Pour les novices du jardinage l'utilisation des noms botaniques, à résonance latine ou grecque, paraît souvent rébarbative. Pourquoi ne pas se limiter au nom commun? Mais, à force de rencontrer les noms latins sur une base régulière, on se prend à commencer à les apprécier.

Pour les novices du jardinage l'utilisation des noms botaniques, à résonance latine ou grecque, paraît souvent rébarbative. Pourquoi ne pas se limiter au nom commun? Mais, à force de rencontrer les noms latins sur une base régulière, on se prend à commencer à les apprécier.

Ils sont souvent évocateurs, très près du français, puisque le latin et le français sont des langues romanes, mais surtout, ils évitent toute confusion. Après tout, plusieurs plantes peuvent partager un nom commun, mais chaque plante n'a qu'un seul nom latin. Personnellement, je suis pris avec ce problème tout le temps dans les courriels et les lettres que vous m'envoyez. Ainsi, un lecteur veut savoir quelque chose au sujet du « mille fleurs » mais je ne peux pas répondre car il y a des dizaines de plantes qui s'appellent ainsi (Impatiens, Lantana, Begonia, Aster, etc.).

Un autre exemple est le sabot de la vierge qui évoque une orchidée (Cypripedium) pour certains, mais une vivace appelée Thalictrum aquilegifolium pour d'autres. Ou encore, le « tabac du diable » qui peut être le Symplocarpus foetidus, l'Arctium lappa ou le Verbascum thapsus selon les différentes régions du Québec ou même le Cannabis sativus en Europe!

De même le nom « lilas », que nous utilisons au Québec pour le grand arbuste à floraison parfumée (Syringa), s'applique plutôt au Ceanothus, un grand arbuste sans le moindre parfum, dans d'autres pays. Et ainsi de suite. Les noms communs c'est comme une vraie tour de Babel! Par contre, même en voyage au fin fond du monde, vous arriverez à vous faire comprendre d'un jardinier parlant l'ouzbek ou le japonais si vous connaissez le nom botanique d'une plante, car il est international. C'est pourquoi je vous mets au défi pour l'année 2007: que ce soit l'année où vous apprendrez à reconnaître, sinon utiliser, le « vrai nom » des plantes.

Les gens semblent souvent surpris que j'utilise les noms botaniques avec tant d'aisance mais en fait, en plus de la pratique (je suis plongé dans l'horticulture à coeur de jour!), si je me rappelle si facilement les noms botaniques c'est que j'ai appris à les comprendre. Non pas que je puisse converser en latin, mais à force d'être en contact avec les noms botaniques, j'ai appris un peu la signification du vocabulaire latin. Pour moi, par exemple, il est évident que: alba veut dire «blanc», rubra veut dire «rouge», nigra veut dire «noir», cyanea c'est «bleu», flava c'est «jaune», purpurea c'est «pourpre», aurantiaca c'est «orange», argentea c'est «argenté», etc.

Et je suis convaincu que plusieurs autres lecteurs ont compris sans peine au moins un mot ou deux de cette liste. Aussi, si j'entends le mot prostrata, on n'a pas besoin de me dire que la plante pousse de façon prostrée, que grandiflora indique que les fleurs sont grandes, que nana veut dire nain, etc. Certains mots sont plus obscurs, mais ont du bon sens quand on les comprend: dendron veut dire arbre. Donc Rhododendron veut dire «arbre rose »(rhodo), Philodendron signifie «qui aime les arbres» (de philo pour amour), car le philodendron grimpe sur les arbres, Toxicodendron veut dire «arbre empoisonné», etc.

Et quand vous savez que anthus veut dire «fleur», tout d'un coup des noms incompréhensibles comme Dianthus, polyanthus et Helianthus s'éclairent. En effet, Dianthus équivaut donc à «fleur des dieux» (dius signifiant «dieu»), polyanthus, fleurs multiples (poly = «plusieurs») et Helianthus, fleur de soleil (de helios, soleil) pour la plante que nous appelons tournesol, girasol ou soleil (encore des noms communs multiples !). Dracocephalum aussi ne paraît pas avoir un sens, mais quand vous saisissez que draco veut dire «dragon» et cephalum «tête», on comprend que cela évoque la forme de la fleur, en forme de tête de dragon. Ainsi la majorité des noms botaniques ont un « sens » quelconque et quand on le comprend, il est plus facile de se les rappeler.

Des noms honorifiques

Quand le nom latin n'a pas de sens générique, souvent c'est parce qu'il est honorifique. Ne cherchez pas le sens de Gaultheria, par exemple: ce n'est même pas un nom latin, mais plutôt du français latinisé, car le nom honore le botaniste québécois Jean-Pierre Gaulthier. Tout comme Bougainvillea honore Louis-Antoine de Bougainville, l'aide-de-camp du Marquis de Montcalm et Begonia honore Michel Bégon, qui fut gouverneur de la Nouvelle-France.

Il existe même un Ligularia hodgsonii, nommé non pas en mon honneur, mais en celui du botaniste britannique Bryan Houghton Hodgson. Souvent les noms honorent non pas des humains, mais des figures de la mythologie. En effet, qui ne comprend pas que Narcissus, Hyacinthus, Iris, Daphne, Adonis, Cassiope et Andromeda ont des liens avec la mythologie grecque? D'ailleurs, il y a une belle légende derrière chacun de ses noms!

Des trucs mnémoniques

Parfois, quand la référence est plus obscure, j'en fais un jeu de mots. Verbena bonariensis veut en fait dire la «vervaine de Buenos Aires», mais pour moi, ce sera toujours la vervaine bonne à rien. Episcia est « épicé », Houttuynia est hautaine, Phacelia est facile, Petasites est un parasite (il est envahissant), etc. Ces petits jeux de mémoire, qu'on appelle aides mnémotechniques (à noter que la plupart des noms latins sont plus faciles à retenir que « mnémotechnique »!), font que les noms botaniques me viennent facilement à l'esprit. Essayez vous-mêmes! Je vous donne trois noms botaniques qui n'ont pas a priori de sens immédiat: Papaver («coquelicot»), Malus («pomme»), Syringa («lilas»). Essayez de les prononcer, de les imaginer, puis de trouver un mot qui aurait un sens pour vous: quand vous l'aurez fait, vous verrez, vous ne les oublierez plus.