Même si j'ai grandi à proximité du Jardin botanique, mes premières visites à la vénérable institution remontent à la fin des années 50, quand j'avais 13-14 ans. Et parmi toutes les serres, celle des plantes économiques - son appellation à l'époque - a vite exercé sur moi une fascination sans égale.

Même si j'ai grandi à proximité du Jardin botanique, mes premières visites à la vénérable institution remontent à la fin des années 50, quand j'avais 13-14 ans. Et parmi toutes les serres, celle des plantes économiques - son appellation à l'époque - a vite exercé sur moi une fascination sans égale.

Imaginez, des bananes qui poussent dans de vrais bananiers; des fruits de café, moi qui n'avais vu que du café moulu; d'immenses gousses de cacao qui pendent aux troncs de cacaoyers alors que ma seule connaissance du chocolat était la Caramilk et le cacao en poudre Cadbury; des oranges, des pamplemousses et une foule d'autres plantes plus étonnantes les unes que les autres. Je me souviens aussi, comme si s'était hier, du petit bassin où poussaient des papyrus. Car, en dépit de mon intérêt, à cette époque, pour l'Égypte ancienne, je n'arrivais pas à comprendre comment on pouvait en faire les fameux papyrus de la vallée des Rois.

J'ai visité ce jardin intérieur des dizaines de fois, toujours avec le même émerveillement. Il y a deux ans, j'ai éprouvé une grande appréhension en apprenant qu'on devait le raser. À vrai dire, c'est plutôt sa renaissance qui m'inquiétait. Faudrait-il attendre des années avant que l'ensemble devienne aussi intéressant que dans le passé?

La nouvelle serre des plantes alimentaires tropicales - désormais appelée ainsi - a donc ouvert ses portes à la mi-décembre après plus d'un an de travaux. Eh bien! l'effet est réussi! Mes craintes se sont dissipées quand j'ai vu plusieurs plants matures actuellement en production comme le cacaoyer (fleurs), de nombreux citrus (kumquat, lime, citron clémentine, tangelo, etc.), le caféier, le papayer, l'ananas, le macadamier ou encore le spectaculaire carambolier (couvert de fruits en ce moment), pour ne nommer que ceux-là.

Récession oblige, si vous n'avez pas les moyens de vous envoler vers le Sud, partez à la conquête de la planète végétale. Au fait, voilà combien d'années que vous n'êtes pas allé au Jardin botanique? C'est une belle occasion de renouer avec l'héritage du frère Marie-Victorin, qui est d'ailleurs l'objet d'une exposition ces temps-ci (Sous le soleil de Cuba avec Marie-Victorin). Le savant botaniste a visité l'île à maintes reprises à partir des années 30 et en a même rapporté des plantes encore exposées aujourd'hui. Est-il besoin aussi de rappeler que le Jardin botanique de Montréal est l'un des trois ou quatre plus importants au monde? Rien de mieux qu'une promenade dans les serres pour oublier un peu l'hiver.

 

Le toit coule...


«La serre avait une cinquantaine d'années, nous avions des problèmes de structure, les fondations n'étaient plus étanches. Il pleuvait littéralement dans la serre et, l'hiver, il fallait changer l'air aux 10 minutes (habituellement on compte un changement d'air à l'heure dans ce type de serre). Le chauffage coûtait une fortune. Il n'y avait pas d'autre solution que de démolir pour tout reconstruire», explique Lise Lacouture, contremaître du complexe des serres. Elle ajoute que certaines plantes à grand déploiement avaient été taillées à d'innombrables reprises et qu'elles avaient perdu énormément de vigueur, que l'ensemble était plutôt disparate, mélangeant bois précieux et arbres fruitiers, par exemple.

Aujourd'hui, l'aménagement est axé uniquement sur un thème: les plantes alimentaires en milieu tropical. Le concept architectural est fort joli. Une passerelle donne une vue sur l'ensemble des plantes, permettant aussi de mieux voir les fruits qui poussent dans le haut de certains arbres. Les allées sont conçues de telle sorte que le visiteur est toujours près des plantes. Il n'y a qu'à tendre la main pour y toucher. Les plants les plus éloignés sont situés à 3 ou 4 m, comme c'est le cas de ces anacardiers qui donnent la fameuse noix de cajou, un fruit aux allures insoupçonnées et spectaculaires. La plante n'est toutefois pas encore en production.

 



De la gomme

L'aspect didactique est encore plus accentué que dans le passé. Les panneaux informatifs sont nombreux. «Il ne faut pas oublier l'esthétique et le côté artistique, souligne Mme Lacouture. Nos plantes alimentaires forment avant tout un grand jardin agréable à l'oeil grâce aussi à plusieurs espèces ornementales.»

Si certaines plantes ont pu être récupérées de l'ancienne serre, comme le carambolier, plusieurs nouveautés ont été acquises récemment et ne demandent que du temps pour donner des fruits. Parmi elles figurent un litchi, manifestement en pleine forme avec ses nouvelles feuilles, un manguier nain, un théier, un giroflier (arbre qui produit les clous de girofle) et plusieurs autres espèces d'arbustes à épices.

Autres découvertes: le sapotillier, qui sert à faire la gomme à mâcher (c'est la sève solidifiée qui devient caoutchoutée); la naranjille, petit fruit exotique jaunâtre rappelant la chair du kaki; le tamarinier; l'akee, fruit étrange que l'on sert avec la morue en Jamaïque; ou encore le poivrier, qui est ici rampant, alors qu'on le cultive habituellement sur tuteur pour faciliter la récolte. D'ailleurs, le poivrier du Jardin botanique n'a jamais donné de fruits parce que la période de maturation est trop longue.

Des orchidées et des fougères

L'aménagement du jardin des plantes tropicales alimentaires a nécessité la fermeture des deux serres adjacentes durant toute la durée des travaux. On a donc profité de l'occasion pour leur donner une cure de rajeunissement, notamment en repeignant tous les rochers (qui sont tous artificiels), un travail d'artiste. La collection d'orchidées est une des plus belles au Canada et les fougères sont spectaculaires. Deux autres raisons pour visiter les lieux en ces temps de froidure.

 

Photo: David Boily, La Presse

Le carambolier, actuellement dans toute sa splendeur, dans la nouvelle serre des plantes alimentaires tropicales du Jardin botanique.