Peut-on espérer cultiver un potager sur un terrain ombragé ? Si notre vision d’un jardin comestible est celle d’un endroit où poussent les classiques tomates, poivrons, concombres ou haricots, la réponse est non. Mais il serait dommage de jeter si vite l’éponge…

La part d’ombre

Réglons d’abord la question de l’ensoleillement. Les plantes qui aiment le soleil, ce qui est le cas de la plupart de celles qu’on se met sous la dent, ont besoin d’au moins six à huit heures de lumière par jour. Mais ces heures n’ont pas besoin d’être consécutives, souligne Larry Hodgson, qui publie Le potager du jardinier paresseux ce printemps.

« Si on arrive à grappiller trois heures le matin, puis d’autres plus tard en après-midi et en fin de journée, il est possible qu’on ait ce qu’il faut. Les gens ont souvent tendance à sous-évaluer leur ensoleillement », observe-t-il en soulignant l’un des avantages de vivre dans le Nord, soit l’abondance de lumière du jour. « En milieu d’été, on parle de 14 heures à Montréal et de presque 16 heures à Québec, c’est énorme ! »

Les plantes à privilégier

  • L’agastache

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

    L’agastache

  • Les choux, comme le frisé

    PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

    Les choux, comme le frisé

  • Le céleri

    PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

    Le céleri

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Certaines plantes potagères résistent mieux que d’autres à un milieu mi-ombragé. C’est le cas de nombreux légumes à feuilles qui se plaisent dans une certaine fraîcheur : la bette à carde, le poireau, le céleri, la laitue, l’épinard, la roquette et les choux à feuilles (choux frisé ou bok-choy, mais pas le chou-fleur, qui aime évoluer au soleil), l’oseille et la rhubarbe. Du côté des petits fruits, le fraisier, le framboisier, le gadelier et le bleuetier résistent plutôt bien au manque de lumière.

Certaines plantes comestibles préfèrent même carrément la mi-ombre et l’ombre. Nommons la mâche et le cresson des jardins, qui s’insèrent délicieusement dans les salades et smoothies, ou encore la fougère à l’autruche. Bien que cultivée la plupart du temps comme plante ornementale, cette dernière fait le régal des amateurs qui en récoltent les crosses, ou têtes-de-violon, pour les poêler avec un peu de beurre et d’ail.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Têtes-de-violon

Du côté des fines herbes, on peut compter sur la ciboulette, le cerfeuil, l’agastache, la livèche, l’oseille, le persil et la verveine citronnée. Quant à l’aspérule odorante et à la menthe, elles poussent sans effort à l’ombre où elles demeurent d’ailleurs tout aussi envahissantes.

Réviser ses attentes

Beaucoup de plantes potagères prendront plus de temps à croître avec moins de six heures de soleil et donneront éventuellement des fruits et légumes plus petits et en moins grand nombre. Ils n’en sont pas moins comestibles, relève Larry Hodgson.

Les légumes racines, comme les betterave, panais, pomme de terre et carotte, produiront, mais en plus petite quantité. L’oignon et l’ail ne donneront pas de gros bulbes à conserver, mais leur feuillage se mange. Il suffit de voir les choses autrement.

Larry Hodgson

Cultiver à l’ombre comporte aussi d’autres avantages, ajoute le spécialiste, comme le fait de jardiner sans risque d’attraper un coup de soleil, de gérer moins d’herbes indésirables, ou encore d’arroser moins souvent, la plupart du temps, du moins. La présence de nombreuses racines d’arbres ou d’arbustes peut en effet drainer l’eau du sol. Peu importe que le potager soit exposé au gros soleil ou non, il y a toujours lieu de vérifier d’abord l’humidité de la terre avant d’arroser, avise-t-il.

Moins d’ensoleillement signifie aussi plus de fraîcheur. Les plantes qui préfèrent la chaleur, comme le céleri, la verveine et le cerfeuil, peuvent être plantées sur une butte plutôt que directement en terre.

PHOTO PIERRE MCCANN, ARCHIVES LA PRESSE

L’oignon, l’ail et le poireau donneront de petits bulbes qui ne peuvent être conservés, mais sont tout aussi comestibles.

Cinq astuces pour maximiser l’ensoleillement

• Diminuez ce qui fait écran. Vous savez, ces végétaux que vous envisagiez de conserver à une hauteur de 4 pi et qui en font maintenant le double ? L’heure est probablement venue de les tailler et d’élaguer du même coup l’arbre qui surplombe votre projet nourricier.

• Les couleurs pâles reflètent davantage la lumière que les teintes foncées. Pour augmenter la luminosité du terrain, on peut peindre un mur ou une clôture en blanc, et étendre une toile géotextile blanche sur la terre, ce qui laissera passer à la fois l’eau et la lumière.

• Hexa, le petit robot japonais, peut prendre soin d’une plante (une seule) en se promenant de façon à ce qu’elle ne manque jamais de lumière. Il en faudrait toutefois un troupeau pour s’occuper du jardin. De manière plus réaliste, il y a le potager sur roulettes. « Je connais un jardinier qui fait son potager dans deux brouettes qu’il déplace selon l’ensoleillement », raconte Larry Hodgson, en convenant qu’il s’agit d’une idée ingénieuse. Les contenants munis de poignées de type Smart Pot sont aussi une option.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Un plant de laitue

• « Faites des rangs nord-sud plutôt qu’est-ouest, conseille également le spécialiste en horticulture. Cela permet au soleil d’éclairer toute la rangée de plantes, même celles qui sont situées tout au fond. »

• Enfin, dans la planification et l’aménagement du potager, veillez à ce que les grandes plantes ne fassent pas ombrage aux plus petites.

Potager du jardinier paresseux

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS BROQUET

Larry Hodgson
Éditions Broquet
160 pages