Ces plantes d'intérieur ont la couenne dure, si dure en réalité qu'on vous dira souvent qu'elles ne sont pas tuables. C'est pourquoi d'ailleurs le nom populaire de «misère» leur convient à merveille. Manque d'eau et de lumière, arrosage excessif, autant de petites misères qui affectent rarement leur survie, en autant évidemment que la misère ne devienne pas un martyr qui se prolonge indûment.

Les misères sont cultivées pour leur feuillage coloré et leur floraison qui se prolonge durant un bon trois mois, habituellement de janvier à avril. Elles conviennent particulièrement bien aux jardinières en raison de leurs tiges plutôt rampantes et de leur croissance abondante. Ce caractère volubile étonne peu quand on sait que ces plantes sont, sauf dans un cas, des trandescantias. L'exception en question est une cousine, Setcreasea pupuera, la misère pourpre, très populaire chez les plantes d'intérieur.

 

Les amateurs de jardinage connaissent surtout les tradescantias sous leur appellation scientifique parce qu'une foule de cultivars rustiques sont des vivaces très utilisées dans nos jardins. Ils répondent aussi au nom d'éphémères ou d'éphémérines car leurs fleurs ne s'épanouissent pas longtemps, rarement plus d'une journée. Mais leur abondance est considérable si bien que dans la platebande elles fleurissent souvent sur une grande partie de l'été.

Le problème avec les tradescantias du jardin, c'est qu'ils sont très envahissants, un trait de personnalité qui met parfois un certains temps à se manifester. Une particularité qui devient un atout à l'intérieur.

Horticulteur à la pépinière le Cactus fleuri, à Sainte-Madeleine, sur la Rive-Sud, une maison où on produit une dizaine d'espèces et de variété de misères (www.cactusfleuri.com), Benoît Champagne explique qu'il faudra parfois tailler la plante pour modérer ses transports, une opération qui devrait se faire à la fin février ou en mars, quand la croissance reprend de plus belle en raison des jours qui allongent. Les tiges coupées se bouturent très facilement. Elles sont d'ailleurs fragiles, une caractéristique dont il faut tenir compte quand on l'installe dans une pièce. Un plant peut vivre des années mais si on veut le rajeunir pour lui donner une nouvelle vigueur, il vaut mieux séparer le bouquet et la masse de racines en trois ou en quatre pour en faire autant de nouveaux plants.

 

Photo: Ivanih Demers, La Presse

Tradescantia Blushing Bride

Des années de longévité

Résistants, les tradescantias, disions-nous. L'horticulteur explique qu'ils survivent sans peine à une température de 10 et même de 5°C, comme il l'a expérimenté à quelques reprises. La plante poussera aussi sans problème en atmosphère sèche et pourra résister un bon moment à l'absence d'eau car ses tiges sont gorgées d'eau. Et même si elle a triste allure après un régime sec un peu trop long, un bon coup d'eau devrait lui permettre de retrouver la forme rapidement.

Les misères seront particulièrement heureuses de vivre à la température normale d'un appartement et exposées à une lumière vive, mais elles fleuriront néanmoins dans un endroit plutôt ombragé. Évidemment, il est préférable de laisser sécher le terreau entre les arrosages et se rappeler que malgré sa grande résistance aux conditions difficiles ce n'est pas une plante aquatique. Prolifiques, les tradescantias auront besoin d'être fertilisés aux deux semaines en période de croissance, de préférence avec un engrais balancé.

Il existe une soixantaine d'espèces de tradescantia, toutes originaires des Amériques. Celles destinées à la culture intérieure sous nos climats ont produit des dizaines de variétés et leur nom est sujet à beaucoup de confusion. Les rejetons de Tradescantia sillamontana, notamment, ont un feuillage duveteux, agréable au toucher. Les variétés panachées, peu importe les couleurs, doivent faire l'objet d'une certaine surveillance, les tiges vertes doivent être automatiquement éliminées, sinon, elles seront bientôt dominantes.

Rappelons enfin que les trandescantias portent leur nom en l'honneur de John Tradescant, père et fils, horticulteurs anglais qui ont tous deux travaillé pour le roi Charles dans les années 1600. Le père aurait notamment identifié pour la première fois Tradescandia virginiana (la plante qui lui avait été apportée de Virginie) alors que le fils a introduit plusieurs nouvelles espèces en Angleterre comme le magnolia, le tulipier, la sarracénie et certains asters.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Tradescantia Tricolore

Méfiez-vous des commelines

Les tradescantias font partie de la grande familles des commelinas, ou commelines, comme on les appelle en France, et tous deux sont très prolifiques.

Les commelines produisent une infinité de petites fleurs d'un bleu extraordinaire, aux étamines jaunes. Certaines se vendent en graines alors que d'autres, comme Commelina tuberosa, sont souvent offertes sous forme de petits bulbes au printemps en pépinière. Méfiez-vous.

Même si la plante n'est pas considérée comme vivace, il n'est pas impossible que ses racines résistent à l'hiver. Chose certaine, elle se multiplie par ses graines à un rythme infernal. J'en avais planté en 2001 et au cours des années suivantes, elle a envahi plusieurs platebandes.

Depuis, j'élimine systématiquement les plants qui font leur apparition. Mais, manifestement, en dépit de ma surveillance, l'un d'entre eux finit toujours par fleurir en cachette et à produire des graines. Si bien que je n'ai jamais réussi à m'en défaire totalement. Mais ce bleu est divin...

Photo: Jean-Pol Grandmont, Wikimedia commons

Les fleurs de Commelina tuberosa sont d'un bleu divin. Malheureusement, la plante est extrêmement envahissante.