Le mois dernier, j'ai «rencontré» la plus grosse fleur au monde... et aussi l'une des plus rares. La rafflésie (Rafflesia) produit une fleur gigantesque pouvant mesurer jusqu'à 1 m de diamètre et peser 10 kilogrammes. C'est toute une fleur! Mais ne vous attendez pas à pouvoir admirer une rafflésie chez vous, tout effort pour la cultiver en dehors de l'Asie du Sud-Est ayant échoué. Pour la voir, il faut aller loin d'ici, très loin : soit à Sabah, Bornéo, un état de la Malaisie. Elle est d'ailleurs la fleur emblème de Sabah.

Même si vous allez à Bornéo, à Sumatra, dans la Malaisie péninsulaire ou aux Philippines, seuls endroits au monde où la rafflésie croît, les chances de la voir sont minces. Elle se trouve sur la liste rouge des plantes menacées de disparition et a probablement toujours été rare. De plus, elle ne pousse que dans la jungle, souvent à des kilomètres du chemin forestier le plus proche. Et sa floraison, qui peut avoir lieu en tout mois de l'année, ne dure que trois ou quatre jours.

 

Autant dire qu'il faut jouer de chance pour la voir.

Une rafflésie en fleur

Mais j'ai eu de la veine. En arrivant à Kota Kinabalu, capitale de Sabah, le 22 août dernier, je m'informe. Oui, on a vu une rafflésie en fleurs dans le parc national du Kinabalu à seulement trois kilomètres de la route, mais... elle en serait déjà à sa troisième journée de floraison. Il y a peu de chances que la fleur soit ouverte à mon arrivée dans le parc, prévue pour le lendemain. Néanmoins, je garde espoir.

Bornéo a tant d'autres attraits - orchidées multicolores, plantes carnivores, rhododendrons épiphytes, oiseaux exotiques, orangs-outans, etc. - que je savais que j'allais quand même adorer ma visite; mais si de plus je pouvais voir une rafflésie, juste une!

Le jour de la montée au parc, situé à environ trois heures de la capitale, j'apprends que la rafflésie dont on m'avait parlé la veille avait fané, mais - qui sait? - il y en aurait peut-être une autre.

Et justement! À 5 km du parc, on voit une pancarte écrite à la main : Rafflésie, 30 ringgits (environ 10 $). Un indigène avait trouvé la fleur plus tôt dans la matinée et avait rapidement installé une pancarte pour profiter de la manne touristique à venir. Nous arrêtons notre véhicule. «Est-elle loin de la route?» On nous assure que non... et justement, à même pas 100 pas d'une route principale. La voilà, une rafflésie pleinement épanouie!

Superbe... et puante!

Nous allons l'admirer à la queue leu leu, car le sentier est étroit. L'énorme fleur se trouve au sol, comme il se doit, car la rafflésie n'a aucune tige, ni même de feuilles. C'est une plante parasite qui pousse sur les racines d'une grimpante (Tetrastigma) et elle est parfaitement invisible, sauf au moment de la floraison.

Quand mon tour de la photographier arrive, je sens une odeur de viande pourrie... ce qui est normal, car la rafflésie est pollinisée uniquement par des mouches de charogne, qui, d'ailleurs, pullulaient sur le disque central bombé

La texture de la fleur est bizarre - charnue, moelleuse, comme du cuir très épais - et elle est recouverte de grosses verrues. La couleur est brun orangé. Les indigènes prétendent qu'elle rappelle une peau de sanglier en pleine putrescence. Tout donc pour attirer les mouches pollinisatrices... et les écotouristes avides de sensations fortes.

Quelques secondes plus tard, photos prises, je repars. En peu de temps, je suis dans le parc national et sa forêt de nuages, entourée d'orchidées et de rhododendrons en pleine floraison. C'est superbe... mais je suis encore plus content de ma rencontre fortuite avec la plus grosse fleur au monde!