Francine Pilon adore les violettes africaines. C'est banal, direz-vous. Pas dans son cas.

Francine Pilon adore les violettes africaines. C'est banal, direz-vous. Pas dans son cas.

Infographiste à Gatineau, elle cultive dans ses temps libres une cinquantaine d'espèces et de sous-espèces connues dans le monde, toutes des plantes menacées de disparition dans leurs pays d'origine. Elle s'est même spécialisée dans la culture de violettes rampantes. Plus récemment, elle a jeté son dévolu sur les micro violettes. Des plantes mignonnes qui poussent dans un pot à peine plus grand qu'un dé à coudre, lequel ne dépasse pas les 3 cm de diamètre... à sa plus grande extrémité.

Francine Pilon a eu le coup de foudre il y a 16 ans. Une passion toujours indéfectible qu'elle aime partager. Voilà d'ailleurs une dizaine d'années qu'elle travaille à la rédaction d'un livre sur les violettes.

Avant son coup de foudre, elle cultivait des plantes d'intérieur pour la beauté et l'originalité du feuillage. Puis un jour, elle a acheté deux plants de violettes africaines qui se sont mis à fleurir pour son plus grand plaisir. "Je suis vite passée aux violettes rampantes pour leur allure sauvage, puis aux espèces vraiment sauvages, dit-elle. Qui sait si dans un proche avenir, ce ne sont pas des collectionneurs comme moi qui sauveront certaines espèces de l'extinction."

Mais si cet objectif ne présente pas le même attrait pour tout le monde, les plantes de petites dimensions, elles, attirent immanquablement l'attention. Les violettes miniatures possèdent une couronne de feuilles qui ne dépasse pas les 15 cm de diamètre. On en retrouve plusieurs variétés dans les grandes surfaces. Quant aux micro violettes, elles sont encore plus petites évidemment, soit un maximum de 5 cm de diamètre. "Ce sont des plantes miniatures qui ont été miniaturisées, explique Mme Pilon. Elles n'existent pas en milieu naturel et ont été obtenues par sélection. On en compte quelques variétés seulement."

Si on peut faire pousser des violettes africaines dans un petit contenant, tôt ou tard, les feuilles atteindront une taille normale. Par contre, les hybrides servant à la culture des plants miniatures produisent toujours des petites feuilles, à plus forte raison quand il s'agit de micro violettes. C'est ce qui fait tout le charme de ces curiosités végétales.

Le hic, c'est qu'elles sont très exigeantes. Voilà qui explique qu'au Québec, seule une poignée d'amateurs s'adonne à leur culture. "C'est un défi à relever. Cultiver des micro, c'est sortir des sentiers battus, s'aventurer dans un monde méconnu où les résultats sont heureusement gratifiants. En somme, c'est excitant!" dit notre experte.

En raison de leurs minuscules contenants, l'alimentation en eau, par exemple, doit faire l'objet d'une surveillance constante. Francine Pilon a cultivé ses premiers spécimens dans des boîtes en plastique pour pilules. Elle arrosait ses plantes au compte-gouttes. Passionnée, vous dis-je!

La méthode s'est raffinée depuis. Une mèche en tissu trempe dans un récipient de soutien rempli d'eau permettant à la plante de s'abreuver à volonté. Ce qui permet à Mme Pilon d'en cultiver des dizaines à la fois.

Où se procurer des micro violettes? Il faut entrer en contact avec une société vouée à cette culture. Vous découvrirez plusieurs adresses sur l'internet. La Société des saintpaulias de Montréal est probablement la plus importante au Québec, mais d'autres groupes existent aussi à Longueuil, Gatineau et au Saguenay, sans oublier les nombreuses sociétés d'horticulture qui favorisent la culture de la belle africaine.

Les conseils de Francine

 Plusieurs ont délaissé les violettes africaines parce qu'ils ne réussissaient pas à les conserver au-delà de quelques semaines. Pourtant, insiste Francine Pilon, elles sont faciles à cultiver. Voici quelques conseils pour obtenir du succès.

 Arrosage: c'est le problème majeur. Trop d'eau entraîne la mort à court terme, car les racines vont pourrir. Laissez sécher le terreau entre les arrosages. Versez l'eau dans la soucoupe sous le pot. Au bout de 20 minutes, éliminez le surplus d'eau. À chaque quatrième arrosage, versez l'eau au pied du plant en veillant à ne pas éclabousser le feuillage. Les gouttes d'eau tachent les feuilles. En arrosant «par le haut», on lessive les excès de sels minéraux.

 Fertilisation: à chaque arrosage. Utilisez une solution de 20-20-20: 1/4 de cuillère à thé par quatre litres (un gallon) d'eau.

 Lumière: pas de soleil direct, mais une lumière vive.

 Température: 18 C, la nuit et 25 C, le jour. Trop de fraîcheur nuit au développement de la plante.

 Rempotage: à tous les six mois (ou aux quatre mois pour les plants de petite taille) car le terreau s'épuise rapidement. Utilisez un mélange à violette africaine que vous déposez dans un pot propre. Un plant de 30 cm de diamètre devrait être planté dans un contenant de 10 cm de diamètre.

 Soins particulier: éliminez les fleurs fanées; enlevez la poussière sur le feuillage avec un pinceau.

Un règne menacé

 Toujours considérée comme la plante d'intérieur la plus vendue au monde - on avance souvent le chiffre de 100 millions de plants par année - la violette africaine a cependant perdu de sa popularité. Snobée par plusieurs qui la jugent trop commune, elle doit désormais compétitionner avec les orchidées qui ont envahi les grandes surfaces.

 Selon plusieurs experts impliqués dans la production ou le commerce, la baisse des ventes de violettes africaines a été de l'ordre de 20 à 40% au cours des 10 dernières années, du moins au Québec. Constat similaire chez Florapark, de Sherrington, le plus important producteur québécois. À la pépinière Scardera, à Longueuil, on explique par exemple qu'il n'y a pas très longtemps, il était impératif d'avoir en stock tout le matériel de plantation pour satisfaire les amateurs mais qu'aujourd'hui, la demande n'existe plus.

 Chez Optimara, à Nashville, Tennessee, comme chez l'ontarienne Harster Greenhouses, de Hamilton, les deux plus importants producteurs mondiaux, on confirme un ralentissement sans toutefois donner de chiffres. «Le commerce des violettes est cyclique et d'autres belles années sont à venir», fait-on valoir. Les deux compagnies produisent chacune 10 millions de plants et leur catalogue compte 100 variétés dont plusieurs nouveautés chaque année.

 Ce désintéressement s'explique en partie par la popularité croissante des orchidées devenues très abordables. Celles-ci offrent des formes et des coloris innombrables en plus de produire d'agréables parfums, du moins chez de nombreux cultivars. Selon Monique Beaucage qui a dirigé durant quelques années la Société des saintpaulias de Montréal, les violettes sont en compétition avec une foule d'autres plantes, si bien que même les amateurs abandonnent après deux ou trois ans de culture intensive. «Même ceux qui aiment participer à des expositions se font moins nombreux. C'est qu'ils doivent éliminer les fleurs de leurs plants pour avoir de belles plantes lors du jour J. C'est un peu frustrant.»

 Quant aux jeunes, ils sont très peu portés sur la violette...

Violettes «spatiales»

 L'histoire ne retiendra probablement pas grand-chose du baron Adalbert Emil Walter Radcliffe von Saint-Paul-Illaire. D'autant plus que son nom est presque impossible à mémoriser.

 Si on lui attribue à tort la découverte de la violette africaine, l'Allemand, établi en Afrique, a le grand mérite de s'être intéressé à la plante qu'il avait trouvée en Tanzanie et surtout d'avoir livré en Europe des plants qui ont permis de la classifier et des graines qui ont donné des fleurs. Voilà pourquoi les violettes africaines répondent à l'appellation scientifique de saintpaulia. C'était en 1892.

 Introduite aux États-Unis dans les années 20, la plante a connu par la suite une popularité sans précédent à l'échelle mondiale. On en compterait aujourd'hui plus de 50 000 cultivars aux coloris extrêmement variés, dont une lignée très particulière de la firme Optimara, la série Everfloris, qui vient de graines ayant produit des mutants après avoir séjourné dans l'espace durant six ans .

 Il existe une vingtaine d'espèces de saintpaulias et au moins autant de sous-espèces, toutes localisées en Tanzanie et au Kenya, surtout en montagne, sur un territoire peu étendu. La plupart sont sérieusement menacées en raison de la détérioration de leur milieu, notamment à cause de la déforestation.

 La violette du baron a pour nom Saintpaulia ionantha. Ce dernier terme signifie «qui ressemble à une violette». Les violettes africaines n'ont cependant de parenté avec les violettes que le nom et n'appartiennent pas aux fleurs du genre viola que nous cultivons dans nos jardins. Dans leur environnement naturel, elles poussent à l'ombre en forêt tropicale humide et la plupart du temps, accrochées à des rochers ou des falaises abruptes.

 

Photo fournie par Francine Pilon

La micro-violette africaine «Shy Blue».