C'était en septembre ou en octobre dernier dans un rang de Saint-Paul-d'Abbotsford, non loin de Granby. Devant moi, de grands pins manifestement âgés et, sur le sol, des dizaines de cocottes. Et dans ces cônes, des noix de pin, des pignons, oui, des pignons comme ceux que vous achetez pour cuisiner.

C'était en septembre ou en octobre dernier dans un rang de Saint-Paul-d'Abbotsford, non loin de Granby. Devant moi, de grands pins manifestement âgés et, sur le sol, des dizaines de cocottes. Et dans ces cônes, des noix de pin, des pignons, oui, des pignons comme ceux que vous achetez pour cuisiner.




L'une des espèces les plus importantes dans le monde en matière de production de noix de pin est le pin de Corée, Pinus koraiensis, un arbre d'origine asiatique qui pousse très bien au Québec même en zone 4, et vraisemblablement dans des endroits encore plus froids. Évidemment, on ne trouve pas de pins de Corée à tous les coins de rue. Il en existe une cinquantaine à l'Arboretum Morgan, à Sainte-Anne-de-Bellevue. Mais le plus vieux spécimen connu au Québec pousse à Saint-Paul-d'Abbotsford; c'est un arbre vénérable, toujours en pleine santé. Âgé de plus de 100 ans, il atteint une bonne vingtaine de mètres.




Voilà des années que je voulais voir à quoi ressemblaient des pignons avant qu'ils n'arrivent dans mon assiette. Ce fut une surprise. Règle générale, les semences de conifères sont extrêmement petites par rapport au volume du cône. Dans le cas du pin de Corée, les noix sont relativement grosses, toutes proportions gardées. J'en ai compté environ 80 dans une seule cocotte. Elles sont enveloppées d'une coquille très dure qu'il faut briser avec un marteau, un étau ou mieux encore avec... un casse-noix. J'ai goûté à plusieurs noix du fameux pin centenaire. Celles qui étaient dans un bon état, même si elles avaient été cueillies dans les cônes qui traînaient par terre depuis un bon moment, avaient un goût identique aux pignons vendus dans les commerces.




D'ailleurs, le président du Club de producteurs de noix comestibles du Québec (www.noixduquebec.org), Bernard Contré, explique que de tous les arbres à noix vendus chez nous, notamment les noisetiers ou les noyers, seul le pin de Corée produit des amandes dont la saveur est identique à celles des amandes commercialisées.




Le hic, c'est que les pins de Corée sont très difficiles à trouver au Québec parce qu'ils sont peu en demande. Ils sont habituellement importés des États-Unis ou de l'Ontario. Les deux endroits où on pourra vraisemblablement en trouver en plus grand nombre sont la Pépinière La Feuillée, à Saint-Charles-Borromée, près de Joliette (www.lafeuillee.com), l'entreprise de M. Contré (elle offre un vaste choix d'arbres à noix et de semences), et Les jardins de Jean-Pierre, à Sainte-Christine, près d'Acton Vale sur la Rive-Sud (www.jardinjp.com).




Le réputé proprio de celui-ci, Jean-Pierre Devoyault, précise que certains de ses spécimens importés de l'Oregon atteignent 2,5 m et produisent déjà des cônes. Ils sont âgés de 7 à 10 ans et coûtent un peu plus de 200$ pièce. «Évidemment, ce n'est pas donné, dit-il, mais c'est souvent le cas pour des spécimens de cet âge produits par semis. Par contre, la bonne nouvelle, c'est que ces arbres commencent à produire des cocottes à un âge relativement jeune, contrairement à ce qu'on croit habituellement. Ils poussent d'environ 30 cm par année.» M. Devoyault vend aussi deux cultivars décoratifs du pin de Corée, «Blue Silver» et «Jack Corbit», qui produisent aussi des cônes.




Les Jardins de Jean-Pierre comme la Pépinière La Feuillée offrent également des arbres de plus petite taille à un prix de 20$ à 40$ pièce. Dans l'île de Montréal, la pépinière Jasmin, à Saint-Laurent, vend des Pinus koraiensis d'environ 2 m à environ 300$ pièce, de même que de petits spécimens. On trouve aussi à cet endroit le pin des Alpes, Pinus cembra, une espèce très rustique sous nos climats qui produit également des pignons, mais de taille un peu plus petite que celle du pin de Corée. On compte d'ailleurs une douzaine d'espèces de pins à pignons, dans le monde, et cinq d'entre elles seraient rustiques au Québec.




En culture commerciale, comme en Italie par exemple, un cône (il s'agit là-bas du pin parasol, Pinus pinea) produit une cinquantaine de pignons. Les cocottes de trois ans sont cueillies l'automne et mises à sécher l'été suivant. Les graines sont extirpées mécaniquement. Les pignons vendus au Québec sont principalement originaires de Chine, un des plus importants producteurs au monde, où ils sont produits justement sur des pins de Corée. Aux États-Unis, la grande majorité des pignons vendus est d'origine chinoise. Un marché de l'ordre de 100 millions par année.