Il m'arrive encore de rêver à Jeannot qui, au petit matin, découvre un arbre géant devant sa maison après avoir planté une fève la veille. Il décide alors d'escalader le monstre végétal pour découvrir ce qu'il y a tout en haut. Eh bien! mon rêve s'est presque réalisé même si je n'ai pas trouvé la poule eux oeufs d'or.

Je vous ai déjà parlé du Paulownia tomentosa, un arbre d'origine asiatique cultivé maintenant un peu partout dans le monde, notamment aux États-Unis, en raison de sa croissance fulgurante. En une dizaine d'années, il peut atteindre de 12 à 15 m et à l'âge de 30 ans, la base du tronc peut mesurer 1 m de diamètre. Un phénomène.

 

L'été dernier, le paulownia de mon ami Ricardo Larrivée, à Chambly, a atteint la hauteur exceptionnelle de 568 cm (18 pieds et 6 pouces), selon la dernière mesure prise le 20 octobre, une fois les feuilles tombées à la suite du gel. Incroyable! Une croissance de l'ordre de 4 cm par jour. Presque six mètres en un été! Je ne connais pas d'autres plantes, indigènes ou non, qui poussent aussi vite chez nous. Les graines de paulownia sont offertes dans plusieurs catalogues, mais on peut aussi trouver des plants chez certains pépiniéristes.

L'arbre est rustique au Québec, du moins en zone 5; en raison du gel, il se comporte plutôt comme un arbuste aux tiges tendres. Les branches ne survivent habituellement pas à l'hiver et chaque année, la plante forme plutôt un bosquet dont certaines tiges peuvent atteindre la taille étonnante de 3 à 4 m, en plus de donner des feuilles gigantesques, comme cela s'est produit chez moi à quelques reprises

Plusieurs plantes poussent beaucoup plus rapidement que d'autres. Par exemple, les graminées, comme les miscanthus, peuvent atteindre près de 3 m en un été ou encore leurs cousins, les phragmites, s'étendent le long des routes en exhibant leur plumeaux à 3,5 et même 4 m de hauteur. Mais dans le cas du paulownia, c'est presque le mot «altitude» qu'il faudrait utiliser à la place du terme hauteur. Si seulement, je pouvais l'escalader...

Un agave pressé

Une autre plante inusitée s'est lancée aussi récemment dans une course aux records, cette fois au Jardin botanique de Montréal. Il s'agit du chanvre de Maurice, une espèce d'agave qui avait été prélevée en nature en 1986 et que l'on peut voir actuellement dans la serre des cactus.

Les agaves ont habituellement une croissance très lente et ne fleurissent qu'une seule fois dans leur vie, comme on peut d'ailleurs le constater chez nos yuccas vivaces, des membres de la même famille. Ce sont les drageons apparus à la base de la plante mourante qui assureront la relève ou encore, comme chez le chanvre de Maurice, les innombrables bulbilles produites par les fleurs. Dès qu'ils tombent sur le sol, ces bulbilles peuvent former une nouvelle plante.

Voilà donc qu'à la mi-septembre, peut-être pour souligner son 25e anniversaire, notre chanvre de Maurice s'est mis à fleurir. La hampe florale a grandi, grandi, grandi. Au point qu'il a fallu ouvrir un carreau de la toiture de la serre pour qu'elle puise poursuivre sa croissance. Elle a atteint 10,6 m (34 pieds et 7 pouces) en 50 jours, une moyenne de 20 cm par jour (Cyberpresse.ca vous en présente une excellente vidéo).

En fin de semaine dernière, on pouvait voir les nombreux bourgeons floraux de la plante qui devraient s'ouvrir incessamment. Ces fleurs émettent une odeur forte mais qui ne serait pas nécessairement désagréable, du moins si je me fie à l'abondante documentation consultée à ce sujet. Le chanvre de Maurice répond au nom Furcraea foetida, en raison semble-t-il, de l'odeur fétide dégagée par la sève lorsqu'on brise une feuille. Utilisé comme plante décorative un peu partout où le climat le permet (certaines variétés sont panachées), cet agave est néanmoins considéré comme une plante très envahissante dans une foule de pays. À une époque, on faisait des cordages avec le tissu des feuilles, notamment à l'île Maurice.

Grandir de 1 m... par jour!

Parlant de record de croissance, quelle est donc la plante qui pousse le plus rapidement?

Ce sont les bambous qui battent tous les records dans ce domaine. Chez plusieurs espèces, la plante peut grandir d'un mètre en... 24h. À Kyoto, dans les années 50, un bambou géant a déjà grandi de 120,9 cm au cours de la même période. Dans la Bambouseraie de Prafrance, près de Nîmes, en France, on a déjà enregistré une croissance de 1,08 m en une journée. La Bambouseraie, qui est classée «Jardin remarquable» par l'État français a aussi compilé un autre record chez l'espèce Phyllostachys edulis: 20 m en 8 semaines soit environ 37 cm par jour.

Si rapide soit-elle, la croissance des bambous n'est pas infinie et cesse dès que la taille maximale propre à chaque espèce est atteinte. D'autre part, le diamètre de la tige ne prend pas d'ampleur lorsque la plante émerge du sol.

Signalons que certaines espèces de bambous sont rustiques au Québec, du moins en zone 5, mais ils ne dépassent guère les 3 ou 4 m au cours de l'été, ce qui n'est pas si mal. Les tiges meurent durant l'hiver. Les bambous sont souvent très envahissants, l'exception des espèces de petite taille comme les pleioblastus, fort jolis mais très difficiles à trouver.

Chez les arbres, par ailleurs, le record de croissance est détenu par l'albizia des Moluques, une espèce de la grande famille des légumineuses et proches des mimosas, qui a déjà grandi de 10,74 m en 13 mois et d'un spécimen ayant culminé à 30 m en 5 ans et 4 mois.

Au Québec, c'est au peuplier deltoïde que revient la palme pour la vitesse de croissance. Il peut allonger de 2,5 m par année, indique Michel Labrecque, conservateur du Jardin botanique de Montréal. L'érable argenté grandit aussi très rapidement. Toutefois, le chercheur indique que plusieurs hybrides poussent beaucoup plus rapidement, notamment des mélèzes mais surtout des saules.

D'ailleurs, plusieurs recherches sont en cours actuellement chez les saules hybrides pour la production de biomasse à des fins énergétiques. Certains variétés grandissent de 6 m en trois ans. On les coupe pour favoriser à nouveau une croissance rapide, qui est parfois de 10 à 15 cm par jour.

Chez les conifères indigènes, c'est le mélèze laricin qui se démarque. Il atteindra sa pleine maturité en une vingtaine d'années et sa hauteur variera alors de 15 à 22 m , soit une rythme trois fois plus rapide que le sapin baumier et l'épinette blanche, qui poussent dans la même zone climatique.

LE TOUR DU JARDIN

Envahissantes violettes

J'ai réalisé depuis peu que les jours doux de la fin d'octobre et de novembre sont une période idéale pour éliminer les violettes des platebandes. «Hérésie!» direz-vous. Oh non! Si jolies soient-elles, les violettes sont des plantes extrêmement envahissantes qui se multiplient à vue d'oeil. À ce temps-ci, il est facile d'enlever les plants en raison du sol humide. D'ailleurs, vous découvrirez que les plants ont déjà formé leurs capsules de fruits qui ont commencé à émerger de terre. Quand elles sont à maturité, les graines sont expulsées jusqu'à une distance d'un mètre. Sur la photo ci-contre, de nombreuses capsules sont sur le point de procéder à l'ensemencement de leur milieu, ce qui signifie que ce seul spécimen donnera des centaines de rejetons au printemps prochain. On distingue à droite une capsule ouverte qui a déjà fait son travail.

Arbres en fruit

Si le spectacle offert par l'agave de Maurice est une bonne raison pour visiter le Jardin botanique, il faut absolument profiter de l'occasion pour s'attarder à la nouvelle serre des plantes tropicales alimentaires. Lors de mon récent passage, on y comptait une quinzaine d'espèces en fruits, dont la noix de macadam, le café, l'ananas, plusieurs citrus, la banane, la sapotille, la carambole et la papaye, pour ne nommer que celles-là. Mais la plus spectaculaire reste le fruit du jacquier, un des plus gros fruits au monde (il doit peser trois ou quatre kilos) avec les courges et le célèbre coco-fesse des îles Seychelles.