Sujet à polémique que celui du paillis. Je ne suis pas un fervent de cette couverture végétale, dois-je confesser, même si le paillis a des vertus indéniables. Pour plusieurs raisons, je l'ai banni de mes platebandes depuis des années. Voici lesquelles.

Sujet à polémique que celui du paillis. Je ne suis pas un fervent de cette couverture végétale, dois-je confesser, même si le paillis a des vertus indéniables. Pour plusieurs raisons, je l'ai banni de mes platebandes depuis des années. Voici lesquelles.

 L'un des objectifs du paillis est d'empêcher la croissance des mauvaises herbes. Or, tôt ou tard, des graines transportées par le vent, les oiseaux ou produites par les arbres des alentours viendront y atterrir et prendre racine. Il faudra bien les enlever. Par ailleurs, comme le jardin est en constante mutation à cause des transplantations, le paillis devient vite un inconvénient, d'autant plus que certaines plantes y sont réfractaires en raison d'une humidité excessive ou d'une trop grande compression des tiges.

 Enfin, chaque année chez moi, après le grand ménage automnal, nous recouvrons les platebandes de 6 à 7 cm de terre et de compost, l'équivalent de 21 verges cubes de terreau. Ce travail, qui donne d'excellents résultats, serait impossible à accomplir si les platebandes étaient entièrement recouvertes d'un manteau de fibre de bois.

 Évidemment, nous devons éliminer les mauvaises herbes à la main. Que voulez-vous, il faut bien prendre contact avec la terre quand on jardine. D'ailleurs, dans mon esprit, jardiner et paresser sont deux mots incompatibles.

Il n'en reste pas moins que des milliers de jardiniers utilisent du paillis, ce qui fait d'ailleurs vivre toute une industrie. Et chaque année, les questions sont nombreuses à ce sujet.

 Par exemple, Raymond Campagna, du Canton-de-Hatley, en Estrie, se demande si le paillis de thuya est meilleur que celui de feuillus. «Certains disent que le paillis de cèdre ne convient pas aux platebandes parce qu'il est trop acide. Qu'en est-il réellement?»

 J'ai posé la question à deux agronomes, Guy Laliberté, professeur à l'Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe (il enseigne aux futurs horticulteurs), et Claude Gélinas, agronome-conseil (www.phyto.qc.ca), deux experts souvent cités dans cette chronique.

 Il faut rappeler que le pH se mesure en multiples de 10. Par exemple, un pH 4 est 10 fois plus acide qu'un pH 5, 100 fois plus qu'un pH 6 et 1000 fois plus qu'un pH 7. Si bien que modifier le pH d'un terrain ne se fait habituellement pas de façon instantanée. Même si on incorpore au terreau de grandes quantités de mousse de tourbe, un produit très acide, il faudra des semaines, sinon des mois, avant de faire diminuer le pH du sol.

 D'ailleurs, la façon la plus radicale de faire augmenter le taux d'acidité du sol est d'utiliser des produits chimiques comme le sulfate d'aluminium.

 Quant au paillis de thuya, il faut là aussi rappeler que le «cèdre» est une des essences qui se décomposent le plus lentement en raison de certains composés chimiques présents dans les cellules ligneuses. De plus, l'écorce dont est faite la plus grande partie des paillis est plus résistante encore. Il faudra donc des années avant que l'impact sur l'acidité du sol ne soit vraiment important.

 À la suite de mes questions, Guy Laliberté a procédé cet automne à plusieurs analyses chez lui et sur les terrains de l'Institut où il enseigne. Il utilise du paillis de thuya sur son terrain depuis une douzaine d'années, et a prélevé ses échantillons de sol sous un conifère implanté au même endroit depuis 15 ans. Résultat: pH de 6,6. Les prélèvements effectués sur un lot de l'institution où poussent des épinettes, pins et autres conifères depuis au moins 40 ans affichaient, quant à eux, un pH de 5,4. M. Laliberté souligne que le taux d'acidité du paillis de cèdre lui-même est de 5,4.

 «Plusieurs ont tendance à croire qu'un sol neutre (pH 7) est idéal pour la croissance des végétaux. Ce n'est pas exact. Le terreau qui convient le mieux devrait se situer entre 5,5 et 6,5. Par exemple, les mélanges utilisés au Québec par les pépiniéristes pour leurs feuillus se situent autour de 5,5», explique-t-il.

 Si le sol est trop acide (en bas de 5), les plantes ne pourront assimiler les éléments nutritifs, à l'exception des plantes de tourbière (sarracénie et autres) ou acidophiles comme les rhododendrons. En sol alcalin (plus de 7), c'est le même phénomène qui se produit. Mais les sols très alcalins sont extrêmement rares en Amérique du Nord.

 À vrai dire, avec les paillis, c'est la diminution de la teneur en azote dans le sol à la suite de la décomposition des fibres de thuya qui pourrait théoriquement poser problème. Mais comme ce processus s'étend sur une très longue période, l'effet est nul ou presque.

 Ce n'est pas le cas toutefois des paillis de feuillus, particulièrement ceux fabriqués avec des résidus d'émondage, comme cela est fréquent dans plusieurs municipalités. En se décomposant, ces résidus consomment une grande partie de l'azote du sol, du moins sur une période de quelques mois, avant que la composition du sol ne revienne à la normale.

 Si on cultive des plantes potagères ou encore des annuelles lorsque la décomposition de ce paillis atteint sa phase maximale, la situation peut devenir catastrophique pour les plantes, insiste Guy Laliberté. «C'est ce qu'on appelle la soif d'azote, dans le langage horticole. Nous avons vécu l'expérience au Jardin Daniel A. Seguin, en face de l'Institut. Les plantes sont restées petites et chétives, décolorées comme si elles étaient à la limite de leur survie.»

 

Photo Pierre McCann, La Presse

Le Dicentra formosa «Luxuriant» est l'une des plantes qui tolèrent parfois mal la présence de paillis.