Non! Wayne Gretzky n'est pas réputé pour ses coups de bêche. Mais récemment, le célèbre professeur et vulgarisateur scientifique David Suzuki se servait de son exemple pour illustrer les changements climatiques qui ont un impact jusque dans notre jardin.

Considéré comme le plus grand joueur de l'histoire du hockey, Gretzky a donné ses premiers coups de patins sur les patinoires de Brantford, en Ontario, une ville située entre les lac Ontario, Érié et Huron. Or, indiquait M. Suzuki, on ne peut plus faire de patinoire digne de ce nom à Brantford en hiver. Il y fait trop chaud.

Dans le même ordre d'idées, une lectrice me demandait récemment si elle pouvait faire pousser des iris japonais dans les Laurentides. La plante est rustique en zone 4, lui ai-je répondu. Le hic, c'est qu'elle semblait ignorer la zone de rusticité où elle jardinait. C'est que le climat des Laurentides, au nord de Montréal, est loin d'être uniforme et il fait évidemment plus froid à Mont-Laurier qu'à Sainte-Adèle.

Il faut se rendre à l'évidence: ces dernières années, la notion de zone climatique devient beaucoup plus élastique avec nos printemps hâtifs et nos automnes chauds. La forêt avance de plus en plus vers le nord et les oiseaux migrateurs se pointent le bec beaucoup plus tôt au printemps.

Rappelons que l'année 2010 fut l'année la plus chaude que la planète ait connue depuis que l'on enregistre des données météorologiques, un constat qui s'applique évidemment pour tout le Canada. Chez nous, dans la région de Québec, la température a été de 3,2ºC plus élevée que la moyenne, ce qui est considérable, indique le météorologue André Cantin d'Environnement Canada. La situation est semblable un peu partout sur le territoire québécois. Plus encore, fait valoir M. Cantin, les minima des nuits d'hiver et d'été sont beaucoup plus élevés que dans le passé.

Une carte méconnue

D'ailleurs, la carte de rusticité d'Agriculture et Agroalimentaire Canada a été modifiée en 2000 pour tenir compte des données enregistrées de 1960 à 1990. Comme on peut le voir dans le tableau ci-contre, ces informations souvent méconnues ont de quoi surprendre. Ainsi, la zone la plus chaude du Québec, la 5, s'étend bien au-delà de la région métropolitaine et la zone 4 représente, elle aussi, un territoire considérable. À vrai dire, la plus grande partie de la population du Québec vit dans ces deux zones de rusticité. (On peut examiner la carte en cliquant sur un moteur de recherche: zone de rusticité des plantes au Canada).

Cette carte a été dressée en tenant compte de nombreux autres facteurs dont le couvert de neige au sol, ce qui rend les données plus fiables. Ce n'est toutefois pas le cas de la carte américaine qui, elle, tient compte seulement de la température minimale sur un territoire donné. Et si l'on prend en considération ce seul élément, les cartes du Canada et des États-Unis sont pratiquement identiques.

Par contre, plusieurs autres conditions peuvent influencer la survie d'une plante: couvert de neige plus abondant, situation à l'abri du vent ou près d'une grande nappe d'eau, ensoleillement estival favorisant les réserves d'énergie, etc.

Mais peu importe le réchauffement climatique, la zone de rusticité ou encore la résistance d'une plante, le climat reste imprévisible. L'exemple du grand gel survenu durant plusieurs jours en février 1981 alors que le sol avait perdu sa couverture de neige est frappant. Chez plusieurs espèces l'impact n'a pas été immédiat. Mais trois ans plus tard, les pommiers de la Montérégie, qui en avaient pourtant vu d'autres, sont morts par milliers. Puis ce fut au tour des érables de la Beauce et des Bois-Francs, des arbres réputés pour leur couenne dure. On avait alors évoqué les pluies acides pour expliquer le phénomène. Ce n'était que le résultat d'un seul et court excès climatologique. Peu importe la zone climatique et les plantes qui se retrouvent au jardin, il faut prendre pour acquis qu'elles ne sont pas éternelles.

L'été passé, par exemple, j'ai perdu mon pin blanc transplanté de mes mains il y a 25 ans en raison d'une maladie plutôt étrange. Presque au même moment, un coup de vent a brisé de façon irrémédiable mon bouleau noir qui atteignait autour de 13 m.

La résistance...

En dépit de sa classification, la rusticité d'une plante est beaucoup plus aléatoire qu'on ne le croit.

C'est le cas des centaines de nouveautés mises sur le marché chaque année qui, dans plusieurs cas, n'ont pas été testées dans des conditions de climat rigoureux. Évidemment, l'expérience de votre centre de jardin devrait vous permettre de planter des vivaces, arbres et arbustes bien adaptés à votre situation géographique. Mais chaque printemps, je découvre sur les étals des plantes qui, presque à coup sûr, ne passeront pas le prochain hiver, en dépit de la classification indiquée sur l'étiquette. C'est le cas du magnifique coréopsis «Limerock Ruby» qui est encore vendu comme vivace de zone 4 alors qu'en réalité sous notre climat, il s'agit d'une annuelle, comme l'indiquent certains pépiniéristes avisés.

D'ailleurs plusieurs plantes vivaces à floraison abondante et continue devraient aussi être considérées comme annuelles même si elles peuvent parfois survivre plus d'un an. C'est le cas entre autres de plusieurs gaillardes dont la célèbre «Fanfare» qui se dépense tellement au cours de la belle saison qu'elle n'a plus assez d'énergie pour résister à l'hiver.

Un comportement variable

Professeur et chercheur à l'Université Laval, Jacques-André Rioux et son équipe ont été parmi les grands artisans du Réseau d'essais des plantes ligneuses ornementales du Québec, qui a effectué des tests de culture durant plusieurs années sur 400 plantes. Ces travaux ont donné lieu à la parution de cinq volumes destinés aux professionnels de l'horticulture (disponibles à Agriculture et Agroalimentaire Canada et au Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec,CRAAQ). Chaque plante et certains de leurs hybrides y sont classés en fonction de leur comportement réel sous certaines conditions climatiques.

Ces essais ont permis de démontrer que de nombreuses plantes répondent plus ou moins à leur classification officielle, celle des hybrideurs et des grandes maisons de mise en en marché, souvent américaines ou multinationales. Et certaines se sont avérées beaucoup plus résistantes qu'on ne l'aurait cru. «Évidemment, même si une plante est classée comme vivace en zone froide, par exemple, cela ne signifie pas pour autant qu'elle s'y développera à merveille. Les conditions de croissance optimales se rencontreront peut-être dans une zone plus chaude», fait valoir le chercheur.

Parfois c'est l'inverse. Les primevères, par exemple, se plaisent beaucoup plus en zone fraîche comme la région de Québec ou de Rimouski qu'à Montréal où les étés sont beaucoup plus chauds et les hivers sujets à plusieurs redoux. Rustiques en zone 5, les magnolias de Soulanges et les glycines restent très sensibles au froid hivernal et aux gels tardifs printaniers, ce qui fait avorter la floraison.

Il va sans dire que la qualité du sol, le drainage, l'ombre, l'humidité ambiante ou l'aération du feuillage font qu'une plante réagit différemment selon l'endroit où elle pousse sur votre terrain. Voilà un des aspects du comportement des végétaux qui rend le jardinage si fascinant.

Arbres à noix sur demande

Les arbres à noix semblent de plus en plus populaires au Québec, résultat de la création en 2008 du Club des producteurs de noix comestibles du Québec. Or, l'organisation vous invite à participer à ses achats en groupe en remplissant le formulaire de commande présenté sur son site internet (www.noixduquebec.org). Vous avez jusqu'au 15 mars pour faire votre choix. Ce sont de petits plants qui mettront un certain nombre d'années avant de produire. Si vous désirez vous renseigner davantage sur les espèces qui conviendraient le mieux à votre terrain, et elles peuvent être nombreuses, je vous conseille de visiter le site de la Pépinière la Feuillée (www.lafeuillee.com) où on trouve une foule d'informations pertinentes. On peut aussi y trouver des spécimens de gros calibre. Pour sa part, l'entreprise Les amandes du Québec (www.amandesduquebec.com) de Joly de Lotbinière vend des noix écalées du Québec et de l'Ontario.

Zone 1: -45 degrés Celsius

Zone 2: -45 à -40 degrés Celsius

Régions montagneuses (Charlevoix, Gaspésie) et nordiques (Fermont, Schefferville, Kuujjuak); l'intérieur des terres de la Côte-Nord et de la Basse Côte -Nord.

Zone 3: -45 à -40 degrés Celsius

Nord-Ouest de Sainte-Adèle, Sainte-Agathe, Maniwaki, Mont-Laurier et le nord de Mont-Laurier jusqu'en Abitibi; nord de Grand-Mère, La Tuque; Saguenay-Lac-Saint-Jean, sauf certaines petites bandes riveraines le long du Saguenay plus chaudes; la plus grande partie de la Côte-Nord sauf certaines zones riveraines plus douces; la Gaspésie à l'exception de certaines zones riveraines.

Zone 4: -35 à -29 degrés Celsius

Au nord du Saint-Laurent: Buckingham, Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, Joliette, Trois-Rivières, Shawinigan, Berthierville, Québec, Beaupré.

Au sud du Saint-Laurent: Coaticook, Sherbrooke, Richmond, East Angus, Sorel Nicolet, Acton Vale, Drummondville; Victoriaville jusqu'à Montmagny; la plus grande partie de la Beauce à partir de Sainte-Marie; la région immédiate de Montmagny; les terres riveraines du Saint-Laurent jusqu'à Forestville, sur la Côte- Nord, et jusqu'à Mont-Joli sur la Côte Sud.

Zone 5: -29 à -23 degrés Celsius

Région métropolitaine, la plus grande partie de la Rive-Sud, le sud ouest de Montréal jusqu'à la frontière en passant par Valleyfield; le sud de Saint-Jérôme et de Saint-Lin-Laurentides; le sud de Joliette. La rive nord du Saint-Laurent à partir de Montréal vers l'ouest jusqu'à la frontière.

Zone 6: -23 à -18 degrés Celsius

Kingston, Toronto.

Source: Illustration adaptée de la carte des Zones de rusticité des plantes au Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada.