parties du laurier-rose peuvent en effet être mortelles si ingérées. La documentation scientifique nous apprend que dans le passé, des gens sont même morts après avoir mangé de la viande cuite sur des tiges de bois de cette espèce. Mastiquer une seule feuille, par exemple, peut provoquer un empoisonnement, indique par ailleurs le site du Centre canadien d'information sur les plantes toxiques. (On n'a qu'à chercher «plantes toxiques» sur Google pour trouver le site facilement).

L'an dernier, un Québécois d'origine étrangère s'est suicidé en avalant des graines de laurier jaune (Thevetia peruviana), une espèce originaire du Pérou, très voisine de la famille du laurier-rose, indique le directeur du Centre antipoison du Québec, le Dr René Blais. Évidemment, les cas de mortalité sont extrêmement rares, mais dans l'esprit du médecin, pas de doute possible: toutes les plantes toxiques sur le marché devraient être identifiées comme telles.

«Curieusement, le moindre produit de consommation courante qu'on nous met entre les mains porte une étiquette nous indiquant sa composition et sa toxicité. Pourtant, le produit le plus toxique de mon environnement immédiat, ce sont les aconits de mon jardin», dit-il. Même s'il estime que les cas d'empoisonnement par les plantes semblent moins nombreux aujourd'hui que dans le passé parce que le public a accès à de nombreuses sources d'information, le Dr Blais déplore l'insuffisance d'identification. Il souligne par exemple que les asclépiades, toujours considérées comme dangereuses (elles peuvent entraîner la mort), ont causé encore quelques empoisonnements l'an dernier, parce que les gens ont manifestement cuisiné la plante sans prendre des précautions de base.

Comme dans le cas des champignons sauvages (la délicieuse morille consommée crue est toxique, par exemple), mieux vaut s'abstenir de consommer des plantes qu'on ne connaît pas très bien.

Photo Peter Forster, Wikimedia Commons

Les baies du ricin contiennent des graines qui peuvent être fatales si elles sont avalées.

Les dermatites

Il existe des dizaines sinon des centaines d'espèces de plantes toxiques. Bon nombre d'entre elles provoquent différents types d'allergies chez les personnes sensibles, des dermatites plus ou moins importantes. Si la sève d'herbe à la puce n'épargne habituellement personne, une foule d'autres plantes bien connues peuvent aussi provoquer des démangeaisons et d'autres problèmes de la peau. Elles sont donc considérées comme toxiques. C'est le cas notamment des cypripèdes (sabot de la vierge jaune, acaule, royal), des iris, des bulbes de narcisse, du bégonia rex, des crotons, des primevères, des aloès, de plusieurs euphorbes, du lis de calla et même du manguier et de son fruit, la mangue. Évidemment, la réaction varie d'un individu à l'autre, et la plupart n'auront aucun problème à manipuler l'une ou l'autre de ces plantes.

Au Centre antipoison du Québec (www.csssvc.qc.ca), les cas d'empoisonnements les plus souvent rapportés sont attribuables aux plantes d'intérieur comme les philodendrons, les dieffenbachias et les piments décoratifs, précise le Dr Blais. Heureusement, les problèmes sont habituellement sans conséquence parce que la victime, souvent un enfant, rejette immédiatement la feuille ou le fruit ingurgité en raison de la brûlure intense aux muqueuses provoquée par les cristaux d'oxalate, ou encore de capsaïcine, dans le cas des piments. D'ailleurs, de nombreuses espèces doivent justement leur caractère toxique aux cristaux d'oxalate qui pénètrent comme autant d'aiguilles dans la muqueuse de la bouche. Une dose trop importante pourra provoquer un oedème de la glotte pouvant entraîner des difficultés respiratoires très graves, sinon fatales.

S'il est évidemment souhaitable qu'une identification puisse permettre de déterminer le degré de toxicité d'une plante, il ne faut pas s'illusionner. Encore faudrait-il en faire un règlement, et on imagine aisément que cela ne fait pas partie des priorités actuelles des ministères de la Santé. Il n'en reste pas moins que certaines plantes de nos platebandes peuvent être dangereuses si on se met à les grignoter, et qu'une mise en garde écrite sur une étiquette devrait s'imposer. Pour l'instant, ce sont aux amateurs de jardinage, particulièrement à ceux qui ont des enfants, de bien se renseigner. On pourra notamment imprimer le document PDF du Centre antipoison du Québec à ce sujet.

Photo Jan Nevill, archives La Presse

Les feuilles des Hydrangea macrophylla peuvent causer des irritations de la peau.

Photo archives La Presse

Les baies du sceau de Salomon pourraient être mortelles si elles sont avalées par des enfants.

ATTENTION À CES PLANTES!

Voici une liste de plantes pouvant provoquer un empoisonnement grave, parfois fatal. Il s'agit d'espèces souvent répandues dans notre environnement ou notre jardin.

Vigne vierge - Les baies sont parfois mortelles.

Daphné jolibois - Toutes les parties peuvent êtres mortelles.

Fusain européen - Les fruits peuvent rendre gravement malade.

Glycine - Toutes les parties sont très toxiques, particulièrement les graines.

Ricin - Les graines sont mortelles.

Lierre commun - Les graines peuvent entraîner un coma.

Digitale - Les feuilles ajoutées à des tisanes ont déjà causé la mort.

Lobélie - Des extraits de la plante se sont avérés fatals.

Marronnier - Le fruit est toxique.

Datura - Les graines ont déjà causé la mort.

Sceau de Salomon - Les baies pourraient être mortelles pour les enfants.

Photo archives La Presse

Le Dieffenbachia est une des plantes d'intérieur qui provoque le plus grand nombre d'intoxications chez les enfants.