Les menaces qui planent sur les populations d’abeilles mettent ces petits insectes sur la sellette. Pour protéger leurs populations de manière durable, chaque petit bout de jardin compte.
On recense 20 000 espèces d’abeilles dans le monde, la plupart en déclin en raison de la fragmentation de leur habitat, de la pollution, de l’agriculture massive et des changements climatiques.
En ville, leur nourriture est insuffisante, alors qu’en zone rurale, elle est gorgée de pesticides et d’autres polluants. Les monocultures, par leur manque de diversité, sont par ailleurs des déserts pour les pollinisateurs, explique Pierre Giovenazzo, professeur au département de biologie de l’Université Laval. Or, une bonne partie de l’agriculture dépend de l’intervention des pollinisateurs.
L’année dernière, 37 000 ruches devaient être transplantées au Lac-Saint-Jean pour polliniser les bleuets, uniquement.
L’environnement dans lequel évoluent naturellement les abeilles sauvages a été détruit et modifié. Tout ça fait en sorte que lorsqu’on a besoin d’abeilles pour polliniser, il faut maintenant les louer.
Pierre Giovenazzo, professeur au département de biologie de l’Université Laval et spécialiste des sciences apicoles
La part d’un tout
Lorsqu’un maillon est touché, c’est toute une chaîne qui se voit amputée, relève Marie-Anne Viau, vulgarisatrice scientifique pour Miel Montréal. Sans habitat et sans plantes à butiner, certains insectes peinent à survivre, et sans ces insectes, des oiseaux n’ont plus accès à leur nourriture. Enfin, dans l’absence de prédateurs, des ravageurs prolifèrent et deviennent difficiles à contrôler.
« Certaines études démontrent d’ailleurs qu’il faudrait ramener un ratio de 70 % de plantes indigènes pour sauver les populations d’oiseaux », soutient la porte-parole. Tendre vers cet objectif permettrait, du même coup, de revigorer une chaîne alimentaire dans laquelle les abeilles et les autres pollinisateurs jouent un rôle crucial.
Une diversité locale
Perçues comme des végétaux indésirables, les plantes indigènes ont disparu de nos plates-bandes au profit des plantes exotiques considérées comme étant plus ornementales. Heureusement, elles gagnent tranquillement du galon dans les pépinières et les grandes surfaces.
« On martèle de réintégrer les plantes indigènes dans les environnements, affirme Marie-Anne Viau. Les insectes ont évolué avec ces végétaux locaux. Ils sont à la base de l’alimentation des abeilles et de leurs larves. » Plus il y a de diversité, plus le buffet pourra répondre aux besoins de plusieurs types d’abeilles et de pollinisateurs.
La variété passe par la couleur des fleurs (au moins cinq dans un aménagement) et leur période de floraison afin que la nourriture soit accessible tout au long de la saison.
« Les abeilles ne voient pas le rouge qui attire toutefois les colibris. Mais elles sont attirées par les autres couleurs et spécialement par le mauve ou le blanc qu’elles voient comme en ultraviolet. »
Conseils pour un petit coup de pouce
Abreuvoir pour abeilles
L’eau est essentielle à la survie des abeilles qui s’en abreuvent et en rapportent à la ruche pour alimenter les larves ou réguler la température. L’eau « sale », qui est riche en minéraux, les attire et les met en danger de tomber sur des eaux contaminées. Un abreuvoir à abeilles est tout simple à faire : une soucoupe dans laquelle on met des roches qui sont nettoyées par la pluie et fournissent des minéraux aux abeilles, ainsi qu’un support sur lequel elles peuvent prendre appui pour boire. Une fois qu’elles ont trouvé un point d’eau sain, les abeilles y restent généralement fidèles, communiquant entre elles les points d’eau sans danger.
Éviter de couper les fleurs
Laissez les plantes fleurir avant de les couper pour que les abeilles aient le temps de s’en nourrir, conseille Pierre Giovenazzo. Si vous décidez tout de même de tondre une pelouse en fleurs, faites-le plutôt en fin de journée pour éviter que les pollinisateurs ne passent dans la tondeuse. Ils sont particulièrement actifs quand le soleil est à son apogée.
Vivement le compost !
Éviter les pesticides, herbicides et engrais de synthèse. Utilisez plutôt du compost. Il arrive que les semences de gazon soient enrobées de pesticides. Lisez les étiquettes !
Sa propre ruche : une fausse bonne idée ?
Il y a 10 ans, Miel Montréal prônait la mise sur pied de ruches en ville, où l’environnement est moins pollué par les pesticides et les engrais synthétiques qu’en zone rurale. L’intérêt a cependant grandi au-delà des capacités du milieu. Aujourd’hui, la coopérative réclame le statu quo et encourage les apiculteurs existants à revoir leurs pratiques en contribuant à fleurir l’environnement.
Malgré de bonnes intentions, la popularité de l’apiculture en zone urbaine est, en effet, à double tranchant. Une seule ruche domestique abrite autour de 100 000 individus. Pour subvenir à ses besoins, elle a besoin minimalement d’un hectare de lavande ou de huit hectares de trèfle. À Montréal, des milliers de ruches sont en compétition pour les mêmes fleurs et des milliards d’abeilles domestiques s’ajoutent à la population d’abeilles indigènes. « Si on veut vraiment avoir cette connexion avec les abeilles, il faut d’abord s’assurer d’avoir ce qu’il faut pour les nourrir », indique la vulgarisatrice scientifique de Miel Montréal, Marie-Anne Viau.
Abeille ou bourdon ?
Les deux ! Le bourdon est une abeille indigène. On recense 375 variétés d’abeilles sauvages au Québec, dont 192 à Montréal. Certaines sont si petites qu’elles ressemblent à des fourmis ; d’autres sont grosses et poilues comme ce spécimen. Beaucoup moins nombreuses par ruche (500 contre 100 000) que les domestiques, elles pondent généralement leurs œufs dans la terre, et ils éclosent au printemps. Leur miel, produit en petite quantité, sert par ailleurs à nourrir leurs larves.
À lire
Pour les curieux des abeilles, Abeilles, une histoire naturelle, de Noah Wilson-Rich, permet d’en apprendre sur leurs comportements et leur élevage.