Drôle de fruit que la camerise. À commencer par son nom. Ne le cherchez pas dans le Petit Robert. Et si vous poussez vos recherches sur l'internet, vous découvrirez la banale définition suivante: fruit du camerisier. Je n'ai pas réussi encore à trouver son origine étymologique. Pourtant, le terme est assez répandu en Europe et il a été adopté au Québec en culture commerciale.

Drôle de fruit que la camerise. À commencer par son nom. Ne le cherchez pas dans le Petit Robert. Et si vous poussez vos recherches sur l'internet, vous découvrirez la banale définition suivante: fruit du camerisier. Je n'ai pas réussi encore à trouver son origine étymologique. Pourtant, le terme est assez répandu en Europe et il a été adopté au Québec en culture commerciale.

 À vrai dire, la production locale de camerises devrait commencer sur une très petite échelle l'an prochain. De nombreuses études et tests se déroulent actuellement en collaboration avec le ministère québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour évaluer le potentiel commercial de ce fruit à haute teneur d'antioxydants. C'est toutefois l'Université de la Saskatchewan qui est le leader mondial dans ce domaine mais, là encore, les travaux de recherche pour améliorer les variétés originaires de Russie, du Japon, ou encore du Canada, ont commencé il y a à peine 10 ans.

 Le plus étonnant, c'est que le camerisier est offert aux jardiniers amateurs depuis quelques années par le catalogue Horticlub (www.horticlub.com). Il est vendu sous un nom très facile à retenir: Lonicera edulis var. Chamtschatica. En termes plus simples, il s'agit d'un chèvrefeuille qui produit des fruits comestibles, d'un bleu très foncé, qui ressemblent à des bleuets allongés. J'y ai goûté pour la première fois cet été, une récolte provenant du Jardin botanique de Montréal. Étonnant! Les fruits sont aigres-doux, disons un peu plus aigres que doux, du moins à mon avis; mais, cuits dans un peu de sucre (comme les canneberges), ils font une excellente compote d'une saveur inusitée, voire délicieuse.

D'ailleurs, la camerise est très prisée au Japon où elle est offerte sous différentes formes. Selon les variétés, le fruit est dégusté à l'état frais ou congelé. On en fait aussi des confitures, des jus, des gelées, des tisanes, du vin ou encore, il entre dans la confection de bonbons, de gomme ou de crème glacée.

 Un arbuste boréal

 On compte quelque 175 espèces de chèvrefeuilles qui nous viennent d'Amérique du Nord, d'Asie et d'Europe. Ce sont des plantes souvent nordiques qui résistent à nos hivers. Bon nombre sont utilisés comme arbustes décoratifs dans nos jardins, bien que de nombreuses variétés anciennes soient affectées par le puceron laginère du chèvrefeuille, qui nous est arrivé d'Europe dans les années 70. La bête déforme les branches et provoque l'apparition de touffes de feuilles à l'extrémité des tiges.

 Quant au camerisier, non seulement est-il ignoré du maléfique puceron, mais il aussi très rustique, résistant même à des températures de -40°C (zone 2). L'arbuste pourrait très bien convenir à l'aménagement d'une haie.

 D'une hauteur maximale variant de 1,5 à 2 m, l'arbuste apprécie un sol bien drainé, enrichi de compost lors de la plantation, de même qu'une position ensoleillée. Il produit des fleurs en mai qui sont même résistantes à un gel léger (jusqu'à -7°C). La production commence à la fin de juin et les fruits peuvent aussi être ovales ou de la forme d'une poire.

 Quand il est vendu en pot, on peut planter le camerisier tardivement en saison, même en octobre. Il pousse très rapidement et produit souvent dès la deuxième année après sa plantation. Selon certaines données, un plant peut donner 1 kilo de fruits à l'âge de 3 ans, une production qui peut cependant atteindre les 4 kg à l'âge de 6 ans dans des conditions optimales. Le camerisier n'est pas considéré comme un arbuste autofertile. Il est donc recommandé de planter deux variétés, et préférablement trois, si on veut une récolte abondante.

 Les cultivars les plus populaires sont le «Blue Belle», (celui que j'ai goûté) et le «Berry Blue», considéré avant tout comme pollinisateur, même s'il donne aussi des fruits. Ces deux hybrides figurent au catalogue d'automne de la firme Horticlub. Le grossiste Québec Multiplants vend en outre le cultivar «Cinderella», créé par les chercheurs de l'Université de la Saskatchewan et dont les baies sont considérées comme excellentes à l'état frais.

 Plus sucré que la framboise

 D'autres cultivars devraient toutefois faire leur apparition sur le marché. La maison Végétolab d'Alma, au Lac-Saint-Jean, se spécialise notamment dans la reproduction en laboratoire de cerisiers et de camerisiers, pour ne nommer que ces deux espèces. La fondatrice de l'entreprise, Guylaine Lemieux, explique que lors d'une tournée en Saskatchewan en 2006, elle a goûté des fruits provenant de plusieurs variétés nouvelles, dont plusieurs étaient sucrés, agréables à manger à l'état frais. Elle souligne que ces camerises affichaient parfois 14 Brix, l'unité de mesure du sucre pour les fruits, alors qu'il est normalement de 12 Brix pour la framboise, par exemple.

 Une quinzaine de ces cultivars sont est en période d'essai au Québec. Certains seront commercialisés en 2009, notamment le «Borealis», qui se prête bien au jardin domestique.

 Si le camerisier s'annonce intéressant dans la commercialisation agricole, il présente certaines contraintes de culture pour le jardinier amateur. Les fruits font les délices des oiseaux, ce qui fera le bonheur des jardiniers-ornithologues. Mais si vous désirez profiter d'une récolte digne de ce nom, vous devrez protéger les plants avec un filet, ce qui n'est pas toujours évident. Si la plante est peu sujette aux maladies, comme la plupart des chèvrefeuilles, elle est sensible à l'oïdium ou blanc, problème très présent cette année en raison de notre été pluvieux. Par ailleurs, les fruits ont tendance à tomber au sol lorsqu'ils sont mûrs.

 D'ailleurs, une façon de les cueillir à maturité, est de placer un parapluie ouvert sous le plant et de brasser les branches pour que les baies se détachent.

 Un dernier mot: le Centre de référence en agriculture et en agroalimentaire du Québec, le CRAAQ (www.craaq.qc.ca), a publié tout récemment un document intéressant intitulé Portrait des cultures fruitières indigènes et en émergence au Québec. Destiné d'abord aux producteurs agricoles, l'ouvrage de synthèse donne une foule de renseignements pertinents sur la culture de plusieurs espèces méconnues. Outre le camerisier, on y traite de l'amélanchier, de l'argousier, du bleuetier, du cerisier à griottes et du mûrier. Il s'agit d'un document électronique gratuit que vous pouvez télécharger facilement.

 

Photo Bastien Fontaine, collaboration spéciale

Certaines camerises sont plus sucrées que les framboises.