Tout a débuté avec quelques épinards semés pour évaluer le terroir. « Ce goût et cette satisfaction de semer une petite graine qui donne autant… Ça m’a transformé ! », résume l’ancien homme d’affaires Ramzy Kassouf, qui a compris, ce jour-là, que sa véritable vocation était ailleurs : à la ferme et sur cette terre rescapée de la pointe ouest de l’île où les laitues sont reines.

Fut une époque où l’ancienne terre maraîchère de Senneville, petite municipalité située à 20 minutes de Montréal, regorgeait de plantes potagères. Trois décennies plus tard, quand Ramzy Kassouf l’a rachetée de spéculateurs immobiliers, ses 30 acres étaient à l’abandon. L’homme d’affaires a eu envie d’y voir pousser des légumes plutôt que des immeubles. Dans un virage à 180 degrés qui l’a conduit à embrasser une production et une consommation responsables, il est devenu fermier et défenseur du « slow money ».

Avec un jeune diplômé en agriculture et en sciences de l’environnement de l’Université McGill, il démarrait les Jardins Carya, en 2007. Ramzy Kassouf et Alex Flores engagent aujourd’hui 25 employés et alimentent en verdures Toqué !, Damas, Joe Beef, Lola Rosa… une quarantaine de tables montréalaises au total, quelques épiceries et les Fermes Lufa.

Sur les 80 légumes produits au départ, ils en ont gardé une vingtaine, essentiellement des laitues et mélanges à salade devenus leur spécialité, qu’ils produisent en agriculture certifiée biologique. Tous deux parlent volontiers de ces joyaux. À ce temps-ci de l’année, une grande parcelle du terrain en est recouverte et forme un tapis de végétaux : mesclun, épinard, moutarde, roquette, chou frisé… De 700 à 800 kg de verdures produits chaque semaine. L’hiver, ce sont plutôt les micropousses cultivées au Petit Jardin de Kirkland.

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« Batavia », romaine « Dragoon », frisée « Cherokee » et « Star Fighter » sont au nombre des laitues cultivées aux Jardins Carya.

Secrets de culture

Dans une fraîcheur printanière, les laitues sont au mieux, disent-ils. Ce n’est pas tant le froid qu’elles craignent, mais bien les grandes chaleurs d’été qui les font flétrir, monter en graines et développer une amertume. Que faire alors pour en avoir à se mettre sous la dent en tout temps, du printemps jusqu’au début d’octobre ? Le secret, répondent-ils, tient dans ces quelques points.

Faire les bons choix

Des laitues « trois saisons »
  • Les feuillages verts de la « Star Fighter » et de la « Grazion » sont parmi les plus résistants.

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    Les feuillages verts de la « Star Fighter » et de la « Grazion » sont parmi les plus résistants.

  • La frisée « Cherokee »

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    La frisée « Cherokee »

  • Avec son feuillage délicat, la Boston se plaît au printemps, mais moins en été. Plus épaisses, mais tout de même tendres, les « Batavias » traversent la saison chaude sans peine.

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    Avec son feuillage délicat, la Boston se plaît au printemps, mais moins en été. Plus épaisses, mais tout de même tendres, les « Batavias » traversent la saison chaude sans peine.

  • Le mélange mesclun Salanova est composé d’une sélection de laitues à grosses têtes. « Les semences sont chères, mais elles sont bien sélectionnées et offrent un bon rendement. On ne récolte que la moitié supérieure des têtes. De cette façon, on peut facilement obtenir deux ou trois récoltes pour chaque plant », indique Alex Flores.

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    Le mélange mesclun Salanova est composé d’une sélection de laitues à grosses têtes. « Les semences sont chères, mais elles sont bien sélectionnées et offrent un bon rendement. On ne récolte que la moitié supérieure des têtes. De cette façon, on peut facilement obtenir deux ou trois récoltes pour chaque plant », indique Alex Flores.

  • Les romaines poussent bien et prennent peu d’espace au jardin. En été, leurs pointes ont toutefois tendance à brunir. Ce n’est pas le cas de la « Dragoon », une variété naine qui arrive à maturité en 50 jours plutôt qu’en 65.

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE JOHNNY SEEDS

    Les romaines poussent bien et prennent peu d’espace au jardin. En été, leurs pointes ont toutefois tendance à brunir. Ce n’est pas le cas de la « Dragoon », une variété naine qui arrive à maturité en 50 jours plutôt qu’en 65.

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« Il faut toujours sélectionner ses laitues en fonction du climat. La plupart aiment le printemps et l’automne, mais certaines tiennent aussi en été », indique Alex Flores, qui a testé plusieurs variétés au fil des années. « Les feuillages délicats montent en graines et brûlent généralement plus vite que ceux des laitues craquantes. Des cultivars ont toutefois fait leurs preuves sur trois saisons », ajoute le chef de production des Jardins de Carya qui dévoile ici ses coups de cœur.

Soigner le terreau

Une bonne terre veut dire des légumes en bonne santé et qui dit légumes vigoureux dit meilleure résistance aux maladies et aux envahisseurs. Avant de semer ou de planter, travaillez la terre avec un bon compost et du fertilisant, souligne Alex Flores qui conseille l’utilisation de farine de luzerne ou de fumier de poule. Puisqu’elles arrivent rapidement à maturité, les verdures n’auront pas besoin d’autres nutriments par la suite. Elles seront en revanche gourmandes en eau.

De l’eau, du soleil et encore de l’eau

On arrose les laitues chaque matin et deux fois par jour — matin et soir — en temps de canicule. Comme une humidité persistante s’accompagne d’un risque de moisissure, la lumière du matin est celle qui leur est la plus bénéfique pour que sèche rapidement leur feuillage.

De l’espace et un bon désherbage

Lorsqu’elles sont plantées trop serrées ou qu’elles sont en compétition avec d’autres plantes, les laitues ont tendance à pousser en hauteur plutôt que de s’élargir. Réservez un espace de 20 à 30 cm à chaque plant.

Récolter au bon moment

C’est tôt le matin qu’elles ont le meilleur goût. Quand la journée se réchauffe, l’eau se concentre dans les racines et un liquide blanc amer monte dans les feuilles pour les protéger. Elles prennent de 35 à 42 jours pour venir à maturité en plants ; de 45 à 50 jours à partir des semences. On peut toujours les effeuiller entre-temps, mais au-delà, elles commenceront à développer une amertume puis à monter en fleurs. « Coupez les têtes et gardez les racines en terre pour enrichir leur terreau. Puis plongez la laitue quelques secondes dans l’eau froide dès le moment de la récolte, conseille Ramzy Kassouf. De cette façon, elles resteront bien croquantes pendant 9 ou 10 jours au frigo. »

Semer en continu

Si vous prévoyez manger trois laitues par semaine, semez-en tout autant chaque semaine, conseille le fermier qui suggère de démarrer la culture en plants et en semis. De cette façon, vous pourrez commencer à consommer les premières d’ici deux à trois semaines, avant que les semis arrivent à maturité.