À l'époque, dans les années 60 ou 70, le nec plus ultra en aménagement paysager domestique, c'était la rocaille.

À l'époque, dans les années 60 ou 70, le nec plus ultra en aménagement paysager domestique, c'était la rocaille.

 Il s'agissait habituellement d'une petite butte de terre où on avait disposé quelques gros cailloux et des plantes trop souvent disparates. Rien à voir en réalité avec le traditionnel «rock garden» anglais, le jardin alpin où pousse une flore très particulière, typique des milieux arides de montagne. C'est l'univers des plantes alpines, habituellement de petite taille, souvent à floraison printanière, mais des végétaux qui résistent normalement aux grandes froidures et même à la sécheresse en dépit du sol sablonneux et rocailleux où elles ont pris racines.

 Voilà des années que je voulais aménager un jardin alpin mais sans trop savoir comment, d'autant plus que mon terrain de la Rive-Sud est d'une horizontalité désolante. Pas question d'aménager une colline ou un jardin de crevasses comme au Jardin botanique de Montréal bien que la chose me soit venue à l'esprit. J'ai donc délaissé les idées de grandeur.

Puis, l'été dernier, en visitant les aménagements alpins de Michel Corbeil, le proprio de la Maison des fleurs vivaces, à Saint-Eustache, ce fut le déclic.

 Aujourd'hui, presque un an jour pour jour après avoir aménagé ma modeste «montagne», je vous présente l'oeuvre. Non pas parce qu'elle est extraordinaire. Loin de là. Je suis un amoureux des plantes mais en design végétal, je suis nul, enfin presque. Je veux tout simplement partager mon expérience parce que si j'ai réussi, (enfin! c'est pas si mal) vous pouvez réussir vous aussi.

 À ma grande satisfaction, les quelques dizaines de plantes mises en terre à la fin août, l'an dernier, ont toutes résisté à l'hiver, à une ou deux exceptions près. Puis au printemps, ce fut une explosion de couleurs, un ravissement. Et le plaisir dure encore aujourd'hui grâce aux conifères nains, aux espèces à floraison plus tardive comme ce Nepeta nervosa «Blue Carpet», aux plantes cultivées pour la couleur de leur feuillage comme les hostas miniatures, les joubarbes, certains sedums ou encore, certaines annuelles à fleurs minuscules mais de toute beauté comme Lindernia grandiflora.

 Plus encore, l'aménagement a été conçu dans un espace très limité. Il peut donc convenir aux petits terrains et loge des dizaines de plantes. En outre, comme il est légèrement surélevé, il offre une perspective très agréable sur le terrain et une grande facilité d'entretien.

Quant aux coûts, on parle tout au plus de quelques centaines de dollars pour l'achat de la pierre, selon la dimension que vous voudrez donner à votre aménagement. Une fois le matériel en main, il vous faudra une journée ou deux pour achever la structure de votre oeuvre.

 Ensuite commencera le plaisir, le choix, l'achat et la transplantation de vos plantes, une étape évidemment qui peut vous coûter une petite fortune si vous ne regardez pas à la dépense, comme on dit. Mais vous pourrez obtenir d'excellents résultats sans vous ruiner.

 Essentiellement, la structure extérieure est constituée de murs en pierre inclinés vers l'intérieur, de façon à retenir par leur poids la masse de terreau, sans aucun apport de béton. Dans mon cas, pour réduire les frais, la moitié du mur, celle qui est la moins visible, est faite de pierre des champs alors que l'autre moitié est construite avec des pierre plates d'environ 15 cm de largeur, taillées d'ailleurs au fur et à mesure de la construction.

 À mon avis, il n'est pas nécessaire de construire une assise pour votre premier rang de pierres si le sol est assez bien compacté. De toute façon, l'ensemble de la structure est lâche et sujette aux mouvements à suite du gel, mais cela n'affectera pas l'aménagement. Vous pouvez donner la forme que vous voulez à votre jardin, mais sa hauteur devrait être plutôt réduite. Le mien mesure 5,2 m de longueur (17 pieds) et 45 cm de hauteur (18 pouces). Il compte huit rangs de pierres plates. Sa largeur cultivable varie de 56 cm (22 pouces) à 1 m (environ 39 pouces).

 Une fois que vous aurez décidé de la forme, vous disposez graduellement le terreau (dans mon cas, environ 75% de sable et 25% de terre à jardin) et vous placez les pierres rondes en les appuyant sur le terreau. Les pierres plates du second rang devraient être placées à environ 3-4 cm en retrait du premier rang de façon à former un escalier. Laissez de nombreux espaces entre l'extrémité des pierres pour y insérer éventuellement des plantes, notamment des joubarbes, des petits sedums, diverses variétés de thym rampant ou encore des campanules. Une fois que vous aurez obtenu la hauteur recherchée, disposez des pierres qui pourront agrémenter la surface votre futur jardin.

Des centaines de variétés offertes

 Où se procurer des plantes alpines ou des végétaux de très petite taille?

 La plupart des pépinières en ont toujours quelques-unes mais elles sont rarement identifiées comme telles. La Maison des fleurs vivaces (450-472-4358) offre un choix intéressant, tout comme Au Jardin de Jean-Pierre (www.jardinjp.com),à Sainte-Christine, près d'Acton Vale, qui tient une belle gamme de conifères nains (pins, pruches, ifs, etc).

 Mais la maison qui a le plus vaste choix est Alpines Mont Écho, à Sutton, dont la liste compte plusieurs centaines de variétés. Une visite sur le site www.alpinemtecho.com vous permettra d'imprimer son catalogue où vous retrouverez une foule de renseignements utiles comme la hauteur des plantes, la couleur des fleurs et du feuillage, la zone de rusticité, la luminosité, l'usage (auge, rocaille, muret, crevasse...). Vous pourrez alors voir les plantes sur Google ou autre (section images) en utilisant le nom scientifique de la plante qui vous intéresse. Vous serez d'ailleurs en mesure de constater que les variétés naines ou alpines sont tellement nombreuses que votre jardin pourrait se renouveler durant des années sans jamais utiliser les mêmes.

 Parlons maintenant de l'entretien.

 À la plantation j'ai déposé un peu de terreau riche en compost dans chaque trou accueillant une plante, histoire de lui assurer un régime un peu plus riche. Quelques plantes bulbeuses ont aussi été plantées (petits iris, crocus hâtifs, corydales, muscaris, etc.) pour assurer une floraison très tôt en saison. J'ai également mis de la mousse dans la jonction des «marches» à des fins décoratives, mais les oiseaux l'ont souvent enlevée, vraisemblablement pour tenter d'y trouver des insectes ou s'en servir dans leur nid. Il existe plusieurs types de mousses et certaines espèces poussent tout simplement dans les coins ombragés des trottoirs, sur l'asphalte, le sable ou le bois. Toutes sont à portée de main et sans frais.

 Comme dans un autre jardin, il vous faudra éliminer les mauvaises herbes, notamment celles qui voudront prendre place entre les pierres. Mais il s'agit-là d'un travail routinier comme celui d'éliminer les semences d'érables, de frêne ou d'autres arbres qui voudront prendre racines. Évidemment, vous ferez des erreurs. Par exemple, quelques plantes sont plus hautes ou plus encombrantes que les étiquettes ne l'indiquent.

 Heureusement, les passionnés savent que jardinage et paresse ne vont pas de pair. Mais le jardin alpin, lui, vous apportera un maximum de satisfaction en retour d'exigences presque minimales. Moi qui ai toujours aimé les plantes de petite dimension, parce qu'elles exigent la contemplation, je suis comblé. Croyez-moi, ce sont de grandes plantes... naines.

 

Photo Robert Mailloux, La Presse

Le <i>Nepeta nervosa</i> «Blue Carpet» fleurit à partir de la mi-juillet.