Dans nos cours, les potagers ne sont plus aussi nombreux qu'avant. Et là où il y en a, ils sont souvent de petite taille. N'empêche qu'on les traite aux petits oignons. Alors qu'on déguste déjà leurs radis, on éprouve une grande satisfaction à voir profiter leur laitue tout en étant impatient de casser les premières tomates. Aussi bien pour s'en délecter que pour les montrer à ses amis.

Dans nos cours, les potagers ne sont plus aussi nombreux qu'avant. Et là où il y en a, ils sont souvent de petite taille. N'empêche qu'on les traite aux petits oignons. Alors qu'on déguste déjà leurs radis, on éprouve une grande satisfaction à voir profiter leur laitue tout en étant impatient de casser les premières tomates. Aussi bien pour s'en délecter que pour les montrer à ses amis.

 «Ce sont "les mordus" qui font leur potager», dit Louis Saint- Hilaire, conseiller en horticulture au Centre Jardin Hamel. Ils ne sont d'ailleurs pas légion.

 Car la vie trépidante qu'on mène, la petitesse des terrains, notre inclination pour les plantes ornementales, l'abondance de légumes frais et appétissants dans les marchés publics de la mi-juillet jusqu'à l'automne, et leur exubérance à longueur d'année dans les supermarchés s'y opposent.

 «Bien sûr, le marché public est un remarquable exutoire. On peut s'y procurer des légumes tout comme si on les avait soi- même cueillis, le matin. Mais l'intérêt, l'enthousiasme et la fierté sont plus grands quand on les a personnellement cultivés. On les trouve même plus savoureux», est persuadé François Lachaussée, également conseiller au Centre Jardin Hamel.

 On craint les pesticides. «Pourtant le potager, qui nous permet de s'y dérober un peu, reste marginal», déplore Susanne Roy, conseillère en communication au sein de la société Horticom de Sainte-Foy. Cependant, elle se félicite que plusieurs jeunes ménages s'y emploient. Ils s'en servent aussi comme médium d'interprétation de la nature auprès de leurs enfants.

 Retour en enfance

 Dans le quartier Montcalm, où les maisons s'entassent, où les cours sont exiguës, les arbres nombreux et l'ombre plus fréquente que le soleil, les potagers sont rarissimes. Malgré cela, un jeune père, prénommé Rémy, y fait le sien.

 «Lorsque j'étais petit, ma mère et moi, au chalet, faisions le jardin. On accompagnait les légumes dans leur croissance. Et on prenait tant de plaisir à manger ce qu'on avait produit», raconte-t-il.

 Oh ! son potager n'est pas grand. Mais assez pour en avoir planté, en contrebas d'un écran de framboisiers, de la laitue, des carottes dont une partie a été dévastée par un insecte, du concombre, du poireau, des haricots et quelques plants de tomates. Plus loin, un rang de topinambours. Quand il ne pleut pas, c'est Clémence, la cadette de la famille, qui arrose tout ça. Comme elle s'amuse et s'émerveille, elle s'instruit.

 Le potager, continue Rémy, remet les pendules à l'heure. Il rapatrie dans la cour les connaissances de base que les grands maraîchers ont détournées. Car la production maraîchère, fondée sur le «prêt-à-manger», échappe à l'observation. Les petits ne savent trop comment se forment et croissent les légumes. Avec le potager, ils voient. De plus, ils prennent part au projet.

 Une dame de Portneuf, qui s'est confiée au Soleil, y exploite un petit jardin. À la campagne où elle a grandi, le potager ne la passionnait pas. À présent, elle en est éprise. Quant aux plantes ornementales, elles ne l'émeuvent pas assez pour en cultiver. «Aucun intérêt», admet-elle.

 Son jardin potager n'a que 8 pi X 8 pi. «Si je disposais d'un peu plus de temps, je le ferais plus grand», jure-t-elle.

 Néanmoins, sur un aussi petit carré, elle parvint à mettre 24 plants de haricots et quatre plants de concombres. Tous grimpants, par économie d'espace. Puis deux plants de tomates et quelques plants de piments. «Puis, un rang d'échalotes», précise-t-elle.

 Elle le fait pour l'agrément de voir pousser et déguster. De même que dans un certain esprit d'autosuffisance alimentaire.

 Louis Carbonneau est paysagiste et copropriétaire du Regard Vert de Charlesbourg. Dans la cour toute aménagée de sa propriété, située dans la circonscription de Champlain, est intégré son potager de 300 pi². Il comprend, entre autres, des laitues dont certaines sont «spécialisées», des pois mange-tout, des concombres, des courges actuellement en fleurs, des tomates et des carottes.

 Quand les tomates sont mûres, rien ne lui plaît plus, le matin, que de descendre en cueillir une pour son déjeuner. Et il se flatte de pouvoir laisser croître les carottes jusqu'aux premiers gels d'automne. Alors que les fines herbes, tout l'été, montent la garde près de la porte de la cuisine.

 Il s'interdit toutefois de cultiver du maïs, des fraises et des framboises. «Il s'en produit beaucoup dans le comté», se justifie-t-il. Tout en se demandant comment il pourrait faire mieux que les producteurs agricoles de l'endroit.

 Dans une semaine ou deux, il reçoit sa famille. Il a hâte. «Nous nous approvisionneront au potager», se promet-il.

Patience en pot

 Le potager «long et patient» survit, grâce notamment aux 40 ans et plus. Mais on appréhende sa disparition ou sa conversion car, chez les 18-34 ans, la patience n'est pas in.

 «Les gens de plus de 40 ans sont disposés à remuer la terre et attendent volontiers la récolte», constate Louis Saint-Hilaire du Centre Jardin Hamel.

 Quant aux jeunes, ils vivent en accéléré. Ils ne supportent pas l'attente. Ils ne s'accordent pas avec l'idée de «faire son jardin et attendre que ça pousse».

 «Ils veulent avoir du beau, prêt à admirer et à récolter tout de suite. Au plant de tomate qui commence à 2 $, ils préfèrent celui qui est feuillu et bien formé à 12 $», détaille M. Saint-Hilaire. Du moins, jusqu'à ce que se produise un retournement de l'économie. «Car on s'aperçoit que ce qu'on produit soi-même coûte moins cher.»

 Pour eux, s'inquiète de son côté Guylaine Lamarre, horticultrice également au service du Centre Jardin Hamel, la saison du potager est déjà finie. Ils passent déjà à autre chose.

 Cependant, ce que les jeunes achètent tout fait, pour consommation presque instantanée, les agriculteurs le produisent en temps réel. Les détaillants, quant à eux, doivent s'approvisionner chez les serriculteurs et maraîchers de provinces et régions plus chaudes afin que les plantes potagères achevées arrivent par avance. Les ventes de plants qui commencent, soutient M. Saint-Hilaire, sont donc en baisse.

 Même tendance du côté des propriétaires - qu'importe leur âge - dont le terrain est petit, eu égard aux plantes ornementales cette fois. «Ils veulent en profiter tout de suite. Ils achèteront leurs vivaces dans les jardineries, mais à maturité. On n'attend plus», observe M. Saint-Hilaire.

 De même pour le baby-boomer qui fait l'acquisition d'une propriété et qui voudra sur-le-champ une haie de cèdres plutôt qu'une clôture. Pour lui aussi, il n'y a ni temps ni plaisir à perdre. Les arbustes à prix abordable ne l'intéressent pas. Il aimera mieux les cèdres hauts à 50 $ chacun. Il peut se le permettre, il a les moyens.

 Désaccord

 Au Centre Jardin Bourbeau de Charlesbourg, où on dessert surtout les propriétaires des banlieues nord et est de Québec, on refuse de croire que le potager se meurt. «Les demandeurs de plants et graines de semence sont nombreux. Des 40 ans et plus en grand nombre, aussi bien que des jeunes ménages», allègue Huguette Bédard

 Sans compter de nombreuses gens qui jardinent sur le balcon. «Un terreau de bonne qualité, au départ, suffit généralement pour mener à terme son potager en pots. Il n'est généralement pas nécessaire, en cours de route, d'amender le sol», précise Guylaine Lamarre.

 Enfin, il faut tenir compte des fines herbes, au milieu desquelles règne le basilic. Il n'y a pas de jardinier qui n'ait son petit «jardin suspendu». Ils ne les sèment ni ne les élèvent, cependant. Ils en achètent un assortiment «prêtes à cueillir». Avec les gels d'automne, ils les rentrent pour perpétuer le plaisir.

 «C'est la fraîcheur aromatique à sa portée pour un plus grand accomplissement culinaire, un peu à la manière des grands chefs de cuisine», constate Louis Saint-Hilaire.

Préférences des jardiniers de Québec

 Dans le choix de leurs plantes potagères, les jardiniers de chez nous sont assez conservateurs. À part le chou de Siam, ils ne tournent pas le dos aux légumes d'autrefois. Mais n'en lorgnent pas moins de nouveaux. Prudemment, toutefois.

 Voici donc, d'après Huguette Bédard, conseillère en horticulture et grainetière au Centre Jardin Bourbeau, les légumes que les particuliers de la région de Québec cultivent dans leur potager.

 > Premier rang : tomates, laitue, radis, oignons, carottes, concombres, haricots, betteraves, piments et courges (zucchinis)

 > Deuxième rang : pommes de terre, maïs, petits pois, citrouilles décoratives et aubergines, parfois

 > À l'essai : gourganes (très fertiles au Lac-Saint-Jean) et pastèques (melons d'eau)

 

La laitue reste un des légumes favoris des jardiniers amateurs.