Les épiphyllums poussent habituellement en jardinière. Leurs tiges plates, semblables à d'étranges frondes de fougères suspendues, n'ont rien de vraiment excitant, sinon leur allure particulière. Mais quand ils se mettent à fleurir, impossible de rester indifférent.

Les épiphyllums poussent habituellement en jardinière. Leurs tiges plates, semblables à d'étranges frondes de fougères suspendues, n'ont rien de vraiment excitant, sinon leur allure particulière. Mais quand ils se mettent à fleurir, impossible de rester indifférent.

 Parlez-en à Michel Labonté, de Montréal. Le 28 juillet dernier, son épiphyllum d'une douzaine d'années s'est soudainement mis à fleurir. Une explosion d'étoiles blanches au léger parfum de gardénia. Des étoiles en raison des fleurs volumineuses, des pétales et des sépales pointues, mais surtout parce que la floraison estnocturne. L'épiphyllum s'illumine la nuit.

 «Ce samedi-là, à partir de 20h et jusqu'à 3h, la nuit suivante, la plante nous a offert 14 fleurs sur les 25 bourgeons floraux qu'elle portait. Une première si on se fie aux ex-propriétaires», raconte M. Labonté. Ébahi, il a même invité ses voisins à venir admirer le spectacle en prenant un digestif. «Tant de beauté gratuite ne peut d'ailleurs que rapprocher des voisins», dit-il, un brin philosophe. Le plant a finalement produit 32 fleurs au cours de sa floraison, qui s'est étalée jusqu'à la mi-août.

 Plantes étonnantes que les épiphyllums. Leur appellation scientifique fait allusion aux fleurs qui apparaissent au bout des feuilles. La botanique nous enseigne cependant que ces feuilles sont plutôt des tiges qui se sont aplaties et élargies au cours de l'évolution. Ces tiges sont similaires à celles du cactus de Noël (schlumbergera), un proche cousin. En réalité, les épiphyllums sont des cactus et comme tous les cactus, ils n'ont pas de feuilles. Quant aux épines, elles ont disparu bien que, chez plusieurs espèces et chez quelques hybrides, il en reste quelques-unes sous forme de poils fins sur le pourtour de leurs fausses feuilles.

Espèce de milieu tropical humide, ils sont aussi épiphytes, c'est à dire qu'ils s'agrippent aux arbres sans pour autant vivre à leurs dépens comme les plantes parasites. D'ailleurs, en raison de ce comportement, qui est semblable à celui de plusieurs espèces d'orchidées comme les cattleyas, par exemple, les anglophones les appellent cactus-orchidée. Leurs ressources alimentaires proviennent de la pluie, de la décomposition des feuilles du milieu environnant, des crottes d'oiseaux ou des résidus d'insectes immobilisés dans l'enchevêtrement de leurs racines.

 On en compte une vingtaine d'espèces, vivant dans le sud du Mexique et jusqu'en Argentine, en passant par l'Amérique centrale et certaines îles des Antilles. Elles produisent toutes des fleurs blanches dotées parfois de tons de jaune. Des couleurs qui reflètent la lueur de la lune ou des étoiles et créent un contraste suffisant à la noirceur pour attirer les chauve-souris ou les gros papillons nocturnes; cela permet aux fleurs d'être fécondées, explique le spécialiste Joseph Dougherty sur le site internet Ecology.org. La plupart de ces fleurs ne restent épanouies que quelques heures.

 Par contre, les centaines d'hybrides aux innombrables coloris que l'on peut retrouver sur le marché, du moins aux États-Unis, ont une floraison diurne et chaque fleur demeure ouverte durant quelques jours. Certains hybrides commencent parfois à fleurir la nuit mais là encore, les fleurs persistent durant un petit moment, mais un grand moment de grâce.

Peu connus au Québec, les épiphylums sont sont habituellement vendus dans le temps de Pâques au moment où ils commencent à fleurir, explique Pierre-Paul Laan, propriétaire des Serres Laan, à Saint-André-d'Argenteuil, le plus important producteur au Québec, grossiste réputé notamment pour la qualité de sa production.

 Après avoir fait l'essai de plusieurs cultivars dans le passé, M. Laan produit aujourd'hui seulement deux hybrides, le «German Empress» de couleur rose bonbon - le favori avec ses fleurs de 10 cm de diamètre - et le cultivar rose foncé «Eva» aux fleurs presque deux fois plus grandes. «Il n'est pas rare que chaque plant produise une centaine de fleurs durant la floraison, dit-il. Les autres hybrides que je produisais donnent des fleurs parfois beaucoup plus grandes mais moins nombreuses. Le hic, c'est qu'ils exigent beaucoup de temps pour atteindre une taille commercialisable, trop pour que l'entreprise soit rentable».

 On ne compte que deux ou trois producteurs d'épiphyllums chez nous, car il s'agit d'une production très spécialisée qui exige environ 18 mois de soins. Les boutures sont produites en novembre et en décembre. L'enracinement est lent. La croissance se poursuivra au cours de l'été, puis les plants passeront l'hiver en serre. Ils seront alors soumis à une température froide durant trois mois pour induire la floraison qui s'étalera sur deux ou trois semaines, selon le cultivar et la température ambiante. Voilà le secret pour obtenir du succès avec les épiphyllums, insiste Pierre-Paul Laan. «La plainte que l'on entend le plus souvent de la part de nos clients, c'est que leurs plantes ne refleurissent jamais. Effectivement, si l'épiphyllum trône devant une fenêtre à une température constante, jamais il ne donnera de fleurs à nouveau.»

 C'est ce qui expliquerait pourquoi l'épiphyllum de Michel Labonté a connu une si grande effervescence l'été dernier. «Dans le passé, ma voisine à qui appartenait la plante rentrait son épiphyllum à la maison, au chaud, raconte-t-il. Selon les informations glanées ici et là, la cause de la mégafloraison est probablement attribuable au fait que le plant a passé l'hiver précédent (de septembre à mai) sur notre véranda très peu chauffée, soit 12 C la nuit et 21 C le jour, lorsque nous y déjeunions la fin de semaine».

 Pour obtenir une floraison à chaque année, il faut donc soumettre la plante au froid durant 10 à 12 semaines, mais toujours en position bien éclairée. On parle d'une température de 15 C à 20 C le jour, mais beaucoup plus froide la nuit, jusqu'à 10 C ou même 5 C. Le traitement thermique devrait commencer à la mi-novembre et se poursuivre jusqu'à la mi-février pour obtenir une floraison vers la fin mars, du moins chez les plantes hybrides. Durant les deux premiers mois de repos, on doit réduire l'apport en eau afin de laisser sécher légèrement le terreau entre les arrosages pour ensuite arroser normalement. Une pièce peu chauffée de la maison peut très bien convenir à la condition que l'éclairage soit adéquat.

 Quelques conseils

 - Suspendre le plant devant une fenêtre qui n'est pas exposée au soleil, sauf le matin.

 - Le terreau doit rester humide en tout temps mais pas détrempé. Les amateurs ont tendance à ne pas arroser assez souvent.

 - Après la floraison, on élimine les fleurs fanées.

 - L'été, on suspend l'épiphyllum sous un arbre. Attention à ce qu'il soit arrosé suffisamment.

 - Fertilisation: 20-20-20, dilué à 50%, une fois par semaine, de la fin de la floraison jusqu'en septembre.

 - La plante peut vivre des années dans le même pot, presque 10 ans si les soins sont appropriés.

 - Les boutures sont faciles à réaliser, mais exigent beaucoup de temps pour produire un nouveau plant prêt à fleurir.

 - Un épiphyllum se vend normalement de 35 à 75$ selon la taille et le nombre de branches. En faire l'achat quand les bourgeons floraux sont présents.

 - On peut trouver des épiphyllums chez certains fleuristes et pépiniéristes mais parfois aussi dans les grandes surfaces, notamment dans quelques magasins de la chaîne Home Depot. Le producteur Le Cactus fleuri, à Sainte-Madeleine, près de Saint-Hilaire, en vend une dizaine de variétés au public qui se rend sur place (www.cactusfleuri.qc.ca).

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Pour en savoir plus: lire l'excellent document internet de Joseph Dougherty, sur sa page du site www.ecology.org/ecophoto/articles/Epiphyllum.htm . Le texte est abondamment illustré.

 

Photo fournie par Michel Labonté

Les fleurs étoilées du plant de Michel Labonté.