Originaire du Royaume-Uni, l’initiative No Mow May (En mai, laissez pousser) se propage de ce côté-ci de l’océan. Peut-être pas comme des aigrettes de pissenlit – pousse, mais pousse égal ! Disons plutôt doucement, mais sûrement. De là à offrir un répit à nos tondeuses, il n’y a qu’un pas à franchir…

Conservation de la nature Canada (CNC) propose de rejoindre le mouvement No Mow May ce printemps en ne faisant rien. Oui, c’est bien cela : ne surtout pas sortir cette tondeuse qui nous irrite et se contenter de siroter une limonade en contemplant ces jolies fleurs qui poussent dans un tapis de vert. On pourra se féliciter, du même coup, de ne pas avoir fait fuir les oiseaux ni les petits animaux qui trouvent refuge et chaleur dans les herbes hautes.

« Oui, mais les pissenlits ? », questionneront les récalcitrants. « Incorporez-les dans vos salades », pourrez-vous leur répondre en leur faisant découvrir de fabuleuses recettes qui mettent en vedette cette verdure qui s’apprête aussi comme un légume d’accompagnement.

Un généreux garde-manger

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Les fleurs alimentent les pollinisateurs.

Vue sous cet angle, la pelouse est un potager en soi au printemps. Elle devient ensuite le garde-manger des pollinisateurs, qui se gavent du nectar et du pollen des fleurs, en attendant que celles des arbres, vivaces et annuelles éclosent à leur tour. Ces petites bêtes, dont font partie les papillons (de nuit et de jour), les abeilles, les fourmis, les mouches et certaines espèces d’oiseaux et de petits animaux, ont une importance cruciale pour nos écosystèmes en ce qu’elles fertilisent les végétaux.

Très concrètement, nos potagers ont besoin de ces visiteurs pour produire et nous avons besoin de nos potagers pour manger. Nous avons donc tout intérêt à leur dresser la table.

Beaucoup de gens mettent des graines ou des nichoirs pour attirer les oiseaux dans leur cour. En protégeant les fleurs, on augmente les insectes et on attire des insectivores comme les hirondelles. C’est un tout. Lorsqu’on élimine une étape, on affecte l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Claude Drolet, ornithologue de formation et chargé de projet à CNC

La perte et la dégradation des habitats sont les principales causes du déclin des pollinisateurs, indique CNC, qui encourage la biodiversité, notamment dans les pelouses. Ces dernières figurent parmi les plus grands espaces verts de nos villes et villages. Au Canada, 6,2 millions de pelouses pourraient contribuer à cet objectif de vitalisation.

Revoir ses habitudes

  • Des sentiers tondus créent l’intérêt.

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    Des sentiers tondus créent l’intérêt.

  • Introduction de camomille dans le parterre

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    Introduction de camomille dans le parterre

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Retarder la tonte est une façon d’embrasser le changement. D’autres habitudes peuvent aussi être changées, propose Claude Drolet : espacer les tontes pour laisser la chance à d’autres plantes de s’installer, par exemple, et placer les lames de la tondeuse au plus haut pour permettre au gazon de mieux résister à la chaleur et aux intempéries. Il exigera ainsi moins d’interventions. « En laissant notre terrain prendre une diversité naturelle, on augmente sa résilience. Le trèfle, notamment, ira fixer l’azote dans le sol, ce qui participe à nourrir les autres plantes. La pelouse finira donc par s’entretenir d’elle-même. »

  • On peut se contenter de ne couper qu'une parcelle du terrain.

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    On peut se contenter de ne couper qu'une parcelle du terrain.

  • Autre exemple de « coupe sélective »

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    Autre exemple de « coupe sélective »

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Selon la constitution de la pelouse et les conditions dans lesquelles elle évolue (ensoleillement et humidité), on peut tondre toutes les deux semaines, voire tous les mois. Mieux : répartir la tonte en alternant la coupe d’une parcelle du terrain avec une autre, pour qu’en tout temps, une portion de la pelouse offre une source d’alimentation et un abri aux insectes.

Dans ce contexte moins éreintant, peut-être serons-nous plus détendus au moment de tondre. C’est une excellente chose, car en passant la tondeuse plus lentement, on laisse le temps aux insectes et aux petits animaux, comme les grenouilles ou les bourdons, de se déplacer, souligne encore Claude Drolet.

Faire le deuil de la pelouse ?

Une pelouse en santé, et plus « verte », n’est pas d’un vert homogène, mais plutôt ponctuée de touches de couleurs différentes. « Sans tout revirer sa pelouse à l’envers, on peut y introduire du trèfle, du lotier et de la fétuque », suggère le propriétaire de la Pépinière Rustique, Benoit Bertrand, qui s’est spécialisé dans les semences et plantes indigènes du Québec, il y a 21 ans. « Même en tondant, on bénéficiera de la qualité de ces plantes, à défaut de leurs fleurs. »

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Semez-y des fleurs sauvages !

Si c’est possible, ajoute-t-il, délimitez des zones pour tondre uniquement celles qui sont utilisées pour la circulation ou comme aires de vie. Les autres pourront pousser librement. Entendons-nous, librement ne veut pas dire laissées en friche, à moins de souhaiter y voir se développer une forêt, ce qui finira inévitablement par arriver.

Convenons que la tonte offre l’avantage de mieux contrôler la végétation. À défaut de couper l’herbe, on veillera donc à ce que des pousses d’arbres ou des plantes indésirables comme l’herbe à poux ne s’y installent pas. On l’enjolivera de fleurs indigènes, en plantules plutôt qu’en semis, en créant des ouvertures çà et là dans la pelouse. Dans un sol déjà gazonné, elles seront plus faciles à implanter, indique l’horticulteur. On peut encore semer ces fleurs dans le jardin avant de les transplanter dans l’herbe.

Si ces options ne sont pas envisageables en raison du contexte social et de l’application d’un règlement municipal, enlevez le gazon et plantez autre chose, conseille encore Benoit Bertrand. « L’idée du gazon est tout simplement un concept facile sur lequel on saute. Mais on peut juste l’éliminer. Parfois, c’est plus facile que de chercher un compromis en ville. »

  • Mélange de fétuque

    PHOTO FOURNIE PAR LA PÉPINIÈRE RUSTIQUE

    Mélange de fétuque

  • Gazon rustique dans lequel s’est installée une variété de végétaux.

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    Gazon rustique dans lequel s’est installée une variété de végétaux.

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Les jardineries proposent différents mélanges de fleurs en semences. On peut encore saisir l’occasion d’agrandir son potager ou de semer un mélange de fétuque dont le genre offre une excellente résistance aux insectes et à la sécheresse, et on peut la rabattre pour donner un aspect ondulé à la pelouse, plutôt qu’hirsute (ou « négligé », selon les critères d’appréciation), dans le cas d’un gazon standard.

« Ces solutions exigent peut-être un peu d’ouverture d’esprit... », convient Benoit Bertrand. L’époque et sa réalité ne l’imposent-elles pas ? Bienvenue à la pelouse 2021 !

Trois adresses où trouver des semences et plantules :

> Consultez le site de la Pépinière Rustique

> Consultez le site d’Aiglon Indigo

> Consultez le site de Gloco