Après avoir patienté des semaines pour voir leurs feuilles au printemps, les hibiscus vivaces redoublent de générosité à ce temps-ci pour le plus grand bonheur du jardinier. Malgré leur fragilité apparente, ils fleurissent abondamment année après année.

En dépit de son appellation scientifique, Hibiscus syriacus est originaire d'Asie, plus particulièrement de la Chine et de l'Inde. En français, on y perd un peu son latin car il répond à des noms aussi variés que ketmie des jardins, hibiscus de Syrie, althea hibiscus arbustif ou encore mauve en arbre, ce qui nous rappelle que la plante fait partie de la famille des malvacées.

Dans la grande région métropolitaine (zone 5), il commence sa floraison en juillet, parfois au début d'août mais il reste habituellement en fleurs jusqu'aux premiers gels, même s'il montre quelques signes d'essoufflement bien justifiés en fin de saison. Ses fleurs ne s'épanouissent normalement qu'une journée à peine mais elles sont souvent très nombreuses. Je me souviens d'une lectrice qui en avait compté précisément 1423 dans son plant au cours de l'été.

Difficile de ne pas succomber devant un hibiscus de Syrie en fleurs. D'abord en raison de ses vifs coloris, notamment des bleus sublimes, des mauves, des violets, des blancs et divers tons de rose ou de rouge, la plupart du temps avec un coeur de couleur foncé, très contrastant. De 6 à 7 cm de diamètre, les fleurs possèdent cinq pétales chez les variétés simples mais plusieurs ont aussi des fleurs doubles. Les cultivars sont très nombreux et plusieurs dizaines sont offerts sur le marché québécois.

Autre avantage de la ketmie des jardins: elle se contente d'un sol ordinaire et même lourd (argileux) dans la mesure où le drainage est adéquat. Elle préfère une position ensoleillée mais fleurira aussi dans un endroit légèrement ombragé, toutefois moins abondamment. L'arbuste aux feuilles petites, plus ou moins palmées, atteint officiellement autour de 1,5 m. Mais comme c'est le cas d'une foule de plantes vendues en pépinière, les mesures indiquées sur les étiquettes et la réalité sont souvent bien différentes. Si votre plant résiste à l'hiver, il peut atteindre une taille beaucoup plus grande. Dans mon jardin, ils se dirigent allègrement vers 2 m de hauteur. Miraculeux hibiscus!

L'hibiscus de Jean-Pierre

La situation est encore plus évidente chez Jean-Pierre Privée, un amateur de jardinage de l'arrondissement de Verdun, à Montréal. Son plant aux fleurs blanches dotées d'un coeur rouge, vraisemblablement un «Red Heart», a été planté en 1992. Il atteint aujourd'hui un bon... 4 m, une taille qu'il maintient depuis plusieurs années d'ailleurs. Tout au plus le jardinier doit-il élaguer quelques branches latérales pour que l'arbuste ne prenne pas trop de place sur son terrain.

Installé en plein soleil dans un endroit protégé des grands vents d'hiver, il fleurit abondamment de la fin juin jusqu'au gel. «L'hiver je le couvre de neige afin de lui assurer une bonne isolation, dit-il. Le plant a déjà perdu quelques branches en raison du gel certains hivers, mais cela n'a pas vraiment retardé sa croissance ou nui à la floraison.»

L'hibiscus de Syrie est souvent considéré comme une plante fragile qui résiste à peine aux hivers de la zone 5. Au point que certains conseillent d'éviter d'en planter au jardin. Or il n'en est rien, du moins si je me fie à mon expérience.

Au cours des années, j'ai planté de nombreux hibiscus dans une grande platebande balayée par les vents d'ouest. Ils n'ont jamais été protégés par un paillis ou une couverture hivernale. Pourtant, ces arbustes ont toujours survécu. Par contre, des branches ont gelé à certaines occasions, parfois jusqu'au sol, mais la reprise a toujours été vigoureuse et ils ont refleuri chaque fois.

Le seul hic avec les ketmies des jardins (comme avec les Hibiscus moscheutos d'ailleurs), c'est qu'ils mettent un temps fou à bourgeonner au printemps. Il faut souvent attendre juin pour voir apparaître les premiers bourgeons sur les branches si bien que la plante semble morte.

J'ai encore souvenir de cet hibiscus déterré vers la mi-juin parce qu'il semblait mort. J'ai alors constaté, trop tard il va sans dire, que ses branches avaient effectivement commencé à germer. Plein de remords, je l'ai replanté immédiatement. S'il a donné quelques fleurs au cours de l'été, le choc post-opératoire a été si violent qu'il n'a pas résisté à l'hiver suivant. Cela m'a au moins appris à devenir plus patient avec les plantes.

Plante prolifique

Si on lui en laisse l'occasion, Hibiscus syriacus sera prolifique. Jean-Pierre Privée raconte qu'il doit éliminer des centaines de bébés chaque année de son terrain, des plantules qu'il trouve parfois jusqu'à 10 m du plant. Certains spécimens qui ont été épargnés ont même donné des fleurs au bout de quelques années.

Une fois qu'elles ont subi le froid hivernal, les graines de cette espèce germent assez facilement.

Horticultrice à la pépinière Jardin 2000, à Sainte-Julie, sur la Rive-Sud, Hélène Delaney a réalisé pour sa part plusieurs semis de ketmies des jardins il y a quatre ans. Au printemps, elle avait trouvé des capsules de graines aux pieds des plants. Il s'agissait de semences d'une variété de couleur bleue, dit-elle, probablement «Blue Bird» ou «Blue Satin». Surprise, non seulement les graines ont-elles germé, mais trois ans plus tard, les plants donnaient leurs premières fleurs, toutes couvertes de pétales rose plus ou moins foncé et dotées d'un coeur rouge, comme on peut le voir sur la photo ci-dessus. Aucune fleur bleue. Ce phénomène est normal quand on utilise les graines d'un cultivar d'autant plus que dans son milieu d'origine, Hibiscus syriacus produit des fleurs roses.

Quatre ans plus tard, ses hibiscus atteignent environ 45 cm et sont vendus moins cher que les plants répondant à une appellation contrôlée. Vous pouvez même leur donner votre nom si le coeur vous en dit.

Une famille populaire

La famille des hibiscus est très vaste et compte plusieurs plantes que l'on utilise abondamment dans nos jardins et à la maison.

Hibiscus rosa-sinesis, parfois appelé rose de Chine, est probablement le plus populaire de tous. C'est notre hibiscus d'intérieur aux formes et aux coloris si diversifiés, notamment chez les variétés aux fleurs géantes développées au cours des récentes années.

D'origine nord-américaine, Hibiscus moscheutos, ou ketmie des marais est une espèce vivace chez nous, du moins en zone 5. Ses fleurs s'épanouissent en août jusqu'à la mi-septembre. Gigantesques, elles peuvent atteindre presque 30 cm de diamètre et leur coloris sont tout aussi spectaculaires. Le plant peut s'élever à 2 m et même plus.

Hibiscus trionum est une espèce annuelle qui ne dépasse guère les 75 cm mais qui donne de nombreuses fleurs jaunes au coeur noirâtre. Petites et fort nombreuses, elles s'épanouissent durant une grande partie de l'été. On peut trouver des graines par catalogue.

Hibiscus acetosellla nous vient d'Afrique. Annuel, il est cultivé pour ses magnifiques feuilles qui rappellent celles de l'érable ou du cannabis, de couleur pourpre, souvent très foncé. Il arrive parfois qu'il produise de petites fleurs rouges. Le cultivar «Coppertone» est offert de temps à autre mais le splendide et prolifique «Height Asbury» vendu il y a trois ou quatre ans semble malheureusement être disparu du marché.

Photo: Pierre Gingras, La Presse

Hibiscus syriacus «Aphrodite».