Lors de la rentrée, lundi, à l'école primaire Louis-Colin, dans le quartier Ahuntsic, plusieurs écoliers prendront sans doute quelques minutes pour aller aux framboises ou aux mûres ... à deux pas de la cour de récré. Pas besoin de sortir de l'enclave de l'école. C'est juste à côté du terrain de jeu des «préscolaires».

Il y a de bonnes chances aussi qu'ils puissent encore goûter quelques fraises et des fruits de la ronce odorante. Les plus curieux vérifieront si le thym doré au citron porte bien son nom. Certains retourneront dans leur classe en mâchouillant une feuille de menthe ou de ciboulette. Plus tard, au cours des semaines qui viennent, ils pourront probablement cueillir une pomme ou une poire asiatique, des kiwis rustiques, de grosses noisettes et peut-être de vraies châtaignes dans leurs enveloppes piquantes. Une récolte pour le moins originale.

De concert avec les autorités scolaires, un comité vert composé de parents bénévoles a aménagé il y a cinq ans un jardin potager exceptionnel dans une portion inutilisée du terrain de l'école. Le Jardin de la paix, dont la configuration représente le symbole universellement connu, mesure à peine 15 m sur 15. Un espace entièrement et joliment rempli où on découvre pas moins de 45 espèces et variétés de plantes, d'arbustes et d'arbres qui donnent tous des fleurs, des fruits ou des feuilles comestibles. On s'étonne d'y voir pousser des variétés inusitées, sinon rares dans un jardin conventionnel. Par exemple, on y trouve réunis camerisier, amélanchier, goumi du Japon, olivier d'automne, cassissier, pimbina, asperge, aronie, thé des bois, airelles, asclépiade.

«Les enfants ont mis la main à la pâte en nous aidant à faire quelques plantations, raconte Éric Prince, coordonnateur du comité vert. Mais si le jardin est magnifique, c'est surtout grâce aux parents qui ont, tour à tour, veillé à son entretien, bien que le recrutement de bénévoles, surtout l'été, reste un des défis de ce genre de réalisation. L'école investit chaque année quelques centaines de dollars dans le jardin.» Le comité fournit même un guide d'identification des mauvaises herbes pour les nouveaux jardiniers qui doivent prendre soin des plantes potagères.

Lors de notre rencontre, en juillet, Éric Prince assurait justement l'entretien des lieux avec sa fille Béatrice durant sa «semaine de garde». Une activité récompensée par une belle récolte. «Paradoxalement, ce sont les enfants des parents qui travaillent au jardin durant les vacances scolaires qui profitent le plus de l'endroit, estime le père jardinier. Tout simplement, parce que c'est à ce moment-là que les récoltes sont les plus diversifiées.»

M. Prince rend d'ailleurs hommage à Julie Venne, responsable du choix des végétaux, des espèces qu'il a parfois fallu dénicher en Ontario. Passionnée d'horticulture, cette mère de deux enfants qui fréquentaient alors l'école Louis-Colin, a sélectionné des variétés pour rendre le jardin intéressant une bonne partie de l'année, même durant les mois de froidure de janvier et février avec le pimbina et la haie de thuya. On y trouve notamment trois hybrides de framboisiers, histoire de prolonger la cueillette des fines herbes qui peuvent se déguster durant plusieurs mois, sans oublier plusieurs fleurs comestibles comme les hémérocalles, les monardes, les violettes, les mauves ou les primevères dont la récolte s'échelonne du printemps à l'automne.

Si le jardin est un bel endroit pour jouer à la cachette, l'aménagement n'a évidemment pas pour objectif de nourrir les 450 élèves de l'école, mais plutôt de les sensibiliser à tout ce qui pousse dans la nature. D'ailleurs, en septembre, on y travaillera à faire des nids pour les insectes pollinisateurs et à identifier les papillons qui y sont encore présents à cette période de l'année, dont le fameux monarque.

Jusqu'à maintenant, le jardin n'a jamais été la cible de vandales comme cela se produit parfois ailleurs. Mais comme c'est toujours le cas en horticulture, il faut se plier aux exigences des plantes. Par exemple, les bleuetiers éprouvent de la difficulté parce que le sol n'est pas assez acide, la touffe d'asperges a presque disparu en raison d'une récolte printanière abusive et certaines fines herbes comme l'oseille s'avèrent un peu trop envahissantes. «On apprend le métier, dit M. Prince. Maintenant, notre principal défi est d'amener les professeurs à utiliser davantage le jardin dans leur enseignement. Les possibilités sont nombreuses.» D'autant plus que les parents ont publié un répertoire du jardin illustrant en couleurs toutes les variétés, indiquant leurs caractéristiques botaniques et leur usage, de même que leur position dans l'aménagement. Un petit ouvrage d'une grande qualité, à l'image du Jardin de la paix.