La forme de ses feuilles et le délicat velours qui les recouvre ne sont pas sans rappeler le tabac. Mais difficile d'expliquer pourquoi dans le langage populaire on l'appelle tabac du diable.

La forme de ses feuilles et le délicat velours qui les recouvre ne sont pas sans rappeler le tabac. Mais difficile d'expliquer pourquoi dans le langage populaire on l'appelle tabac du diable.

La molène vulgaire (Verbascum thapsus), de son nom scientifique, est une plante «sauvage» des terrains ouverts et pauvres qui n'a rien à voir avec notre fournisseur officiel de nicotine. Quant à l'évocation de Lucifer, elle laisse perplexe car aussi invraisemblable que cela puisse paraître aujourd'hui, les feuilles de molène séchées étaient jadis fumées pour soulager... l'irritation des muqueuses respiratoires, nous dit le guide d'identification Fleurbec (Plantes sauvage des villes, des champs et en bordure de route, tome 2). À une lointaine époque, indique aussi l'ouvrage, on se servait de ses feuilles laineuses pour fabriquer des mèches de lampe qui portaient d'ailleurs le nom de verbascus chez les Romains.

Les usages qu'a connus la plante à travers les âges sont innombrables. Plus près de nous, les Amérindiens écrasaient les graines, qui contiennent un bon pourcentage de roténone, pour empoisonner le poisson.

Feuilles laineuses

Importée jadis en Amérique du Nord par les colons, la molène vulgaire est une plante bisannuelle formant sur le sol une rosette de feuilles verdâtres, plus ou moins argentées. Puis au cours du deuxième été, une longue tige en forme d'épi aux multiples fleurs jaunes fait son apparition. Si la vie de chaque fleur est éphémère, la floraison de la hampe s'étend néanmoins sur quelques semaines.

En dépit de son allure originale, cette molène ne se vend pas en pépinière, mais elle est largement répandue dans nos campagnes. À chaque année d'ailleurs, un ou deux spécimens font leur apparition chez moi sans crier gare, probablement pour jeter un coup d'oeil jaloux sur leur petite cousine qui, elle, trouve sa place régulièrement au jardin. On peut comprendre pourquoi.

La petite cousine en question répond au nom de Verbascum bombyciferum, un terme grec qui signifie soie et qui a aussi donné le mot bombyx, le nom du ver à soie. Originaire de Turquie, (on parle de molène turque, en anglais), ses feuilles et sa tige sont couvertes d'un duvet dense, très doux, parfois d'un blanc immaculé. C'est le cultivar «Arctic Summer» que l'on trouve un peu partout. Il porte bien son nom.

 Si vous achetez des plants cet été, ils formeront de grosses feuilles velues, très décoratives, d'une bonne trentaine de centimètres de longueur, disposées en forme de rosette sur le sol. L'an prochain, la plante produira une hampe florale d'environ 1,5 m, blanche et parsemée d'innombrables fleurs jaune vif.

La floraison commence vers la mi-juin mais, comme la tige principale est habituellement très ramifiée, elle devient une sorte de candélabre qui illumine le jardin durant plusieurs semaines. Ce qui n'est pas sans rappeler un autre usage lointain de notre molène vulgaire, qui servait à l'occasion de torche.

 «Arctic Summer» est peu exigeante et se contente d'un sol ordinaire. Par contre, il lui faut le plein soleil et un milieu très bien drainé sans quoi elle ne résistera pas à l'hiver. Le seul hic, c'est qu'elle est bisannuelle. Elle exige deux ans pour faire son cycle complet, c'est-à-dire pour produire des fleurs, après quoi elle meurt. Il existe aussi des molènes à fleurs violacées sur le marché, mais elles sont rares et très difficiles à trouver.

Malgré leur caractère éphémère, plusieurs bisannuelles méritent de figurer au jardin en raison de leur beauté souvent spectaculaire. De nombreuses roses trémières et digitales font partie du groupe, de même que la sauge argentée, qui produit aussi une rosette de feuilles velues et argentées au cours du premier été, puis des fleurs blanches l'année suivante. À la condition évidemment de passer l'hiver dans un terreau extrêmement bien drainé.

 

Photo François Roy, La Presse

Molène «Arctic Summer»