De toutes les plantes tropicales qui offrent une belle floraison (exception faite des orchidées), les bromélias sont les plus populaires et parmi eux, les aechméas viennent en tête de liste. On en compte plusieurs espèces et cultivars dont Aechmea Fasciata, le plus répandu. Leurs grosses feuilles charnues, souvent panachées de jaune ou colorées, et leur floraison spectaculaire ne laissent personne indifférent.

Malheureusement, ils peuvent décevoir non parce qu'ils ont mauvais caractère ou qu'ils sont difficiles à cultiver, mais bien parce qu'on ignore leur comportement. Comme c'est souvent le cas, on achète un aechméa à la suite d'un coup de foudre. Or, la vie de couple devient rapidement difficile, du moins pour la plante avec laquelle on n'a pas pris le temps de faire connaissance avant de vivre sous le même toit.

 

Lors de l'achat, la plante est habituellement en fleurs et le spectacle s'étale sur deux à quatre mois. Puis, la hampe florale et son importante et très compacte inflorescence (du moins chez A. fasciata) restent jolies durant des semaines, sinon des mois, s'affaissant progressivement. La fin est cependant inéluctable. La plante mère, si volumineuse soit-elle, meurt.

Responsable de la serre des bromélias au Jardin botanique de Montréal, l'horticulteur François Marquis explique que c'est à ce moment que les amateurs font la plus grave erreur. Quand la plante mère passe de vie à trépas, elle a déjà produit quelques «bébés», des drageons qui fleuriront éventuellement dans une douzaine de mois. Le hic, c'est qu'il faut conserver uniquement un seul ou deux de ces rejetons, sans quoi leur prolifération entraînera leur disparition car ils seront trop tassés. Une fois la plante mère morte, on coupe le plant en évitant de sectionner le rhizome principal. Les amateurs expérimentés pourront tenter de transplanter les drageons dans d'autres pots quand ils auront atteint une taille raisonnable, ce qui prend quelques mois.

Les aechméas sont dotés de feuilles larges, souvent colorées ou marbrées de gris par des trichomes (voir autre texte) et atteignent une longueur de 30 à 60 cm selon l'espèce ou le cultivar. Leur bordure est parsemée de nombreuses aspérités, semblables à des dents minuscules, ce qui rend parfois leur manutention délicate.

Comme les autres bromélias domestiques, les aechméas apprécient une lumière vive, sans soleil direct. On les cultive dans un terreau à orchidée mais on peut aussi les installer dans un milieu de mousse de sphaigne comme c'est le cas au Jardin botanique. Ils évoluent dans une température ambiante de 18C et plus mais peuvent résister sans peine à des températures occasionnellement plus basses de 10 à 12C. Il faut laisser le terreau sécher légèrement entre les arrosages (l'excès d'eau est la principale cause de mortalité). François Marquis n'utilise jamais d'engrais contrairement à plusieurs experts qui préconisent la vaporisation d'une fertilisation foliaire de temps à autre. L'été, il est préférable d'installer les plants à l'extérieur, à l'ombre.

Un dernier mot: si la plante tarde à fleurir, on peut l'envelopper d'un sac de plastique où l'on déposera une pomme durant quelques jours. L'acétylène dégagé par le fruit en décomposition devrait en principe déclencher le processus de floraison comme l'indique une foule de document mais je n'ai trouvé aucune preuve scientifique le démontrant.

Les guzmanias

Les guzmanias diffèrent des aechméas par leur ampleur plus considérable et leur hampe florale plus haute, dressée, vivement colorée, elle aussi, mais plus ouverte, comme un bouquet. Leurs feuilles peuvent atteindre facilement 60 cm. Elles sont souvent colorées et leur bordure lisse.

Ils fleurissent durant quatre à six semaines et ont les mêmes exigences culturales que les aechméas. On ne conserve donc qu'un ou deux drageons quand le plant mère disparaît.

Les néorégélias

Souvent originaires des forêts humides du Brésil, les néorégélias forment un groupe de broméliacées encore moins connus que les deux précédents même s'ils sont vendus parfois dans les grandes surfaces et chez les fleuristes.

La rosette est compacte et atteint rarement plus de 20 à 30 cm. Le centre devient vivement coloré lors de la floraison et l'inflorescence est... sous l'eau. Les fleurs multiples, bleuâtres, petites sinon minuscules, fleurissent à tour de rôle et émergent à peine de la surface de l'eau du réceptacle central. D'ailleurs, François Marquis indique que le centre de la rosette doit absolument baigner dans l'eau en tout temps, mais on doit laisser sécher le terreau entre les arrosages.

La floraison dure un bon mois puis au cours des semaines suivantes, la plante dégénère lentement. Des drageons font alors leur apparition. Il suffit de les détacher et d'en planter quelques-uns dans le même milieu de culture pour obtenir une floraison l'année suivante.

Néorégélia carolinae tricolor est l'espèce la plus populaire du groupe en raison de ses feuilles panachées de jaune, des feuilles larges bordées de petites dents qui peuvent atteindre 30 cm. Comme ses cousines, la plante exige de la chaleur, soit 18C et plus, un éclairage vif mais sans soleil direct. L'été, elle se plaît au jardin à l'ombre. On la vaporise de temps à autre par grandes chaleurs.

TABLEAU D'HONNEUR

Bromélia

En l'honneur d'Olof Bromel, botaniste suédois de la fin du 17e siècle.

Aechméa

D'un terme grec signifiant une pointe, une allusion à l'extrémité rigide et pointue des bractées de la plante.

Néorégélia

Pour souligner l'oeuvre d'Eduard Albert von Releg, botaniste russe d'origine allemande qui a été au 19e siècle directeur du Jardin botanique impérial de Saint-Pétersbourg.

Guzmania

Du naturaliste espagnol Anastasio Guzman.

DUVET DE BROMÉLIAS

Originaires du Nouveau Monde à une seule exception près, les bromélias regroupent autour de 3000 espèces de plantes dont la plupart sont épiphytes, c'est-à-dire qu'elles poussent habituellement sur une autre plante qui leur sert de support. Tous ont une forme plus ou moins élaborée d'une rosette de feuilles très coriaces, souvent bordées de fines aspérités, d'où émerge une hampe centrale, formée de bractées très colorées et de fleurs aux vifs coloris, ce qui explique qu'elles sont très utilisées comme plantes décoratives. Elles vivent dans divers milieux parfois semi-désertiques comme les tillandsias dont je vous parlais récemment, en montagne ou dans la forêt pluviale.

La broméliacée la plus connue est l'ananas «découvert» par Christophe Colomb mais déjà cultivée à l'époque par les indiens Caribes des Antilles. Il s'agit d'un des rares bromélias terrestres. Mais le plus spectaculaire et le plus imposant est Puya raimondii, ci-contre, qui pousse à grandes altitudes dans les Andes péruviennes et boliviennes et qui peut vivre plus de 80 ans. Si la rosette atteint autour de 1 m de hauteur, la hampe florale est souvent considérée comme la plus importante dans le monde végétal. Elle émerge une fois dans la vie de la plante, atteint une dizaine de mètres et produit des milliers de fleurs et des millions de graines. Après la floraison, la plante meurt.

Autre caractéristique des broméliacées: elles sont recouvertes de trichomes, ces taches si nombreuses parfois qu'elles donnent à la plante une allure grisâtre, souvent très décorative comme dans le cas notamment des Aechmea fasciata et de leurs cultivars. Ils peuvent d'ailleurs s'enlever sous la pression des doigts.

De structure microscopique, les trichomes sont présents chez une foule de plantes mais souvent très peu visibles. Parfois, ils donnent un aspect duveteux aux feuilles ou aux tiges et jouent un rôle important contre les prédateurs herbivores chez de nombreuses espèces. Chez les bromélias, ils sont associés à l'absorption de l'eau et au contrôle de l'évaporation chez les feuilles.