Le noyer cendré a mené jusqu'ici une existence plutôt discrète. Comme il ne s'agit pas d'une espèce forestière commerciale, l'arbre a rarement fait parler de lui. Pourtant, à la fin novembre, le New York Times s'interrogeait sur son sort.

Le noyer cendré a mené jusqu'ici une existence plutôt discrète. Comme il ne s'agit pas d'une espèce forestière commerciale, l'arbre a rarement fait parler de lui. Pourtant, à la fin novembre, le New York Times s'interrogeait sur son sort.

Comme plusieurs autres espèces d'arbres en Amérique du Nord, sa vie est en péril à cause d'un organisme pathogène provenant de l'étranger. Plus encore, au Canada et aux États-Unis, il est officiellement considéré en voie de disparition, rien de moins. Le noyer souffre d'une maladie fongique appelée chancre du noyer cendré, un champignon détecté pour la première fois en 1967 dans le Wisconsin. Certaines données laissent croire toutefois qu'il a fait son apparition sur le continent il y a environ 70 ans.

D'une longévité d'environ 80 ans, le noyer cendré atteint autour de 25 m. Répandu au Nouveau-Brunswick et au Vermont, jusqu'au Minnesota en passant par le Québec et l'Ontario, il produit des noix qui ont bon goût mais enveloppées d'une couche charnue et collante, le brou, qui tache terriblement. D'ailleurs, on se servait jadis de ce brou pour en faire une teinture jaune. Son bois dur est toujours prisé dans l'industrie du meuble et en sculpture. Présent au Québec depuis 1990 et l'année suivante en Ontario, le champignon destructeur affecterait maintenant 90 % des noyers du continent.

Il n'existe aucun remède pour guérir le malade et dans certains États comme la Caroline du Nord et la Virginie, 80 % des arbres atteints sont morts. D'ici cinq ans, on s'attend à ce que 85 % des noyers du Vermont passent de vie à trépas. Les arbres québécois devraient connaître le même sort. Il n'y a aucune régénération et les jeunes arbres sont aussi contaminés. Certains toutefois semblent résistants au fongus et les scientifiques estiment que l'espèce pourrait être sauvée grâce à ces rares spécimens. Mais le sauvetage pourrait prendre des générations.

Normalement, ce processus de sélection naturelle s'étend sur des siècles. Le chancre du noyer cendré est provoqué par un champignon microscopique qui répond au nom évocateur de Sirocorus clavigignenti-juglandacearum, une espèce qui n'a jamais été signalée ailleurs dans le monde. Mais son comportement au cours de la dernière décennie laisse croire que nous avons affaire à une espèce étrangère, indique le botaniste Jacques Brisson, professeur à l'Institut végétale de l'Université de Montréal. «Le portrait génétique du champignon démontre qu'il n'a guère évolué, souvent une caractéristique d'une introduction récente (ce qui a empêché l'évolution parallèle d'ennemis naturels), sa vitesse de propagation est très rapide et sa virulence considérable», dit-il.

Selon le scientifique, les cas d'invasion d'organismes pathogènes venus de l'étrangers sont beaucoup plus importants qu'on ne le croit généralement et peuvent changer radicalement le visage de nos forêts. En dépit de la surveillance des autorités gouvernementales, la menace est plus grande que jamais, notamment en raison des échanges commerciaux dans le monde.

Si les ravages de la maladie hollandaise de l'orme sont bien connus au Québec, d'autres cas de maladies, encore plus dévastatrices, restent ignorés du grand public. Le châtaignier d'Amérique et le hêtre figurent parmi ces victimes. Certains organismes pathogènes font actuellement des dommages importants aux États-Unis ou en Ontario et l'on craint qu'ils ne progressent vers l'est et le nord.

L'orme d'Amérique

Provoquée par deux champignons qui sont transportés par deux insectes (les scolytes de l'orme), la maladie hollandaise de l'orme a fait son apparition sur le continent à la fin des années 20, vraisemblablement à la suite de l'importation de bois d'orme contaminé. La maladie s'est répandue comme une traînée de poudre et des centaines de milliers d'ormes (on en compte six espèces en Amérique du Nord dont trois au Québec) ont été décimés. La plupart des 35 000 arbres plantés à Montréal ont subi le même sort. Le champignon empêche la circulation de la sève. Il provoque la mort de l'arbre en quelques années, mais parfois en quelques mois. Certains spécimens atteignent néanmoins une grande taille et la régénération est bonne. La protection des arbres est complexe, coûteuse et exige des insecticides systémiques.

Le hêtre

Apparu en terre d'Amérique à la suite de l'importation d'un lot de hêtres européens, la maladie corticale du hêtre est présente au Québec depuis la fin des années 60 et ses ravages prennent toujours de l'ampleur, notamment sur la Rive-Sud. Jacques Brisson estime que d'ici 25 ans, il sera impossible de trouver un seul hêtre à grandes feuilles au Québec. Dans certains États de la Nouvelle-Angleterre, dit-il, de 80 à 90 % d'entre eux sont morts, le fongus maléfique empêchant la circulation de la sève. Et les sujets qui repoussent à la base d'une souche ne dépassent guère la taille d'un grand arbuste. Aussi, sur un terrain résidentiel, est-il préférable d'éliminer la souche d'un arbre malade.

Le châtaignier d'Amérique

Répandu dans le sud de l'Ontario et dans une grande partie de l'est et du Midwest des États-Unis, le châtaignier d'Amérique, un arbre de 30 m, couvrait des forêts entières et faisait vivre toute une industrie forestière en plus de fournir des marrons à la fin de l'automne. En 1904, la brûlure du châtaignier, une maladie d'origine fongique, fait son entrée en terre d'Amérique dans un lot de châtaigniers importés d'outremer. Endémique en Europe et en Asie, l'organisme s'est avéré cependant dévastateur en Amérique du Nord. En moins de 30 ans, l'espèce a été décimée - on parle de quatre milliards d'arbres. Quelques individus de grande taille persistent ici et là, mais les deux gros spécimens de l'Arboretum Morgan sont morts, il y a deux ans, à la suite de la maladie. Le Jardin botanique de Montréal en possède quelques exemplaires matures.

La pruche du Canada

Répandues dans le sud-est du Canada et dans l'est des États-Unis, la pruche du Canada et sa cousine, la pruche de la Caroline, sont menacées actuellement par le puceron lanigère de la pruche, une bestiole d'origine asiatique. Introduit en Colombie-Britannique dans les années 20, le puceron s'est manifesté la première fois dans les années 50 en Virginie. Dans son habitat d'origine, celui-ci fait des dommages mineurs en raison de ses ennemis naturels. Dans l'Ouest, peu d'impact parce que la bête ne semble guère appréciée l'espèce de pruche de la région. Il en va tout autrement dans l'est des États-Unis. Par exemple, dans le parc de Shenandoah, en Virginie, au moins 80 % des pruches sont mortes à la suite des attaques répétées du puceron. L'insecte duveteux suce la sève des feuilles du conifère en plus d'introduire dans les plaies une substance nocive. L'arbre, qui peut atteindre 50 m et vivre plus de 400 ans, meurt habituellement trois à cinq ans après les attaques. Le puceron n'est pas encore présent au Québec mais poursuit sa progression vers le nord .On le retrouve actuellement dans le Maine et l'État de New York. On tente de lui faire la lutte avec des prédateurs importés

Le cas du longicorne asiatique

Introduit à New York en 1996 dans du bois en provenance d'Asie, plus particulièrement de Chine, le longicorne asiatique est un insecte perceur qui a fait ensuite son apparition dans des circonstances similaires à Chicago, dans le New Jersey, et tout récemment, en 2004, à Toronto. La Ville reine a même abattu plus de 15 000 arbres dans la zone de quarantaine pour circonscrire la présence de la bête qui n'a pas d'ennemis naturels sur le continent. Le longicorne, qui semble actuellement sous contrôle sur les lieux d'infestation, a une nette préférence pour les érables (toutes espèces confondues), les saules et les ormes. Il peut causer la mort de son hôte en quelques années en creusant des galeries sous l'écorce, empêchant ainsi la sève de circuler. On imagine mal l'allure qu'auraient nos forêts à la suite d'une infestation.