Dans Feuille de gui, une des premières chansons de Jean-Pierre Ferland, la plante symbolise la paix. Chez Panoramix, le célèbre druide du village d'Astérix, elle entre dans la composition de la fameuse potion magique. Dans plusieurs pays du monde, on s'embrasse à Noël ou au Nouvel An sous une branche de gui. La tradition veut d'ailleurs que les amoureux qui ont échangé ce doux baiser se marient au cours de l'année suivante. Selon une légende, si les femmes de deux belligérants se rencontrent sous une feuille de gui, ce sera le début d'une trêve, ce qui ne s'est manifestement pas produit souvent au cours des siècles.

Étrange paradoxe. Synonyme à travers les âges de bonne fortune, de longévité, d'amour, parfois même considéré comme talisman contre le feu ou les sorcières, le gui n'est pourtant qu'un vampire assoiffé qui vit aux dépens des arbres qu'il parasite.Même si on reconnaît aujourd'hui son rôle écologique auprès de certaines espèces d'oiseaux, il est souvent considéré comme un fléau, notamment de la part de pomiculteurs en Europe ou encore des forestiers américains et canadiens. Il existe même une espèce de gui au Québec, heureusement rare chez nous, qui est une plaie dans de nombreux peuplements de conifères dans l'ouest du Canada et aux États-Unis.

Étrangement, une autre espèce, le gui américain, le plus répandu au sud de la frontière, du New Jersey à la Floride en passant par le Texas, est même devenue l'emblème floral de l'Oklahoma. C'est celui qui est d'ailleurs utilisé comme décoration du temps des Fêtes aux États-Unis. Il est surtout cueilli dans le Texas et l'Oklahoma.

Vivre aux dépens des autres

Il existe des centaines d'espèces de gui dans le monde, de 200 à 900 selon les auteurs, toutes parasites à divers degrés. Certaines ont un hôte exclusif, les pins par exemple, alors que d'autres, comme Viscum album, le gui blanc d'Europe, assiège plusieurs rosacées (pommiers, poiriers, cerisiers aubépines) et de nombreuses autres espèces de feuillus. Le gui américain se spécialise dans les conifères comme le sapin, le genévrier et les cyprès.

Lorsque les graines de gui germent, elles produisent une sorte de ventouse qui s'insère dans l'écorce de l'hôte afin d'intercepter la sève. Ces ventouses se multiplient avec le temps. Par contre, comme la plante dispose d'un feuillage relativement abondant, elle peut aussi produire une partie de son énergie par photosynthèse. Habituellement, le point d'attache provoque un renflement de l'écorce et la partie supérieure de la branche peut se dégrader plus ou moins rapidement et même mourir. Le gui conserve ses feuilles en hiver, même si son hôte est entièrement dénudé, ce qui lui a jadis conféré en Europe une réputation de grande longévité.

Considéré comme un arbrisseau dont les tiges ne dépassent guère les 60 à 80 cm de longueur, du moins les espèces à grand déploiement comme Viscum album, le gui s'installe dans les branches des arbres où il forme à la longue de grosses touffes, semblables à des balais de sorcière. Toutes sont dioïque (mâles ou femelles) et les plants femelles produisent des fleurs blanches ou jaunâtres, habituellement minuscules, qui se transforment par la suite en baies blanches ou jaunes extrêmement visqueuses, ce qui leur permet d'adhérer aux feuilles et de s'implanter sur un nouvel hôte. Ces baies servaient parfois à faire une colle qui, appliquée sur une branche, permettait de capturer facilement les oiseaux englués.

La dispersion de plusieurs espèces de guis est d'ailleurs assurée par des oiseaux qui mangent les baies mais rejettent les graines dans leurs déjections. En Europe, c'est la grive draine qui fait le travail (elle répond d'ailleurs au nom de grive du gui en anglais), alors que dans le Sud-Ouest américain, c'est un petit oiseau noir, le phenoplèple luisant, qui jette son dévolu sur ses fruits.