Le bleuet est plus populaire que jamais au Québec. Les ventes de plants de baies bleues ont doublé au cours des récentes années et même triplé, avancent certains pépiniéristes. Un engouement surtout attribuable à la valeur nutritionnelle exceptionnelle de ce petit fruit.

Le bleuet est plus populaire que jamais au Québec. Les ventes de plants de baies bleues ont doublé au cours des récentes années et même triplé, avancent certains pépiniéristes. Un engouement surtout attribuable à la valeur nutritionnelle exceptionnelle de ce petit fruit.

C'est que bleuets, fraises, framboises, canneberges, mûres et autres petits fruits produisent des antioxydants remarquables qui permettent de réduire les risques de maladies cardiovasculaires et même de tumeurs cancéreuses, explique la nutritionniste Hélène Laurendeau.

En plus de ses effets bénéfiques, le bleuet est délicieux. Il se mange frais et se congèle facilement, de préférence sur une plaque à biscuits pour éviter que les fruits ne se collent ensemble. Gelés ou légèrement dégelés, ils deviennent une collation exquise.

Mais pourquoi parler de bleuets en plein milieu du mois d'avril?

Parce que c'est à la fin d'avril et au début de mai qu'il est recommandé de mettre en terre les bleuetiers. Mais aussi parce que le Centre de références en agriculture et en agroalimentaire du Québec (CRAAQ) vient de publier un ouvrage sur cette plante, La culture du bleuet en corymbe, un volume qui sera utile aux amateurs. Ce sont justement ces bleuets géants qui sont cultivés dans la grande région métropolitaine et le sud du Québec

La culture domestique des bleuets n'est pas nécessairement facile. Souvent, après quelques années, les amateurs de jardinage déchantent en voyant la production de leurs plants diminuer radicalement. «Le secret de la réussite commence dès la plantation», dit Michel Lareau, agronome à la retraite et coauteur du livre publié par le CRAAQ. Le spécialiste a travaillé durant des décennies sur le bleuet à Agriculture Canada, à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Première condition de réussite: un sol acide. «Ce taux d'acidité doit absolument être maintenu au cours des années, sinon la production de fruits sera sérieusement affectée, prévient M. Lareau. En cette matière, le bleuet a les mêmes exigences que les rhododendrons et les azalées. Et comme dans leur cas, le soin apporté au terreau à la plantation décidera de l'avenir du plant.»

Dans la grande région métropolitaine où le sol est argileux, l'agronome recommande donc d'installer le plant dans une fosse de plantation composée d'environ 75% de mousse de tourbe (peat moss) mélangée à 25% du sol excavé. Attention! la fosse de plantation ne doit pas retenir l'eau sans quoi la plante mourra noyée.

Dans un milieu sablonneux ou riche en gravier, le mélange sera moitié-moitié. M. Lareau conseille d'ailleurs de bien mouiller et bien mélanger le substrat dans une brouette avant la plantation. Les années suivantes, on ajoute un apport de mousse de tourbe au pied de l'arbuste et on fertilise avec un engrais à rhododendrons ou à conifères au début et à la mi-mai, de même qu'au début de juin.

De 50 à 60 cm de hauteur, les plants vendus en pépinière sont habituellement âgés de 2 ans. Si leurs branches portent de nombreux bourgeons floraux lors de l'achat, ils devraient produire dès cet été. Toutefois, dans ce cas, il ne serait pas étonnant que l'année suivante, et parfois même lors des deux prochaines années, le bleuetier donne très peu de fruits, sinon aucun. C'est pour cette raison qu'en production commerciale, on conseille toujours d'éliminer les fleurs à la première année de floraison afin de favoriser une récolte beaucoup plus intéressante la troisième année.

L'absence de taille est aussi un facteur important d'insuccès chez les amateurs, indique Michel Lareau. Les vieilles branches d'un plant produisent très peu. L'arbuste atteint habituellement une production maximale vers l'âge de 8 ans et donne des fruits régulièrement durant une trentaine d'années, parfois plus. Mais dès que les branches les plus anciennes présentent des signes de vieillissement, on doit les couper, à raison de deux par année tout en conservant du même coup deux jeunes pousses. Un plant mature devait compter de 15 à 20 branches d'âge différent.

Des fruits de la mi-juillet jusqu'au gel

Le fameux bleuet du Lac-Saint-Jean (Vaccinium angustifolium) et son cousin géant, le bleuet en corymbe (V. corymbosum) sont présents naturellement au Québec. Et ils sont tous deux fragiles au froid, explique l'agronome Michel Lareau.

«Sans la neige qui les recouvre en hiver, les bleuetiers cultivés au Saguenay-Lac-Saint-Jean ne produiraient pas de fruits. S'ils sont exposés à des températures très froides, les bourgeons floraux gèlent.» Il va sans dire que le bleuet en corymbe (qui doit son nom à son inflorescence particulière) est aussi vulnérable, d'autant plus qu'il est beaucoup plus grand, de 1 à 1,5 m.

Curieusement M. Lareau et d'autres chercheurs ont isolé plusieurs centaines de clones sauvages de bleuetiers en corymbe, mais les résultats ont été très décevants. En plus de donner des petits fruits, ils étaient moins rustiques que les cultivars américains utilisés au Québec, originaires notamment du New Jersey.

Voilà pourquoi, dans le sud du Québec, on cultive des variétés originaires des États-Unis. Elles produisent des fruits aussi savoureux que nos bleuets plus nordiques à la condition de les cueillir au moment opportun, une semaine après qu'ils se sont colorés en bleu; et ils sont de trois à cinq fois plus gros.

Contrairement à la croyance populaire, il n'est pas nécessaire de cultiver plusieurs variétés côte à côte pour obtenir une bonne pollinisation, les bleuets étant autoféconds. Il existe d'ailleurs des bleuetières composées d'un seul cultivar.

Lequel faut-il choisir pour son jardin?

Michel Lareau, qui possède sa propre bleuetière sur la Rive-Sud, estime que le «Spartan» est le plus fragile mais aussi le plus hâtif. Il produit à partir du 10 ou 15 juillet, une production qui s'étend sur cinq ou six semaines, comme les autres variétés. Le cultivar «Duke» est aussi très hâtif. «Patriot», de loin le plus cultivé au Québec, est normalement en fruits à partir du milieu ou de la fin juillet. Quant à «Elliot», il produit à partir de septembre jusqu'au gel. Ainsi, si vous avez l'espace disponible, vous pourriez cueillir des bleuets durant trois bons mois.

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On peut se procurer le volume La culture du bleuet en corymbe, de Michel Lareau et Luc Urbain, en visitant le site du CRAAQ (www.craaq.qc.ca). L'ouvrage de 72 pages, bien illustré, se vend 21$, taxes incluses.

 

Photo Robert Skinner, La Presse

Un plant de bleuet en corymbe peut atteindre presque 2 m et produire une dizaine de kilos de fruits par année.